Texte paru dans le n° 6 de la revue papier Ballast (printemps 2017)
Né à Beyrouth à la fin des années 1970, Marc Nammour débarque en France en 1986. Sa famille a fui la guerre civile libanaise. Il grandit dans une cité ouvrière du Jura et travaille un temps en usine, avant de gagner la capitale pour se consacrer à ce qui deviendra son métier : la musique — plus précisément, le rap. La voix du groupe La Canaille s’exprime ici en son nom propre, dans le cadre d’une création collective qu’il a dirigée sous le nom de « 99 ». Ce numéro n’est pas celui du département de Bône, né au début de la guerre d’Algérie et rapidement aboli, mais celui d’un département imaginaire. Fantôme. Le département de ceux et celles qui, comme lui, viennent d’ailleurs. « Je ne changerai jamais ma grammaire des bas-fonds ni mon vocabulaire des cimes. Je sais quelle langue je parle. Ils ne pourront rien faire contre ça. » Un « chant de l’entre-deux ».
Prendre son courage à deux mains et partir
Partir le cœur lourd et la mémoire chargée
Partir dans l’urgence
Comme un ultimatum
Partir en ne prenant que le strict minimum
Promettre de ne rien oublier
Promettre de revenir avant la fin du sablier
Embrasser les siens une dernière fois
Les serrer de toutes ses forces pour imprimer l’étreinte
Et partir
Partir en se retournant constamment
Profiter de la vue jusqu’à la dernière image
Et fondre en larmes
En silence
Une fois loin du rivage
Sentir le doute t’envahir
Et si jamais ce n’était pas le bon choix
Si jamais il fallait rester
Et si jamais les tensions n’étaient que passagères
Partir et rester sans voix
Partir
Jouer tapis en espérant sauver la mise
En espérant d’avoir la force d’aller
Partir la peur au ventre et des rêves plein les valises au bout de l’entreprise
Des rêves qui valent la peine
Des rêves beaux comme l’espoir
Lumineux comme la fin d’un tunnel
Des rêves secrets de happy ends
Enfouis dans le noir des prunelles
Partir
Sans plus attendre
Recommencer à zéro et renaître de ses cendres
Page blanche
Aujourd’hui est historique
Aujourd’hui est un jour à graver dans la roche
Aujourd’hui est résolument révolutionnaire
Aujourd’hui a ce doux et mystérieux goût de la romance
Mais aujourd’hui c’est aussi et surtout
Une nouvelle guerre qui commence
*
Nom : Nammour
Prénom : Marc
Année de naissance : 1978
Lieu de naissance : Beyrouth
Nationalité : franco-libanaise
Département d’origine : 99
Petit j’ai longtemps cherché sur la carte pour le situer mais sans résultat
Les registres étaient formels la liste se termine à 98
Après tu navigues en eau trouble
Tu entres désormais en territoire inconnu
Un vide non identifié dans lequel je gravite depuis 1986
L’année où ma smala et moi débarquons du bled pour nous installer en urgence dans l’est de l’Hexagone
On ne naît pas 99
On le devient
99
C’est le plus grand département de France et le plus méconnu
Une contrée immense dont tu ne trouveras le tampon sur aucun passeport
Sans drapeau
Sans langue officielle
Une zone floue un monde parallèle
Personne ne sait où il commence ni où il s’arrête
Un département fantôme
Le département des « autres »
Il englobe les autres
Il les regroupe sous ce double chiffre énigmatique
99 couleurs
99 confessions
99 latitudes
Un bazar
Un vrai bazar
Le seul point commun de ses ressortissants c’est qu’ils ne sont pas d’ici
Ils ont tous ce parfum d’ailleurs et font partie de cette même caste dépareillée
99
99 différences
Mais 99 suspicions à chaque percée consanguine
99 boulets au pied
99 pattes blanches à montrer
À justifier
La marque d’une altérité décrétée malfaisante
Une tête à risque ou à rixe c’est selon
Au bon vouloir
Un défouloir officiel
La cause de tous les maux
Une gamelle à crachats qu’on ressort à chaque trop-plein de misère
Un paillasson pour semelles embarrassées
Les premiers refoulés
Les exilés du coin de la rue face aux contorsions de la nation
99 valises toujours prêtes
99 quêtes perpétuelles d’asile
99 façons de déchanter
*
Ma naissance fut explosive
C’est le moins qu’on puisse dire
Ma mère installée sur son lit d’accouchement de fortune n’en menait pas large
Ce n’était pas la douleur d’un accouchement sans péridurale qui l’effrayait
Ce n’était pas le fameux et délicat passage du col qui la tétanisait
Ma mère souffrait d’une autre peur
Elle avait peur que le générateur d’électricité tombe en panne
Peur que la sage-femme au bout de la cinquième nuit sans sommeil ne soit pas assez vigilante
Peur que les murs du sous-sol de l’hôpital ne tiennent pas sous la pression constante des bombardements
Peur que les miliciens fassent irruption en plein travail pour purifier la zone comme ils savent si bien faire
Car le quartier à cette époque avait perdu toute trace d’humanité
Les hommes n’étaient plus des hommes
Ils avaient des têtes de bêtes
Des têtes de bêtes brutes
La rage aux lèvres et la fièvre au front
Des têtes de spectres malfamés
Voilà qui nous ramène dans un pays de feu et de larmes
Un pays au bord d’un éclatement sanguinaire
En quête d’une paix qui se dérobe et se méconnaît
Un pays qui a fait parler de lui de la plus horrible des manières
Ma mémoire est entourée de sang
Ma mémoire a sa ceinture de cadavres
Chaque départ porte en lui les stigmates de la souffrance
Chaque départ a ses plaies ouvertes et ses cicatrices à cautériser
Mes cousins n’ont pas eu la chance de partir
Ils sont restés là-bas
N’ont rien vu d’autre que là-bas
Ils ont grandi dans le théâtre de l’abject qui jouait tous les soirs à guichets fermés
Ils n’ont pas eu d’enfance
Ils n’ont eu que des couvre-feux
Nous passions des heures à attendre au bout du fil une tonalité pour prendre des nouvelles en pleine torpeur
Et les jours de silence se tissait le pire dans notre imaginaire
Les jours de silence étaient comme des années
Peur de les voir s’ajouter au sinistre bilan de près d’un quart de siècle de conflit
Peur de les compter parmi les quelque 250 000 victimes tombées sous le joug d’une barbarie fratricide
Peur de lire leurs noms parmi les centaines de milliers de disparus
Ma mémoire est entourée de sang
Ma mémoire a sa ceinture de cadavres
Et puis du fracas d’une guerre officielle je suis passé au silence d’une guerre officieuse
Une guerre sourde aveugle et muette
Une guerre ordinaire qui ne frappe que l’enceinte des quartiers populaires
Si tristement ordinaire qu’elle n’émeut plus personne
À part ceux qu’elle concerne
Ces appartements sordides où s’entassent les misérables
Les laissés-pour-compte de notre chère République
Ceux qui tentent par tous les moyens de ne pas sombrer dans la démence et de rester décents
Les premiers sacrifiés à l’autel d’un capital triomphant
Les parias low cost d’une dégénérescence banale
Et les morts ici sont vivants
Juste assez pour se tuer à la tâche sans rechigner
Et encore une fois je dois dire que j’ai eu la chance de partir
J’ai eu la chance
De m’extirper de ce bourbier prolétaire grâce à la musique et aux mots
Et aujourd’hui j’ai vraiment la sensation étrange d’être un rescapé
Un réfugié à double titre
Un répudié à double chiffre
Mais je garde en mémoire ces regards hagards et ces destins amputés
Ces silhouettes qui crient leur désarroi dans les bas-fonds de la ville
Mais que personne ne daigne entendre
Ma mémoire est entourée de sang
Ma mémoire a sa ceinture de cadavres
*
J’ai grandi en France parqué dans une réserve taillée sur mesure
99 en force ma gueule !
Un melting pot à nous tout seuls
On avait tous la carte VIP de ce club Benetton de pacotille
Un safari périphérique en zone de non-droit
Une concentration d’exilés en cure de désintégration
99 frustrations
99 humiliations
99 langues qui écorchent les oreilles de l’administration quand elles s’expriment en français
Cette France qui malgré tous nos efforts pour masquer nos boubous et nos djellabas
Nous considérait toujours comme des étrangers
Un indice visuel était au cœur du problème
Un taux de mélanine hors-norme selon ses critères
Donc naturellement à force de sentir cette exclusion en permanence dans les regards
On finit par la revendiquer
On finit par la développer
La romancer
La caricaturer
Comme un pied de nez
Le problème c’est qu’une fois de retour au bled pour passer les vacances
Nous subissions les mêmes railleries
« Arabé m’cassar »
C’est comme ça qu’ils m’appellent au Liban
L’Arabe cassé
J’ai l’accent qui trahit
J’ai beau m’appliquer j’ai l’accent du pas d’ici
L’accent qui voudrait chanter avec les autres mais qui n’a pas l’air qui sonne faux
L’accent maladroit de l’étranger
« Arabé m’cassar »
Ça tombe comme une sentence
C’est net et sans appel
Tout de suite ça sent le touriste
Ça sent le transit
Ça sent le visa ou la carte de résident
Décidément cette condition me suit à la trace
Mon père roule les r en français
Et moi plus ça va plus je perds mes mots en arabe
Je suis un bâtard
Une double culture labyrinthique
Un dédale identitaire à en choper le tournis
En pleine poussée nationaliste je suis forcé de me situer dans cette folie
On me demande urgemment qui je suis
Je dois choisir me positionner
Je n’avais jamais éprouvé le besoin de le faire
Mais apparemment c’est d’une importance capitale
Aujourd’hui
Arabe cassé
Faux Français
Et je ne sais plus à quel saint me vouer
Primitif hi-tech
Barbare civilisé
Tout ça s’entrechoque dans ma tête
Tout ça s’entremêle
Il ne me reste que ma poésie
Il ne me reste que ma poésie pour me définir
Sans loi du sol
Sans loi divine
Sans racines
Pour me construire tel que je suis
Sans paradoxe aucun
Multiple
Complexe
La seule terre d’asile où je pourrais recoller les morceaux de moi-même
Et dévaler
Car si je suis un bâtard, eh bien soit !
Mais un noble bâtard
Un bâtard avec un grand B
Un bâtard bavard
Je suis sans pedigree fixe
Sans attaches véritables
Ici ou là je reste différent
J’ai 99 cicatrices à faire parler
99 prisons
99 raisons de m’en évader
*
L’argent circule librement
Les armes circulent librement
La drogue circule librement
Mais nous la terre nous est étroite
Les politiques circulent librement
Les hommes d’affaires circulent librement
Les religieux circulent librement
Mais nous la terre nous est étroite
À nos yeux le mot « frontière » est un mot creux
Ma poésie pilonne les fondations de leurs murs odieux
Nous sommes devenus nomades par la force des choses
Sache qu’on passera par la fenêtre si la porte est close
Apatrides
Nos racines baignent dans l’acide
Le pétrole circule librement
Le plastique circule librement
Les nuages radio-actifs circulent librement
Mais nous la terre nous est étroite
La faucheuse circule librement
La misère circule librement
La guerre circule librement
Mais nous la terre nous est étroite
À nos yeux le mot « frontière » est un mot creux
Ma poésie pilonne les fondations de leurs murs odieux
Nous sommes devenus nomades par la force des choses
Sache qu’on passera par la fenêtre si la porte est close
Apatrides
Nos racines baignent dans l’acide
Les actions circulent librement
Les grands patrons circulent librement
Les stock-options circulent librement
Mais nous la terre nous est étroite
La république circule librement
La démocratie circule librement
Le rêve américain circule librement
Mais nous la terre nous est étroite
À nos yeux le mot « frontière » est un mot creux
Ma poésie pilonne les fondations de leurs murs odieux
Nous sommes devenus nomades par la force des choses
Sache qu’on passera par la fenêtre si la porte est close
Apatrides
Nos racines baignent dans l’acide
*
Elle je peux la lire dans un regard de travers
Dans une main moite ou un changement de trottoir
Derrière une porte qui se ferme un rideau qui se baisse
Dans les briques d’un mur qui s’érige ou une parole qui me blesse
En première page des journaux de mon libraire
À l’Assemblée quand ses décrets arbitraires se délibèrent
Elle pose les bases d’un climat nocif et délétère
Elle sait y faire car sa folie régulièrement se réitère
Aux avant-postes de toutes les zones de turbulence
Madame jubile le nez derrière l’écran de surveillance
Reine de la psychose qu’elle distille à petite dose
Elle a le prêche qui prose l’apothéose de la névrose
Une éloquence à toute épreuve en temps de crise
Car la misère la galvanise affûte l’assise de son emprise
Elle ostracise dès les premiers préliminaires
Madame s’enflamme avec les charmes d’un État sécuritaire
Et j’me demande bien au fond d’où est-ce qu’elle tire sa force
Madame me glace le sang quand son délire s’amorce
Fructifier le préjugé, justifier l’à priori
Son réquisitoire veut clouer l’étranger au pilori
Jusqu’où peut-elle aller jusqu’où peut-elle convaincre
Quand l’Europe se laisse draguer sans rien faire pour la contraindre
Quel degré de résistance, à quand la délivrance
Quand cette garce s’immisce en nous avec la haine de connivence
Et elle nous dévisage nous divise se moque de nous
Considère le métissage comme une vulgaire faute de goût
Une invasion barbare une hérésie
Une perte d’identité dont se nourrit la graine de ses récits
Et le mensonge s’épaissit, plus sa voix nous séduit
Plus la chance de connaître ce fameux vivre ensemble se réduit
Et nos plaies purulent nos douleurs s’accumulent
Et on implore un peu de répit au clair-obscur du crépuscule
*
Et passent les révolutions
Et passent les révolutions avortées et les récupérations politiques. Les dessous-de-table prolifiques. Les corbeaux moyenâgeux se préparent à becter la dépouille de l’utopie. Voici venu le temps de la division, de la délation, de la peur. De l’effacement. De la réécriture. Voici venu le temps des trahisons.
Et passent les révolutions avortées et leurs lots de sang, de torture, d’emprisonnement, d’intimidation, de censure plus ou moins déguisée. De retour à la normale. De retour à l’ordre. L’ordre des puissants. L’ordre de la police. L’ordre du bâton. L’ordre de la serrure métallique de la geôle qui t’attend si par malheur tu oses prôner le désordre.
Et passent les révolutions avortées et cette ignoble résignation qui ressurgit. Cette façon de rentrer dans le rang au chant du coq. Cette fatalité qui tombe sur nos épaules et nous courbe le dos. Cette logique implacable de réduction qui poursuit le cours de son aliénation. Et le sommeil devient profond.
Et passent les révolutions avortées et je reste planté là. Seul. Avec cette faim qui n’en finit pas de crier. Avec cette feuille et ce stylo portant l’espoir incandescent à bout de mots. Avec ma fatigue d’homme. Mes rêves inassouvis. Avec mes 99 plans sur la comète et mes 99 étoiles à rallumer. Je suis là.
J’annonce que des profondeurs des cités interdites je ne changerai pas mon fusil d’épaule. Je ne changerai jamais ma grammaire des bas-fonds ni mon vocabulaire des cimes. Je sais quelle langue je parle. Ils ne pourront rien faire contre ça. Ils ne pourront pas acheter ou forcer ma paix. Ils ne pourront m’enlever ce relent de dignité qui brille au fond de mes pupilles. Mon humanité.
Quand je dis « ils » je m’adresse à nos dirigeants. À cette caste dont les enfants des coursives n’ont de cesse d’insulter leur mère. Comme s’ils lui reprochaient de les avoir enfantés. De leur avoir transmis la culture du mépris et de l’exploitation. De leur avoir donné ce goût du pouvoir et l’art de s’asseoir sur ses semblables pour l’obtenir ou le garder. Redevable du meilleur dans le pire.
Quand je dis « ils » je m’adresse aux faux frères. À cette pâte noire qui voudrait se montrer blanche pour se faire accepter. Prête à toutes sortes de concessions pour une place de choix au banquet des grands anthropophages. Ceux qui collaborent en connaissance de cause par cupidité. Ceux qui vendraient père et mère par appât du gain. Ceux qui n’ont que l’argent comme seule morale.
Quand je dis « ils » je m’adresse aux yeux fermés. Aux disciples de la négation. Tout va bien, il n’y a pas de problème. Je m’accommode des miettes que l’on me donne et que le dernier arrivé ferme la porte ! Ceux qui cautionnent le crime ordinaire par leur silence. Ceux qui détournent le regard et se bouchent les oreilles pour une quiétude temporaire. Ceux qui renient l’horreur de l’évidence.
Alors j’annonce que des profondeurs des cités interdites je ne changerai pas mon fusil d’épaule. Je ne changerai jamais ma grammaire des bas-fonds ni mon vocabulaire des cimes. Je sais quelle langue je parle. Ils ne pourront rien faire contre ça. Ils ne pourront pas acheter ou forcer ma paix. Ils ne pourront m’enlever ce relent de dignité qui brille au fond de mes pupilles. Mon humanité.
*
Et cette époque nous somme d’endosser l’uniforme
D’accepter ses valeurs ses codes et d’embrasser sa norme
De nous situer avec force et conviction
Raccrocher le wagon et camper dur sur nos positions
À chacun son modèle sa couleur et sa médaille
Son pas cadencé pour camoufler ses failles
Son sérail et l’éventail de son réseau
Ses trompettes ses conquêtes ses martyrs et ses héros
Ses vérités toutes faites ses croyances et ses démons
Écouter les portes se renfermer puis couper les ponts
Bouffer du sacerdoce filer droit sûr de soi
Le rogner jusqu’à l’os et regretter la crise de foi
Moi ? Apatride et libre pour seules certitudes
J’cultive ma complexité loin de leur servitude
Internationale ma langue est celle des ventres creux
J’reste à la marge et revendique le chant de l’entre-deux
Quatre-vingt-dix-neuf, le son de l’émancipation
Quatre-vingt-dix-neuf, une seule revendication
Quatre-vingt-dix-neuf, réveille ceux qui dorment
La parole est libre et elle refuse l’uniforme
Mais qui voudrait réduire la richesse de mon être
Qui parle en mon nom, qui prétend me connaître ?
Qui souhaite me voir atrophié accroupi ?
Qui tient l’bâton pour m’assimiler à tout prix ?
J’ai tellement vadrouillé j’ai tellement déconstruit
J’ai tellement questionné les mots pour chercher qui je suis
C’est pas pour rentrer dans les rangs au son de la cloche
Approche regarde j’ai mis le soleil au fond de la poche
Mon espace de liberté ne peut se négocier
Je suis venu cracher les cris coincés dans le gosier
Ni maître à penser ni chef de file
J’casse le moule prends la fuite si j’étouffe et imagine la suite
Me fous pas mal de leur morale et de leur bienséance
Me passe de leurs conseils refuse leur bienveillance
Allez leur dire que je vois clair dans leurs yeux
Le 99 ne rentrera pas dans leur jeu
Quatre-vingt-dix-neuf, c’est le son de l’émancipation
Quatre-vingt-dix-neuf, une seule revendication
Quatre-vingt-dix-neuf, réveille ceux qui dorment
La parole est libre et elle refuse l’uniforme
Oui la parole est mienne oui la parole est belle
Je la cultive pour qu’elle développe tout son potentiel
Qu’elle se méfie des raccourcis qui voudraient l’aplatir
L’assainir la remodeler la taire ou la bannir
Je ne cause pas comme un ministre, un homme d’affaires
Comme un commentateur télé ou un publicitaire
Je n’ai pas le jargon du technocrate ou du prophète
Ici je cause la langue sauvage et désinvolte du poète
Celle qui éclate les cases celle qui invente ses règles
Coupe les fils célèbre la vie quand elle bouge ses lèvres
S’élève plus haut que les robots plus haut que les machines
Celle qui révèle l’humain plus beau qu’tu l’imagines
Celle qui refuse de consommer quand la bêtise se labellise
L’erreur de formatage l’art du lâcher prise
La seule menace pour contrer le camp des clones
La force qui les dépasse et les détrône
Quatre-vingt-dix-neuf, le cri de l’émancipation
Quatre-vingt-dix-neuf, une seule revendication
Quatre-vingt-dix-neuf, réveille ceux qui dorment
La parole est libre et elle refuse l’uniforme
*
J’annonce qu’à partir d’aujourd’hui le 99 n’est plus une tare
Le 99 n’est plus une vulgaire classification administrative
C’est une étoffe précieuse dont je me drape cousue de fils d’or et d’argent
C’est un jardin partagé où l’on cultive les graines de la différence
Parce qu’elle est essentielle
Parce qu’elle est belle
C’est un état d’esprit
C’est une main tendue en signe de bienvenue
C’est un toit et des couverts pour ceux qui n’en n’ont pas
Une marmite géante où les épices se mélangent pour proposer une tambouille subtile et raffinée
C’est un mouvement en évolution permanente
En recherche permanente
Une émulation fraternelle sous les 99 rugissants
C’est le camp majoritaire
Nous formons les 99 % de la population qui s’élèvent contre la mesquinerie du 1 % qui reste
J’annonce qu’à partir d’aujourd’hui est 99 qui veut
Nous sommes tous 99
99 is beautiful
99 is the future
Si je me sonde je n’ai pas de pays
Ordonne de choisir et je désobéis
Me désolidarise et prends le maquis
Ma zone à défendre se fout de la patrie
Hum, j’suis rempli d’empathie
La préférence nationale me salit
Aucune hiérarchie, jamais de la vie
Plutôt crever que manger l’avarie
Une voix consanguine nous pousse à l’agonie
Celle-là je la maudis je dis je la vomis
J’veux de la chaleur oui mon ami
J’veux de l’humanité sans préavis
Laisse-moi cracher toute mon antipathie
Aux rangs qui défendent cette vision décatie
J’manie les mots d’un poète en baggy
J’ai la ferme intention de faire taire leurs paris
Si je me sonde je n’ai pas de pays
I’m a 99 baby!
Tous les drapeaux un jour ou l’autre ont trahi
Tous les drapeaux pour moi sentent le treillis
99 une utopie
Dont les contours ne sont pas définis
Et c’est très bien comme ça est-ce que tu suis ?
Me cherche pas des poux sinon je fuis
Nouvelle ère nouvelle espèce
2000 et des poussières vas‑y déstresse
N’en déplaise à son éminence
Ici le cours de l’évolution est une évidence
Un amas de molécules enrichies
Embellies ambiguës amphibies
Si nos traits tranchent avec ceux de souche
Nos rêves sont les mêmes quand nos mots se couchent
Illustration de bannière : Kazuo Nakamura
REBONDS
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