Texte inédit pour le site de Ballast
Turquie, 21 mars 2017. Jour du nouvel an kurde, appelé « Newroz ». On compte ici entre douze et quinze millions de Kurdes (moitié moins en Irak et près de trois millions en Syrie) — soit environ 20 % de la population. Le PKK, cofondé à la fin des années 1970 par Abdullah Öcalan, milite aujourd’hui pour une autonomie fédérale : non plus un État kurde centralisé, inspiré du modèle marxiste-léniniste qu’il faisait sien à ses origines, armes à la main, mais une Confédération démocratique, paritaire, multi-ethnique et nourrie à la pensée libertaire. C’est également ce projet que porte, de l’autre côté de la frontière, au nord de la Syrie, le territoire autonome kurde appelé « Rojava » — le PYD, fondé en 2003 et lié au PKK turc, y mène actuellement une révolution tout en luttant contre Daech. Le président turc — l’autocratique Erdoğan — qualifie ces mouvements autonomistes de « terroristes » (les États-Unis et l’Union européenne considèrent pareillement le PKK) et mène en ce moment campagne, tambour battant, pour le « oui » au référendum qu’il organise le 16 avril prochain, afin de renforcer constitutionnellement le pouvoir présidentiel. C’est dans ce contexte, esquissé à trop grands traits, que se déroulent les festivités. Reportage sous état de siège. ☰ Par Laurent Perpigna Iban
Pour le(s) peuple(s) kurde(s), l’arrivée du printemps est aussi synonyme de nouvelle année. Cette fête séculaire, issue de traditions transmises de génération en génération, est un moment à part, où le temps semble se figer. « Newroz » est célébré par tous les Kurdes, ceux de la diaspora, comme ceux répartis sur les quatre pays qui aujourd’hui couvrent le territoire historique de cette « nation sans État ». Ce jour est également l’occasion pour tous et toutes de célébrer une « kurdité » bien mise à mal au quotidien, au cœur d’appareils d’État répressifs et largement « assimilants ». Année après année, les festivités de Newroz ont donc nécessairement pris un tournant, très politique. Elles sont ainsi devenues un véritable baromètre des relations entre les différentes communautés kurdes et les États qui les gouvernent. En ce mois de mars, le peuple aux mille poètes s’apprêtait donc à ouvrir une nouvelle page de son histoire. Au Nord-Kurdistan, comme pour la diaspora kurde répartie sur le territoire turc, ces célébrations interviennent dans un contexte tendu. L’attentat de Suruç1 est encore dans toutes les têtes et le référendum d’hyper-présidence de Recep Tayyip Erdoğan fait trembler celles et ceux qui vivent quotidiennement sous le joug d’un État qui n’en finit plus de réprimer sa minorité. Entre Istanbul et Diyarbakir (Amed, en kurde [au sud-est de la Turquie, ndlr]), chronique de ce Newroz 2017 au goût très particulier.
Pression psychologique sur Istanbul
« Au Nord-Kurdistan, comme pour la diaspora kurde répartie sur le territoire turc, ces célébrations interviennent dans un contexte tendu. »
Ils sont près de trois millions à vivre sur les rives du Bosphore — ce qui en fait la plus grande concentration de Kurdes dans une même ville. Et même si des quartiers sont à dominance kurde, tels que Tarlabasi ou Çukur, ils ne peuvent être considérés sérieusement comme des « quartiers kurdes ». Les regroupements de population à Istanbul sont infra-ethniques et n’ont pas comme dénominateur commun l’appartenance à une entité définie, mais plutôt une implantation historique. Cette répartition anarchique au cœur d’une ville bouillonnante aux multiples facettes est en réalité une donnée fondamentale pour comprendre les enjeux politiques qui y sont en cours. En ce qui concerne les Kurdes, ce non-regroupement géographique et cet éparpillement culturel s’avèrent être des atouts maîtres pour l’État turc. Les trois millions de Kurdes rassemblés au cœur du poumon économique du pays, dans un contexte tel que nous le connaissons, s’apparentent à une bombe à retardement. A fortiori si l’on considère qu’un éventuel soulèvement kurde à Istanbul pourrait être l’étincelle qui enflammerait l’est de la Turquie, le « Nord Kurdistan ». Et si le parti du HDP (Parti démocratique des peuples) est si souvent frappé par Ankara, alors qu’il représente dans l’absolu une ouverture au dialogue et une représentativité politique des Kurdes, cela n’est pas sans fondement.
Les gouvernements turcs n’ont cessé, ces dernières années, de « dé-communautariser » la population kurde afin d’annihiler toute tentative de regroupement — et de visibilité. De facto, cela passe par la déconstruction de toute mouvance politique émergente. Les excellents résultats du tout jeune Parti démocratique des Peuples (fondé en 2012) aux élections ont donc favorisé la représentativité des Kurdes au sein de la société turque. Jusqu’à s’apparenter à une menace concrète, aux yeux de Recep Tayyip Erdoğan. Et si, après des années de lutte armée, le pouvoir en place aurait pu se satisfaire d’une nouvelle donne démocratique via le HDP et composer avec, il a fini par durement réprimer ce mouvement politique. L’histoire de la politique kurde de l’AKP (Parti de la justice et du développement [fondé par Erdoğan, ndlr]) s’apparente à une véritable crise de schizophrénie. Depuis 2002, le parti semblait avoir tout fait pour s’attirer les suffrages de la population kurde, en améliorant sa qualité de vie via la construction d’écoles ou d’hôpitaux et en prenant des mesures symboliques pour la langue kurde, notamment. Erdoğan, qui avait initié, à travers les très secrètes entrevues d’Oslo, une tentative de résolution du conflit kurde (entrevues soldées par un échec), se montre désormais particulièrement intraitable sur cette question et paraît prendre pour cible aujourd’hui ceux dont hier il espérait les faveurs. Le conflit en Syrie a une importance majeure ; il semble d’ailleurs que le président turc fasse payer aux Kurdes ses échecs au Levant, comme une vengeance au goût bien amer.
Depuis ce que l’on nomme le « coup d’État avorté du 15 juillet 2016 », le président Erdoğan se sait fragilisé. Le sentiment de toute-puissance qu’il dégage est à relativiser. Les récentes purges ont fragilisé l’appareil d’État et il doit aujourd’hui gouverner d’une main de fer. Le référendum prévu dans quelques semaines va dans le sens d’un renforcement pragmatique autant qu’autoritariste de ses pouvoirs. Les Kurdes le savent. Demain, ils en seront les premières victimes. Ce 20 mars 2017 est un jour pluvieux à Istanbul. Avenue Istiklal, environ 150 personnes manifestent, en blouse blanche. « Nous sommes kurdes et nous manifestons contre la casse du régime de santé publique. Nous manifestons également contre ce référendum », confie un jeune homme sous le regard inquisiteur de la police. Aucun symbole kurde n’est identifiable. Tous et toutes paraissent bien intégrés à la société turque. Mais ils se sentent en danger. Au bout de quelques minutes, la manifestation est nassée, coincée entre les forces anti-émeute et les policiers en civil, avant de se disperser. Initialement prévues et autorisées ce jour, au lointain quartier de Bakirkoy, les célébrations de Newroz y ont été interdites au dernier moment. Sur place, un barrage policier empêche tout accès au site. Les routes sont en état de siège. Il n’y a d’ailleurs personne. Il pleut. Il n’y aura pas de Newroz à Istanbul aujourd’hui.
« L’avenue Gazi, qui occupe une place centrale dans Sur, est en état de siège. On ne compte plus les camions anti-émeute, les blindés, les camions à eau, et leurs rondes incessantes. »
Une information contradictoire est pourtant tombée la veille. Un Newroz serait autorisé le lendemain à Kartal, à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu initial. La communauté kurde d’Istanbul est prise à contrepied, à la merci du bon vouloir des autorités, qui autorise et annule, sans aucun préavis. Plusieurs milliers de Kurdes se rassembleront malgré tout à Kartal et la police arrêtera six participants. Si le comité d’organisation de Newroz se satisfera d’une « victoire » pour la cause, de nombreux Kurdes, eux, ont un avis plus nuancé. Beaucoup plus réaliste, aussi. Veysi, un jeune homme installé à Istanbul, en témoigne : « Nous n’avons malheureusement pas été surpris par l’annulation du Newroz ; c’est devenu quelque chose d’habituel pour nous. C’est une forme de pression psychologique, mais également un outil de propagande de l’AKP envers la communauté turque, à qui l’on montre que le problème kurde est en train d’être réglé. » Même si, en effet, personne n’a été surpris, cette interdiction puis ce report a été très mal vécu. « On peut y voir une tactique politique en vue du référendum ; l’interdiction du Newroz aurait pu générer de graves incidents, qui auraient servi ensuite d’outil de propagande pour le « oui » au référendum », résume le jeune homme. Les grands axes d’Istanbul sont drapés de portraits d’Erdoğan et de drapeaux de l’AKP. « Evet » (« oui ») s’affiche partout en lettres capitales. C’est presque à croire qu’il ne reste plus de murs disponibles pour l’opposition.
État de siège à Diyarbakir
La vieille ville de Diyarbakir (Sur) a conservé son cachet d’antan. Sa population tente de continuer d’y vivre le plus dignement possible, malgré une occupation militaire omniprésente et surtout la destruction de l’espace urbain, devenu le lot de toutes les grandes villes du Nord-Kurdistan. D’après un récent communiqué de la municipalité de Diyarbakir, 70 % des bâtiments de l’est de Sur auraient été détruits — et ce sont 30 000 habitants qui auraient été déplacés dans plusieurs autres municipalités de l’agglomération. Sur le terrain, il n’y a pas à faire beaucoup d’efforts pour apercevoir ces ruines, qui tapent à l’œil du premier venu. Depuis l’aéroport, il avait déjà fallu passer plusieurs checkpoints, où les militaires turcs, regards noirs et armes au poing, dévisagent toutes celles et ceux s’approchant d’une ville qui avoisine le million d’habitants. L’avenue Gazi, qui occupe une place centrale dans Sur, est en état de siège. On ne compte plus les camions anti-émeute, les blindés, les camions à eau, et leurs rondes incessantes. À l’occasion de ces fêtes de Newroz, les policiers cohabitent donc avec les forces spéciales de la police, et les forces armées conventionnelles avec les forces armées spéciales. Les couleurs kurdes ne s’affichent pas. Seuls quelques vendeurs de rue affichent, entre deux paires de Ray-Ban, des keffiehs vert-jaune-rouge. Même à la veille de la plus grande célébration de l’année, l’atmosphère est étrange. Pesante. Effrayante, même, à la nuit tombée quand les rondes aveuglantes de l’armée prennent le dessus sur la vie civile.
L’accès au « Park Newroz », où se tiennent les festivités, est strictement contrôlé. Plusieurs checkpoints en amont inspectent et fouillent toutes celles et ceux qui se présentent. Le liste des « interdits » est sans égal cette année : portraits d’Öcalan, mais aussi couleurs kurdes, représentations des symboles PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), des YPG (Unités de protection du peuple)… Concrètement, seules les banderoles pour le vote « non » au référendum étaient autorisées. Ces fouilles sont censées être un rempart contre une éventuelle attaque de l’OEI, qui a déjà frappé le territoire des Kurdes de Turquie. Certains Kurdes, eux, ne voient pas du tout les choses du même œil. « L’État turc est responsable de l’attentat de Suruç, il a laissé Daech nous frapper pour nous mettre au pas, alors ne croyez pas que ces contrôles mettent qui que ce soit en sécurité. Au contraire, ils se servent de cette excuse pour tout nous interdire. Si nous sommes chaque année moins nombreux, c’est parce que nous avons peur », confie un jeune homme dans la file d’attente, avant les contrôles. Arrivés sur les lieux de l’entrée dédiée à la presse et aux délégations officielles, la tension est à son paroxysme. Des petites plaques jaunes portant des numéros sont disposées au sol, à quelques mètres du point de palpation. Des policiers en blouse blanche s’activent, laissant entrevoir qu’un drame s’était joué quelques minutes auparavant à cette même entrée. Sous la pression policière, l’heure n’est cependant pas à l’investigation.
« Un immense drapeau d’Öcalan est déployé dans la foule, ainsi que portraits de combattants, notamment des YPG. »
Il faut pénétrer sur le site, et, même munis d’accréditations officielles, ce n’est pas une mince affaire. Celles portant portant le logo Newroz sont déchirées ou recouvertes d’autocollants par la police turque. Une membre de la délégation kurde de Paris s’étonne de « n’avoir jamais connu une telle pression. Ils veulent nous montrer que les choses ont changé et qu’ils sont désormais maîtres du jeu ». Nous apprendrons plus tard qu’un jeune étudiant en musique de Malatya en possession d’un couteau avait été abattu par la police. Selon la préfecture, il aurait refusé de se soumettre au contrôle à l’entrée du site. Il aurait ainsi été suspecté par la police turque de dissimuler une bombe. À l’intérieur du site, la foule est déjà présente depuis le milieu de matinée. Les estimations officielles parleront en fin de journée d’un rassemblement d’environ 300 000 personnes — à titre de comparaison, il y a trois ans, ces festivités avaient rassemblé plus d’un million de Kurdes. Les danses se succèdent, tandis qu’à la tribune officielle, Dilek Öcalan (la nièce de Abdullah Öcalan) et Ahmet Türk, (co-maire de Mardin, tout juste sorti de prison2), se font concurrence à l’applaudimètre. Ce dernier, au terme d’un long discours, pointera du doigt le pouvoir « raciste et nationaliste » d’Ankara, invoquant une réaction d’unité du peuple kurde : « Si nous n’élargissons pas notre unité, nous serons responsables devant l’Histoire. Ceux qui veulent détruire l’avenir du peuple de Shengal paieront un lourd tribut. Ceux qui opprimeront les Kurdes et les monteront les uns contre les autres seront condamnés devant notre peuple et notre histoire. »
Apprécié par nombre de Kurdes pour ses engagements, notamment en faveur de la paix, il demeure malgré tout optimiste : « Nous avons aujourd’hui notre voix, et nous ferons parvenir notre demande partout dans le monde. » Dilek Öcalan, elle, rappelle que « cet événement a une valeur historique, malgré les arrestations, les tortures, le processus d’état d’urgence, les couvre-feux ». La pluie fait son apparition, et la foule envahit l’espace réservé à la presse et aux officiels. Un immense drapeau d’Öcalan est déployé dans la foule, ainsi que portraits de combattants, notamment des YPG. Finalement, tout ce qui était officiellement interdit finit par être déployé dans une atmosphère de plus en plus militante, malgré les rappels à l’ordre des organisateurs, craignant que les festivités soient écourtées. Les slogans se succèdent et, avant la clôture finale, c’est au tour de deux rappeurs kurdes d’enflammer la foule. La sortie se fait sous haute surveillance policière et se déroulera globalement bien, malgré quelques incidents mineurs.
Perspectives d’avenir
Le soir, à Sur, chacun refait la journée. Et tente d’envisager un avenir bien incertain. Il apparaît clair à chacun que le futur du Kurdistan turc est assujetti à l’évolution du conflit en Syrie, et en particulier au Rojava. Et les lignes, à ce niveau, semblent bouger. Les YPG, considérés comme une émulation syrienne du PKK, n’ont de cesse de gagner du terrain face à l’OEI. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont aujourd’hui en ligne de mire Raqqa et n’hésitent pas à spéculer sur son éventuelle libération. Les objectifs politiques au Rojava sont déjà posés : un système « démocratique fédéral » avec plusieurs régions autonomes dans le nord de la Syrie. Même si ces spéculations peuvent paraître prématurées, il n’en demeure pas moins qu’une véritable révolution démocratique et progressiste a lieu actuellement dans les territoires kurdes de Syrie, et qu’elle aura, à terme, inéluctablement des conséquences directes sur la situation dans le territoire turc. Le jeu des alliances a aussi son importance. Symboliquement déjà en froid avec une partie de l’Union européenne, Erdoğan crie aujourd’hui à la trahison après que son allié circonstanciel, Vladimir Poutine, a envoyé ses troupes, le 20 mars, dans la province d’Afrine, actuellement tenue par les forces du YPG. Ce qui vient encore une fois complexifier la situation diplomatique turque. Autant intérieurement qu’extérieurement. Un renforcement des pouvoirs du président Erdoğan est en ce sens éminemment précieux.
« Même si ces spéculations peuvent paraître prématurées, il n’en demeure pas moins qu’une véritable révolution démocratique et progressiste a lieu actuellement dans les territoires kurdes de Syrie. »
Le fondateur de l’AKP, qui n’en reste pas moins un redoutable stratège, semble cyniquement vouloir profiter de l’affaiblissement qu’il a provoqué au sein du Parti démocratique des peuples, avec les arrestations de ses deux co-présidents Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag, pour tenter de rallier à lui un maximum de Kurdes. Ses relations cordiales avec le clan Barzani et le PDK (Parti démocratique du Kurdistan) constituent, et il le sait, un levier important pour l’éventuelle adhésion de Kurdes plutôt « dépolitisés ». Il n’a donc pas rechigné à faire s’élever le drapeau du kurdistan irakien à l’arrivée de Massoud Barzani, à l’aéroport Atatürk le 26 février dernier. Cela crispe encore un peu plus une situation déjà compliquée entre les Kurdes de Turquie et ceux d’Irak. L’opposition kurde au PDK, si elle n’est pas inexistante, peine à se faire entendre, dans un contexte d’émancipation très avancée à. Le clan Barzani est déjà arrivé à se constituer un territoire quasi-autonome, et une politique pan-kurde représenterait pour ces derniers un risque d’affaiblissement majeur. En outre, le pétrole extrait de la région d’Erbil a scellé des accords commerciaux presque vitaux pour le Kurdistan irakien ; son acheminement vers la Turquie échappant totalement au gouvernement de Bagdad.
Lors de son discours à la tribune de Diyarbakir lors de Newroz, Leyla Güven, la coprésidente du DTK (Congrès populaire démocratique), a pointé du doigt ces relations à Erdoğan-Barzani, appelant ce dernier à cesser son jeu de déstabilisation. Ses craintes sont fondées. Il est en effet envisageable que Barzani se prononce en faveur du « oui » au référendum, tentant d’influencer le vote des Kurdes afin de préserver ses intérêts économiques et stratégiques. Cela constituerait une trahison somme toute assez inédite dans un historique de relations déjà bien chargé entre ces deux communautés. Quoi qu’il en soit, cette année 2017 est hautement décisive pour les peuples kurdes. Personne n’imagine une seule seconde, dans le cadre d’une hypothétique résolution du conflit en Irak et au Levant, qu’un statu quo kurde soit envisageable. Au front sur trois des quatre pays qui abrite sa communauté, le peuple kurde semble plus que jamais en attente. Alors que bientôt un siècle se sera écoulé depuis le traité de Sèvres qui démembra l’empire Ottoman en 1920, les aspirations des Kurdes, si elles ont évolué avec les décennies, n’ont jamais été mises de côté. Et même si le conflit en Syrie et en Irak n’est pas prêt de toucher à sa fin, le processus politique en cours en Turquie, tout comme les avancées des Kurdes au Rojava, seront des facteurs déterminants, à court comme à moyen terme. Si la paix veut être durablement installée à l’issue de ce conflit, il faudra que chacun des acteurs tâche de réfléchir à un nouveau scénario, et s’efforce de trouver des consensus acceptables par les différentes communautés kurdes. Si tel n’était pas le cas, le risque de voir un prolongement durable de l’instabilité de la région deviendrait réel.
- Attentat (Juillet 2015) attribué à l’OEI (Organisation de l’État islamique) ayant causé trente-trois morts et plus de cent blessés. Il provoquera une vague de violences avec des vengeances contre les militaires turcs, accusés d’avoir laissé Daech frapper les Kurdes volontairement.[↩]
- Ahmet Türk a été remis en liberté le 3 février dernier, après plus de deux mois de détention. Sa libération sous contrôle judiciaire, prononcée pour des raisons de santé, fait suite à une incarcération des plus farfelues pour appartenance à un groupe terroriste.[↩]
REBONDS
☰ Lire notre entretien « Retour de la révolution du Rojava » (traduction), mars 2017
☰ Lire notre article « Une coopérative de femmes au Rojava »,Hawzhin Azeez, janvier 2017
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☰ Lire notre entretien avec Gérard Chaliand : « Nous ne sommes pas en guerre », décembre 2015
☰ Lire notre entretien avec Abbas Fahdel : « En Irak, encore dix ans de chaos », septembre 2015
☰ Lire notre entretien avec Xavier Muntz : « Le danger évident, pour la région, c’est le repli communautaire », mai 2015