Entretien inédit pour le site de Ballast
Alexey Sakhnin (Алексей Сахнин) est l’un des visages de la gauche russe. Né aux débuts des années 1980, il a été l’un des cadres du Front de gauche (Левый фронт) : une importante coalition liée au Parti communiste russe, fondée en 2008 et ouvertement opposée au pouvoir de Vladimir Poutine. L’objectif du Front est de bâtir une « alternative progressiste à la barbarie capitaliste », autrement dit de « construire une société socialiste juste ». En 2012, Sakhnin obtenait l’asile politique en Suède ; sept ans plus tard, il était de retour dans son pays natal. Depuis l’invasion de l’Ukraine, il vit sous la menace permanente d’une arrestation : c’est que le militant s’élève haut et fort contre cette « agression armée d’une ampleur sans précédent ». Il vient de quitter son parti, après la décision de ce dernier d’approuver majoritairement la guerre. « Nous avons réellement besoin d’un front des peuples pour la paix, l’égalité, la liberté et le socialisme. Malheureusement, pour construire ce monde et ce front, il faudra partir de zéro », a indiqué Alexey Sakhnin dans son communiqué de départ. Malgré la censure gouvernementale, nous avons pu échanger avec lui de vive voix.
Vous venez de claquer la porte du Front de gauche de Russie.
Oui. Depuis deux semaines, nous sommes entrés dans un nouveau contexte. Mes camarades et moi-même avons toujours été en contradiction avec l’opposition russe libérale. Maintenant, nous sommes face à une grande guerre et il n’y a plus aucune place pour ce débat. La seule question qui se pose est la suivante : comment stopper cette guerre, sans attendre passivement que la Russie l’emporte sur l’armée ukrainienne ? Le Front de gauche a toujours collaboré avec le Parti communiste russe pour occuper une place institutionnelle — non sans grandes difficultés. Certains dirigeants et militants du PC revendiquent un « patriotisme de gauche » : ça ne me poserait pas forcément problème si ça ne confinait pas, parfois, au chauvinisme hérité du soviétisme (« Il n’y a pas de nation ukrainienne »). Les communistes ont été très actifs dans les mouvements sociaux de 2018–20191 et dans nos campagnes électorales, c’est pourquoi ils participent à la direction du Front de gauche. Quand la guerre a été déclarée, j’ai proposé de rédiger et de publier un texte clair pour s’y opposer : à ma surprise, ça a provoqué une forte résistance dans nos rangs. La majorité préférait ne faire aucune déclaration, en attendant que « la situation devienne plus claire ». Nous avons alors proposé un texte développant notre position. D’autres membres ont préféré « une position de compromis » : un long texte s’attardant sur la complexité du contexte géopolitique, sur l’histoire des relations russo-ukrainiennes, etc. Ce, tout en omettant le fait central : Vladimir Poutine a ordonné à l’armée russe d’aller détruire des villes ukrainiennes et des milliers de civils ukrainiens pacifiques. Pire, ce texte défendait la thèse selon laquelle Russes et Ukrainiens devraient combattre ensemble le régime libéral de Kiev.
Comment comprendre cette position ?
« Vladimir Poutine a ordonné à l’armée russe d’aller détruire des villes ukrainiennes et des milliers de civils ukrainiens pacifiques. »
Elle est honteuse. Et elle s’explique largement, à mon avis, par la peur du régime russe et par l’incapacité morale des générations ayant grandi dans l’imaginaire de la Seconde Guerre mondiale à reconnaître que leur propre pays est l’agresseur. Malheureusement, la majorité du Front de gauche a choisi cette option : cette coalition a donc explosé. J’ai passé dix-sept ans de ma vie comme l’un des leaders de ce front. Nous avons mené des batailles politiques — les manifestations de 2012 ; nous avons été arrêtés et emprisonnés ; nous avons commis des erreurs, rencontré des difficultés, connu des succès ; j’ai fait l’expérience, pendant six ans, de la condition de réfugié politique à l’étranger. Sergueï Oudaltsov [opposant à Vladimir Poutine et président du Front de gauche, ndlr] défend la mauvaise position, mais ça n’enlève rien au fait qu’il ait été emprisonné sans raison pendant cinq années.
Vous attendiez-vous à ce que le gouvernement russe envahisse l’Ukraine ?
J’ai été vraiment surpris — comme tous les gens de gauche dans le monde, comme tous les gens de bon sens, comme tous les défenseurs de la paix. Les élites russes et la classe dirigeante ne voulaient pas de cette guerre. Si on s’en tient à leurs seuls intérêts égoïstes, la guerre est un choix irrationnel. L’historienne américaine Barbara W. Tuchman a décrit les mécanismes qui ont conduit au déclenchement de la Première Guerre mondiale : personne ne voulait la guerre mais la guerre était la seule issue possible pour les protagonistes en présence. La guerre devait inéluctablement éclater car aucune des crises mondiales du capitalisme depuis trois cents ans ne s’est soldée autrement… Mais je n’avais pas anticipé qu’elle se déclencherait maintenant.
Comment interprétez-vous l’argument poutinien d’une guerre visant à « dénazifier » l’Ukraine ?
C’est totalement vide de sens. Il est vrai que, depuis huit ans, le régime ukrainien déploie une propagande nationaliste. Il est vrai qu’il existe des groupes paramilitaires d’extrême droite et que des réseaux d’extrême droite se retrouvent au cœur des forces de sécurité, des services secrets, etc. Mais le gouvernement russe a maintenu avec l’Ukraine, durant toute cette période, de profitables échanges commerciaux. Certains des héros du « Printemps russe » [Ру́сская весна́]2, des activistes pro-russes de l’est ukrainien, ont été arrêtés en Russie et renvoyés en Ukraine. Maintenant, Poutine répète que l’« opération spéciale », comme il l’appelle — nous n’avons pas le droit de prononcer le mot « guerre » —, est guidée par la lutte contre le nationalisme et l’extrême droite. Mais la Russie elle-même penche vers l’extrême droite ! Le gouvernement russe dépense beaucoup d’argent pour faire de la propagande antisoviétique d’un point de vue nationaliste et conservateur. Je vous invite à regarder les fils nationalistes sur Telegram… User de la rhétorique de la « dénazification » de l’Ukraine pour justifier cette guerre n’a aucun sens.
Les gauches occidentales sont divisées sur les responsabilités de l’OTAN dans ce conflit et son escalade. Pensez-vous que la prise en compte des responsabilités de l’Alliance pourrait conduire à relativiser celles de la Russie ?
« L’OTAN, les États-Unis et les politiciens de droite en Europe ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour mettre de l’huile sur le feu. »
L’OTAN, les États-Unis et les politiciens de droite en Europe ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour mettre de l’huile sur le feu. Bien sûr, les extrémistes étasuniens sont ravis de la perspective de voir l’Ukraine devenir un nouvel Afghanistan. Mais il est politiquement et moralement impossible de défendre l’invasion russe en raison de ces intrigues. Ceux qui sont tentés d’user d’une telle argumentation prennent le risque de se rendre complices d’une entreprise impérialiste criminelle et sanglante. Même du point de vue des intérêts nationaux de la Russie, cette guerre installe une situation bien pire. Le nationalisme russe lui-même est aujourd’hui traversé de contradictions. Poutine disait que des missiles tirés de Kharkov [deuxième plus grande ville d’Ukraine, ndlr] pourraient toucher la Russie en six minutes. Or Kharkov est à la même distance de la Russie que les pays baltes. En raison de cette guerre, il y aura désormais des missiles à six minutes de la Russie dans les pays baltes alors que ce n’était pas le cas précédemment. Des forces politiques européennes (de gauche, du centre, de droite) s’opposaient à ce que le budget militaire de leur pays atteigne 2 % du PIB comme le préconise l’OTAN : désormais, l’Ouest est uni sur l’enjeu militaire. Les défenseurs de la paix restent, eux, sans arguments. Poutine a attaqué sans provocation objective. La question s’impose : pourquoi l’a‑t-il fait, alors que de telles conséquences étaient prévisibles ?
Vous avez une idée ?
J’ai une théorie. Tout au long de la pandémie de coronavirus en 2020, Poutine faisait extrêmement attention. Il s’est isolé dans son bunker. Certains médias occidentaux l’ont analysé comme une dépression à l’origine de sa supposée folie actuelle. Cette hypothèse est trop simple. Il n’était pas totalement isolé : il a certes renoncé à ses contacts réguliers avec la classe dirigeante, avec les oligarques — ceux qui souhaitaient le rencontrer devaient auparavant observer trois semaines de quarantaine. Mais il communiquait quotidiennement avec des aides de camp, des hommes des services secrets qui ont entretenu autour de lui une atmosphère conspirationniste. C’est dans cette période que s’est fomentée cette invasion, peut-être pas comme un plan A, mais comme un plan B. Cette invasion obéit à une rationalité : Poutine avait clairement en tête l’idée selon laquelle une rupture définitive avec l’Ouest serait synonyme de catastrophe, de menaces inédites pour la Russie. Avant la guerre, chacun spéculait sur l’après-Poutine en 2024 : comment assurer la continuité du régime ? Tout le monde entrevoyait une crise, à l’image de celle qu’a traversé la Biélorussie voilà deux ans : Moscou 2024 ressemblerait à Minsk 2020. C’est ici que l’Ukraine entre en jeu. Imaginons que dans une telle situation d’instabilité interne, l’Ukraine ait attaqué le Donbass… De façon plus générale, l’Ukraine est source de divisions permanentes au cœur même de la classe dirigeante.
Les officiers des services secrets entourant Poutine se fichent complètement des gens, du peuple — à la différence des dirigeants civils obligés de recourir à la propagande, à la manipulation pour imposer leurs choix. Tous ces bureaucrates évaluent, discutent les opportunités qui se présentent à eux : « Ne devrait-on pas revenir à un dirigeant plus libéral, ouvert à l’Ouest ? » Poutine a essayé pendant huit ans de les unir à travers un compromis commercial avec l’Ouest. Si l’Ouest isole la Russie, il faut une « responsabilité mutuelle » entre le régime et les oligarques. Toutes les élites politiques, administratives, militaires et économiques russes ont donné leur imprimatur à une décision qui ne pourra jamais être excusée par l’Ouest. Ils n’ont plus qu’une alternative : soutenir Poutine ou prendre le risque de finir devant la Cour pénale internationale. Poutine, de son côté, obéit à une rationalité autocratique : l’invasion de l’Ukraine lui permet de garder le pouvoir en Russie.
Parlez-nous de la répression qui frappe les manifestants antiguerre en Russie.
« Le régime russe évoluait depuis longtemps vers une dictature. Aujourd’hui il a fait un grand bond dans cette direction. La police a carte blanche. »
Le régime russe évoluait depuis longtemps vers une dictature. Aujourd’hui il a fait un grand bond dans cette direction. La guerre signifie toujours, en interne, la prison, la destruction des libertés. À ce jour, le but principal de la répression et de la rhétorique publique qui l’entoure est de rendre l’atmosphère effrayante, et ils réussissent très bien à le faire. L’appareil répressif manque d’effectifs mais ils entendent semer l’effroi : voilà pourquoi la police a carte blanche. Il y a deux jours, dans une manifestation, une femme a été arrêtée pour avoir filmé l’événement. Un policier l’a frappée en lui disant : « Poutine nous laisse faire ce qu’on veut de vous, nation de traîtres, on vous frappera, on vous torturera, on vous violera. » C’est exactement ce qu’ils veulent : nous choquer, nous faire ressentir la peur.
Votre opposition publique vous place dans une situation dangereuse. Dans quel état d’esprit êtes-vous, à l’heure où nous parlons ?
Je suis comme tout le monde : j’ai peur. Je n’ai pas de visa et, de toute façon, quitter la Russie est quasiment impossible — ou tout au moins très difficile. Je ne veux pas laisser ici mes camarades, mes amis, mon pays, ma famille. Mais c’est vrai, je ne me sens pas très bien. J’ai parlé à visage découvert ; j’ai, dès les premiers jours, écrit un texte antiguerre ; j’ai pris la parole dans quelques manifestations ; j’ai écrit tant que c’était encore possible dans les médias, puis sur les réseaux sociaux. J’ai donné des entretiens à des médias occidentaux ; j’ai parlé lors d’un meeting de La France insoumise. Assez pour écoper d’une lourde peine de prison. Ce que je ne souhaite évidemment pas.
Quel est le sentiment dominant, selon vous, dans l’opinion russe ?
La situation générale est que la majorité ne supporte pas la guerre. La moitié de la population a dans un premier temps tout fait pour s’accrocher à l’illusion que ce n’était pas une guerre, que c’était une opération de libération de l’Ukraine, que nous aidions nos amis, que ça allait finir très vite, demain. Mais l’humeur change très rapidement et le camp de l’opposition à la guerre est loin de se résumer à une minorité pro-occidentale appartenant aux classes moyennes. Le but des autorités est de nous bâillonner. C’est pour ça qu’elles ont interdit tous les médias d’opposition (y compris les médias d’opposition libéraux que je critique depuis des années). J’ai toujours pensé que deux points de vue, même mauvais, c’est toujours mieux qu’un seul.… Tout le monde, et je m’y inclus, vit dans la peur. Nous essayons de continuer à nous exprimer à travers Telegram, qui est plus ou moins la dernière plateforme disponible pour parler à tous ceux auxquels on peut parler. Et, au-delà des arguments sur le caractère injuste et sanglant de cette guerre, nous alertons sur la catastrophe économique et sociale qui s’esquisse déjà. McDonald’s vient d’annoncer la fermeture de ses 850 restaurants en Russie. À la chute de l’Union soviétique, son implantation avait été célébrée comme le signe d’une époque nouvelle : elle est bel et bien révolue. 62 000 salariés se retrouvent sur le carreau. L’économie russe est prise dans les mailles des échanges mondiaux. Une grande menace plane sur des dizaines de grandes usines qui vont être mises à l’arrêt — c’est déjà le cas pour certaines d’entre elles. Le rouble a perdu la moitié de sa valeur ; des millions de personnes vont devoir affronter des situations tragiques, comparables à celles qui prévalaient au début des années 1990, au moment de la « thérapie de choc ». À l’époque, un modèle économique s’est imposé avec la promesse de garantir, en contrepartie, la paix et la stabilité. Désormais nous avons la guerre et les années 1990 reviennent.
Quelles sont justement les conséquences des sanctions étasuniennes et européennes sur les citoyens russes ordinaires ?
Ça fait seulement deux semaines : les problèmes les plus graves sont devant nous… Mais les effets se font déjà ressentir et, bien sûr, le peuple est affecté. Les médias n’évoquent pas la guerre mais ils parlent de l’augmentation des prix. Celui des couches pour bébé a doublé. Les gens doivent se ruiner pour en acheter. Les services funéraires sont devenus inabordables. Même mourir est devenu trop cher… Mais vivre coûte très cher également. Les prix des denrées alimentaires ont grimpé de 40, 50, voire 70 %. Le sucre a disparu de la plupart des étals. Certaines chaînes de magasins interdisent d’acheter plus de deux pains. Je n’ai cessé d’entendre ces trente dernières années que les pénuries étaient le symptôme du communisme, que c’était le résultat de l’économie communiste centralisée et planifiée. Et voilà que nous avons des pénuries énormes. Les magasins sont à moitié vides.
Il y a quelques jours, Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, a averti qu’« une Troisième Guerre mondiale », si elle devait avoir lieu, serait « une guerre nucléaire dévastatrice ». L’entendez-vous comme une menace ?
« Au début d’une guerre, c’est toujours difficile : l’hystérie nationaliste l’emporte dans tous les camps. Elle se manifeste en Russie comme en Europe. »
Ça sonne comme une menace. Le 18 octobre 2018, à Sotchi, Vladimir Poutine avait déjà prévenu que la Russie n’hésiterait pas à recourir à l’arme nucléaire. « Nous ne riposterons que lorsque nous serons certains que nous sommes attaqués. Ce sera une catastrophe, mais nous n’en aurons pas été les initiateurs. Les agresseurs doit savoir que nous, en tant que martyrs, irons au paradis, tandis qu’ils mourront simplement sans avoir le temps de se repentir », avait-il affirmé. J’espère que nous n’en sommes aujourd’hui qu’au stade de la menace. Pour l’instant, ils affirment qu’ils ne veulent pas appuyer sur le bouton rouge. Mais ils ont ce bouton rouge à disposition. Et il y a de moins en moins de solutions dans ce monde mourant de l’hypocrisie néolibérale. Oui, nous vivons dans la menace grandissante de l’apocalypse. Mais l’essentiel pour les militants de gauche et les consciences attachées à la justice, c’est d’apprendre de ces menaces terribles : ce n’est pas une bonne idée de croire qu’on pourrait faire plier la Russie de Poutine avec des chars et des missiles. La victoire sur Poutine viendra de l’intérieur. Cette guerre n’est pas une guerre entre l’Est et l’Ouest, entre la Russie et l’OTAN, entre les civilisations orthodoxe et catholique — comme le pensent les idiots conservateurs. C’est une guerre que la dictature de Poutine livre au peuple ukrainien et au peuple russe. C’est pourquoi nous avons l’obligation de trouver un chemin vers la paix.
Voyez-vous une possibilité de construire un mouvement international émancipateur pour s’opposer à la fois à l’expédition meurtrière de Poutine et à l’hégémonie occidentale capitaliste ?
Oui et non. Au début ce sera très compliqué. Les fauteurs de guerre à l’Ouest voient se réaliser tous leurs projets : ils ont maintenant toutes les raisons d’obtenir plus de crédits militaires, de renforcer les armées, de faire tourner à plein régime les industries d’armement… Tout ça contribuera à rendre le monde plus dangereux. Quand je vivais en Suède, il y avait toujours des discussions dans lesquelles la Russie était dépeinte comme un terrible pays barbare, sous-développé. Toujours, je répondais : « Non les gars, la Russie n’est pas le passé de l’Europe. La Russie est votre futur. Regardez ce qui se passe en Russie et vous verrez ce qui arrivera à vos propres sociétés. » Tout se passe ici en accéléré. Voilà deux semaines, nous devions nous résoudre à des compromis compliqués, avec de petits progrès de temps à autre. Maintenant les choses sont simples, claires. Le chemin vers la paix, c’est la transformation totale de la Russie. La paix est incompatible avec le présent système politique, avec les conditions sociales qui ont rendu Poutine possible. Poutine est bien entendu responsable personnellement de cette guerre. Mais il est aussi le résultat de ces trente dernières années d’inégalités et d’exploitation pendant lesquelles les récits nationalistes ont été légitimés, tandis que la perte de voix des plus pauvres ouvrait la voie aux dérives dictatoriales. La guerre est le fruit de ces penchants libéraux et nationalistes. Si nous ne sommes pas emportés par la famine ou éradiqués par une catastrophe nucléaire d’ici quelques mois, un grand espace s’ouvrira aux gens comme nous, pour nos valeurs, nos propositions. Les libéraux se sont discrédités dans les années 1990. Les nationalistes et les conservateurs qui leur ont succédé sont en train de creuser leur tombe. Au début d’une guerre, c’est toujours difficile : l’hystérie nationaliste l’emporte dans tous les camps. Elle se manifeste en Russie comme en Europe. L’union sacrée se fait autour des classes dirigeantes, de l’armée. Mais au fil du temps, quand tous se sentiront au milieu de la catastrophe, le camp de la paix et de la vie regagnera du terrain, partout dans le monde. Vous savez, en russe, nous avons un seul et même mot pour désigner la paix et le monde : « мир ». Pour faire la paix, nous n’avons pas d’autre choix que de changer ce monde.
- D’importantes mobilisations ont alors eu lieu en Russie contre, notamment, la réforme des retraites, la répression politique et la fraude électorale.[↩]
- Au printemps 2014, des manifestations se sont succédé dans de nombreuses villes de l’est et du sud de l’Ukraine, en opposition au mouvement Euromaïdan. Ces mobilisations se sont ensuite muées dans le Donbass en une insurrection armée séparatiste.[↩]
REBONDS
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☰ Lire notre traduction « Manifeste : socialistes et communistes russes contre la guerre », mars 2022