Une affiche rouge, une histoire des barbares, un éloge de la gratuité, le libéralisme autoritaire, une valise pleine de livres, un maire anarchiste, le système carcéral états-unien, la fabrique des mangakas, les bobos et le chaos pasolinien : nos chroniques du mois de décembre.
☰ Ils étaient juifs, résistants, communistes, d’Annette Wieviorka
Dans cette réédition augmentée suite à l’ouverture de nouvelles archives de la police et à la publication de mémoires des derniers survivants, l’historienne de la Shoah et d’Auschwitz (où furent assassinés ses grands-parents paternels) suit le destin des jeunes francs-tireurs partisans juifs du groupe Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI). Ce livre, qu’elle désigne comme « le plus personnel » à ce jour, reconstitue des parcours intellectuels, affronte la singularité de ces identités croisées, raconte le yiddishland de la mémoire parentale ou de l’enfance de l’ancien secrétaire général de la CGT Henri Krasucki, lui-même déporté. Au croisement de ses recherches et de la tragédie familiale, celle qui écrivit aussi la biographie de Maurice Thorez et de sa femme, et fut en contact direct avec les derniers survivants de la MOI, mène l’enquête en érudite empathique — sans jamais se départir de la rigueur des faits mais en adhérant si bien à son sujet qu’on ne peut le découvrir en simple spectateur indifférent. Le livre ressuscite un monde oublié, raconte ce microcosme (ils ne furent jamais plus de 300) qui tenta d’inventer sa liberté aux confluents de l’engagement et de l’exil forcé. Il permet aussi de revisiter l’affaire de L’Affiche rouge, propagande allemande placardée sur les murs de Paris au moment de l’exécution des « 23 » du groupe Manouchian, le 21 février 1944. Annette Wieviorka, qui rompit avec le maoïsme auquel elle adhéra un temps (passant même deux années en Chine) quand elle découvrit son potentiel totalitaire, poursuit et consolide ainsi l’œuvre de mémoire entamée à son retour, restituant l’enthousiasme et l’aveuglement, l’échec final et pourtant la persistance du « symbole même de l’héroïsme révolutionnaire » que représentent encore ceux qui tombèrent au nom d’un idéal plus que d’une patrie, de la liberté plus que d’une identité — « Je ne tuais pas des Allemands, je tuais des nazis en uniforme » clamera toujours Henri Karayan, l’un des derniers Arméniens survivants de la MOI. [A.B.]
Éditions Perrin, 2018
☰ Homo-domesticus — Une histoire profonde des premiers États, de James C. Scott
L’anthropologue américain s’est attaché à dresser l’histoire des premiers États nés en Mésopotamie, entre les VIe et IVe millénaire avant notre ère : vaste entreprise. Car l’« histoire profonde », c’est prendre en compte les facteurs écologiques, agronomiques et politiques menant à la construction d’entités étatiques, souligner l’importance de ce qui n’est pas l’État dans sa formation et mettre en lumière sa capacité autodestructrice. Le rôle de ce dernier est ainsi surestimé dans l’histoire humaine : la faute à des matériaux archéologiques (ceux-là mêmes qu’exploitent les historiens) tributaires du temps — les ruines d’un temple ou d’un palais durent là où un campement disparaît avec ses occupants. Le complexe céréaliculture-État, longtemps perçu comme une étape clé dans la marche du progrès est ici remis en cause ; au scepticisme économique des bienfaits immédiats de la révolution néolithique de l’anthropologue Marshall Sahlins, Scott ajoute celui du politologue : l’agriculture aurait été un moyen d’asservissement autant que d’émancipation. Les domestications végétales et animales se seraient accompagnées d’une « auto-domestication » humaine : les États agraires ne vont pas sans leur cortège de sujets et d’esclaves. Les emprunts hors du corpus d’origine sont fréquents, et les mentions aux premières dynasties chinoises ou aux « États équestres » commanche et mongol permettent d’esquisser les conditions de formation des pouvoirs centraux, mais aussi les causes (épidémies, guerres, changements climatiques) de leurs supposés « effondrements ». Revenant sur l’utilisation actuelle de ce terme, Scott affirme qu’il s’agit souvent d’un long dépérissement, voire d’une redistribution démographique : le déclin de la centralité sédentarisée laisse place à des sociétés atomisées et nomades, mais non moins viables. Dans le sillage des subaltern studies, l’auteur œuvre à la réhabilitation historique des barbares, vandales, étrangers, et autres oubliés des sources — un travail indispensable. [R.B.]
Éditions La Découverte, 2019
☰ Adresse aux vivants (sur la mort qui les gouverne et l’opportunité de s’en défaire), de Raoul Vaneigem
S’il fallait un texte pour finir l’année ou plutôt pour la rouvrir, ce serait sans doute ce livre un peu oublié de Vaneigem, plume du fameux Traité de vivre à l’usage des jeunes générations paru quelques semaines avant Mai 1968 et des chroniques, plus tardives, de Nous qui désirons sans fin. Ici, Vaneigem — par ailleurs fin médiéviste et auteur d’un ouvrage sur le mouvement du Libre-Esprit, ces mystiques libertaires du christianisme — propose une éblouissante analyse de la société de consommation et plus largement de ce qu’il appelle « l’Économie ». Ces pages se dévorent comme une sorte de fresque retraçant les grandes étapes de l'(in)humanité, nous expliquant comment l’éducation au refoulement du plaisir nous oblige, toute notre vie, à « payer le prix de naître par l’obligation de travailler ». S’ensuit, dans une langue lyrique, une déconstruction violente et jubilatoire de la notion même de travail en ce qu’il représente, contrairement à la création, la négation même de la vie et le terreau de toutes les pulsions de mort : celui qui chaque matin se lève pour aller mourir à petit feu laisse s’éteindre l’enfant en lui, mais aussi le mouvement même de la passion qui le portait à réinventer chaque matin sa vie. Cet écrit constitue de fait une ode au grand principe fondateur d’une société qui renierait l’économicisme et la comptabilité pour renouer avec la jouissance : la gratuité. « Je ne me sens concerné que par la création d’un monde où il n’y ait plus rien à payer. » Vaneigem, en 1989, croyait déchiffrer les prémices de cette révolution plus que jamais nécessaire et sans cesse retardée… [A.B.]
Éditions Seghers, 1990
☰ La Société ingouvernable — Une généalogie du libéralisme autoritaire, de Grégoire Chamayou
Voici un tour de force littéraire accompli dans les règles de l’art universitaire : en plus d’offrir un appareil de notes particulièrement fourni et de dérouler un raisonnement impeccable au fil de sources des mieux choisies, Chamayou nous offre un régal de lecture, une manière de roman policier du libéralisme autoritaire. La thèse est simple et redoutablement intelligente : c’est au moment où le monde capitaliste se sentait le plus en péril, dans les années 1970, quand la « crise de gouvernabilité » des États et des entreprises menaçait d’ébranler les intérêts particuliers, quand l’autonomie rencontrait l’écologie, quand l’indiscipline libertaire annonçait le resurgissement des prétendues utopies et la possibilité d’un nouveau monde sur le mode fédéraliste, c’est justement dans ce moment de bascule inédit que fut inventée, bâtie de toutes pièces et « marketée » sous les doux noms de « gouvernance » ou de « responsabilité sociétale », de « nouveau management public » et de « régulations sociétales », un nouveau mode de gouverner conçu comme une contre-révolution : la guerre fut déclarée aux syndicats, la politique détrônée par l’idéologie de l’éthique d’entreprise, le libéralisme classique complété par la soumission néolibérale à l’ordre du marché — selon lequel les gouvernants eux-même sont gouvernés par la Bourse. La démonstration relève de l’art généalogique et du polar intellectuel tout à la fois : une mine d’intelligence qui se conclut par un éloge alternatif de l’autogestion. [A.B.]
La Fabrique, 2018
☰ Chants d’utopie, premier cycle, de Brice Bonfanti
L’auteur se définit comme « œuvrier » et il semble bien que son « Grand-œuvre » soit la vie même, emportée dans une valise pleine de livres et promenée à travers le monde (telle la définition du roman selon Stendhal, « ce miroir qui se promène sur une grande route »). Si Bonfanti le stendhalien balade aussi sa glace sans tain, c’est plutôt dans les profondeurs du mythe : avec lui, pas de temps mort pour les amoureux de l’épopée et les érudits curieux. Le beau titre cache un projet ambitieux — neuf aventures de l’émancipation par les lettres et la culture, autant de portraits presque abstraits, ou plutôt de quêtes éperdues, autour de Dante et de Gutenberg, d’Essénine ou encore de Voltairine de Cleyre. Les références sont volontiers anarchistes, la langue volontairement joueuse, tellement d’ailleurs que l’on aimerait parfois toucher terre, reprendre souffle et prendre le temps d’ouvrir un dictionnaire — il y a là matière en tous cas à rêver (de révolution) comme à creuser (les taupinières de la parole) : il ne faut pas s’affoler, admettre plutôt de ne pas tout comprendre, se laisser embarquer par le flot furieux des sonorités, le goût goulu de l’amour version psychédélique. On le lira à petites lampées, chant à chant, le temps de s’en remettre. On pourra l’écouter psalmodier les textes sur son blog qui tire du côté de la poésie sonore. L’une des voies de la poésie contemporaine, indistinctement élitiste et partageuse, pas exactement la moins pentue de toutes, qu’on peut explorer pour s’y forger l’âme (comme on dirait se faire les dents, mais en mieux : et voilà qu’on se trouve contaminé sans même le réaliser par la contagion pataphysique des estourbisseurs de mots !). [A.B.]
Éditions Sens & Tonka, 2017
☰ Les Rois d’Islande, d’Einar Mar Gudmundsson
De ce petit pays qui inventa pourtant quelque chose comme une société libertaire avec son parlement médiéval sans chef, l’Althing, on peut bien ne pas savoir grand-chose avant d’ouvrir ce livre. On le découvre alors avec effarement et jubilation, juste avant de réaliser que ce n’est peut-être pas un hasard s’il sut élire, du haut de ses 300 000 habitants, un anarchiste punk et fan de stand-up (Jón Gnarr) à la mairie de Reykjavik, mettre ses banquiers en prison pendant la crise de 2008 tout en rebâtissant de fond en comble sa constitution et en nationalisant son système bancaire pour protéger l’ensemble des dépôts domestiques des particuliers. C’est que cette île est un concentré d’originalité (glaciale) et de passion (alcoolisée). Les héros de Gudmundsson le démontrent, chacun des membres du clan Knudsen constituant un « cas » à part entière, un concentré déjanté de veulerie et de générosité, d’impuissance et d’amour. On s’attache à eux comme à Tangavik, la petite ville imaginaire qui n’est pas sans faire penser à une version polaire de la Macondo de Garcia Marquez. On perd sans cesse le fil de l’histoire, avant de s’apercevoir qu’il n’y en a pas vraiment : ce qui demeure n’est rien de plus que ce que la vie laisse derrière soi — portraits et traces, coups de colère et branle-bas de joie, rencontres invraisemblables et longues histoires à se raconter au coin du feu. Un curieux roman d’hiver qu’il faut emporter au milieu des icebergs en dégustant du hàkarl (on vous laisse découvrir…). [A.B.]
Éditions Zulma, 2018
☰ La Prison est-elle obsolète ?, d’Angela Davis
Il n’est plus nécessaire de présenter la femme de lutte qu’est Angela Davis. Le mythe dispense toutefois trop souvent de la lire. Dans ce bref essai politique documenté, l’auteure ose un titre sous forme d’une question que nous devinons rhétorique. Puis donne à découvrir, au fil des pages, les fondations racistes et sexistes du système carcéral états-unien — si nous n’avions aucune illusion sur le sujet, c’est son ampleur, son institutionnalisation et sa méthode qui interpellent. Ancrée dans l’histoire du pays comme moyen compensatoire utilisé pour pallier la disparition des esclaves, la prison est devenue le « goulag de la démocratie » nord-américaine. Davis livre là les mécanismes visant à criminaliser les minorités pour annihiler politiquement la volonté de ces populations. Alliée du système capitaliste, la prison s’est transformée en un vaste complexe industrialo-carcéral : partout, les lobbys courtisent les gouvernements afin d’augmenter la part du privé dans la gestion des établissements. « Pour les entreprises privées, la main d’œuvre carcérale est du pain béni. Pas de grèves. Pas de syndicalisation. Pas de sécurité sociale, d’assurance chômage ni d’indemnité à verser. » Si l’essai se concentre sur les États-Unis, c’est l’image de la prison dans la globalité de notre société qu’il interroge : la prison comme élément constitutif, immuable, familier même — songeons à tous ces films, documentaires et séries en milieu carcéral dont le seul objectif est de rendre utopique l’idée d’un autre monde. S’impose un gigantesque travail de déconstruction idéologique, auquel Davis contribue. [B.A.]
Éditions Au diable vauvert, 2014
☰ Un zoo en hiver, de Jirô Taniguchi
Œuvre tardive de l’auteur japonais, Un zoo en hiver retrace l’apprentissage éreintant de ces futurs mangakas, assistants auprès des grands pendant quelques mois ou pour toute une vie. Inspiré de son propre parcours à Tôkyô au début des années 1970, Taniguchi s’attarde sur la machine que peut être la création d’un manga à succès, ses contraintes, imposées par la parution en feuilleton, et les tensions qui naissent au sein de l’atelier où il se construit. Hamaguchi, le protagoniste, a fui Kyôto l’espace d’un jour pour respirer un peu l’air de Tôkyô qui l’attire tant. On recherche un assistant pour Kondô, l’un des auteurs les plus en vu du moment ; à peine entre-t-il dans l’atelier de celui-ci qu’il s’y trouve happé : par l’ambiance, par le travail, par le dessin. Sa carrière commence. Les journées sans sommeil sont suivies de congés à ne rien faire, à griffonner dans la ville, là où il devrait s’atteler à ses propres travaux. Le temps s’échappe, semble s’écouler à travers les pages. Hamaguchi ne parvient pas à trouver la consistance et la constance qu’il recherche, celles qui lui permettraient de s’adonner, enfin, à son œuvre. Les contraintes familiales semblent loin de ces jeunes Japonais réfugiés dans la mégalopole ; comme dans Voyage à Tôkyô, d’Ozu, les enfants sont pris dans les tourments de leur vie urbaine et en oublient leurs parents ; la famille reste bien abstraite. « Quelle chance… Faire ce qu’on aime… », lui répète seulement son frère, de passage dans l’atelier. Les rencontres seules peuvent dès lors changer le destin évanescent d’Hamaguchi : ses collègues, des artistes, ou la sœur d’une amie, dont le souffle fragile lui ouvre pourtant un voie immense… Les dessins clairs de l’auteur et leur noir et blanc souligne la mélancolie du personnage. On se plonge sans peine dans les méandres de son quotidien, et on apprend, avec lui, ce qui se joue au seuil d’une vie. [R.B.]
Éditions Casterman, 2009
☰ Les Bobos n’existent pas, sous la direction de Jean-Yves Authier, Anaïs Collet, Collin Giraud, Jean Rivière et Sylvie Tissot
« Bobos » : voilà un mot particulièrement répandu dans les médias, les discours politiques et le langage ordinaire. Mais quelle réalité sociologique recouvre cette expression ? Pas grand-chose, comme l’annonce le titre en clin d’œil au Bourdieu de « L’opinion publique n’existe pas ». Si le terme naît de la contraction de « bourgeois bohème », c’est à la suite du livre du journaliste David Brooks, Bobos in Paradise, publié aux États-Unis en 2000, que le mot reviendra en France et sera popularisé, pour l’essentiel, par le truchement de la presse française. En se focalisant sur les comportements qu’ils prêtent aux « bobos », « les journalistes français récusent ainsi implicitement la pertinence des classes sociales, qui seraient désormais périmées ». Si ce vocable est initialement mobilisé avec autodérision, il deviendra, fort d’une droite soucieuse de s’« offrir un supposé ancrage populaire », une connotation péjorative. Problème : ce qu’il désigne change au cours du temps. La catégorie qu’il est censé décrire et circonscrire n’a pas de contenu stable ni de définition précise. L’ouvrage compte plusieurs enquêtes : comment les populations « déjà là » d’un quartier perçoivent-ils les « gentrifieurs », groupe étroitement lié aux « bobos » dans l’imaginaire collectif ? Que révèle la confrontation de la catégorie à l’analyse sociologique des classes moyennes dans la métropole parisienne ? Il ressort que ce mot valise sert le plus souvent à faire écran à « l’identification des vrais dominants, qui restent les bourgeois ». Parler de « bobos », n’est-ce pas là une manière d’« imposer la représentation d’une société […] débarrassée de ses clivages sociaux » ? [M.B.]
Éditions des Presses universitaire de Lyon, 2018
☰ Le Chaos, de Pier Paolo Pasolini
« Comme toujours, l’orthodoxie est la mort. » Ces articles, publiés par Pasolini entre août 1968 et janvier 1970 dans l’hebdomadaire Tempo, n’étaient pas accessibles à qui ne connaissait l’italien ; l’injustice est enfin réparée pour les francophones. La forme que cela prend ? Hétéroclite, bouillonnante, décousue avec soin. Des réflexions politiques et culturelles nationales et internationales, des carnets de bord (New York ou Beyrouth), des poèmes (dont une ode, assez inattendue, à Hô Chi Minh mourant), des lettres ouvertes et des réponses à ses lecteurs plus ou moins bienveillants. Le fond ? Le poète s’en explique dès son premier papier : il s’agit pour lui de « désobéir à Bouddha » et de contrarier sa nature propre ; dit autrement : de refuser le détachement et le désengagement ; bref : d’attaquer « le mal bourgeois » — à ceci près : « J’ai autant d’adversaires chez les communistes que chez les bourgeois », ne manque pas de prévenir ce communiste travaillé par l’inconfort, la solitude et la provocation. On lit ce recueil comme on ramasse des cailloux, les poches bientôt lestées de phrases dont on ignore, pour l’heure, si celles-ci nous resteront à l’esprit ou prendront la poussière. Ainsi : l’opinion publique ? « repaire du terrorisme, siège élu de la résignation » ; « Sans victoire la lutte dessèche » ; l’URSS ? « un État petit-bourgeois qui pense à la Lune » ; « le pouvoir n’a pas de frontières nationales ; tout le pouvoir est partout le même, et tous ceux qui le détiennent sont liés les uns aux autres, fraternellement » ; le futur ? voilà qu’il se trouve « du côté […] [d]es poètes noirs d’Amérique, des colonies ». Et le réalisateur de nous laisser avec cet ultimatum : « Mais il s’agit d’être utopistes ou de disparaître. » [L.M.]
Éditions R & N
Photographie de bannière : Ryan McGuire
REBONDS
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