Amandine Gay : « Incarner les frontières » [2/2]


Entretien inédit pour le site de Ballast

Amandine Gay a cofon­dé le Mois des adopté·e·s en 2018, dans le but d’ouvrir un espace d’échange et d’accueil pour les per­sonnes adop­tées et leurs parents. L’occa­sion de « remettre au cœur du débat public le sujet de la filia­tion et de la trans­mis­sion », d’œuvrer col­lec­ti­ve­ment à de nou­velles moda­li­tés de faire famille. Cette ini­tia­tive a conduit la réa­li­sa­trice à la créa­tion de son deuxième docu­men­taire, Une his­toire à soi, et d’un livre, plus per­son­nel, à paraître en sep­tembre 2021, Une pou­pée en cho­co­lat. Dans cette seconde par­tie, elle inter­roge la prise en charge des ques­tions fami­liales au sein des mou­ve­ments de contes­ta­tion sociale et réflé­chit à la place que pour­raient occu­per les pen­seurs des Caraïbes pour tra­vailler à l’émancipation.


[lire le pre­mier volet]


Quelle classe sociale adopte à l’international ?

Il y a aujourd’hui une cor­ré­la­tion entre classe et adop­tion. Dans les années 1980, les choses étaient moins régu­lées et il n’était pas obli­ga­toire, dans cer­tains pays, de se dépla­cer pour aller cher­cher l’enfant. Jusque dans les années 1990/2000, il y avait des enfants qu’on récu­pé­rait sim­ple­ment à l’aéroport. Ça concer­nait alors des familles de petites classes moyennes. Aujourd’hui, en consé­quence de la Convention de La Haye, un prin­cipe de double sub­si­dia­ri­té a été mis en place : il impose un cadre au pays de départ de l’adoption inter­na­tio­nale comme au pays d’arrivée. C’est un grand chan­ge­ment car ça force le pays de départ à jus­ti­fier par exemple d’un manque de res­sources ou de ser­vices sociaux com­pé­tents capables, loca­le­ment, de prendre en charge les enfants. Et ça impose aus­si de déter­mi­ner des règles en fonc­tion de la socié­té et de son rap­port spé­ci­fique à l’adoption. Par exemple, la Colombie s’est fer­mée à l’adoption inter­na­tio­nale sauf si les demandes émanent de res­sor­tis­sants colom­biens. Les pro­ces­sus se sont com­plexi­fiés. Adopter à l’international sans visi­ter le pays de son enfant est deve­nu assez peu pro­bable. Certains pays exigent même que les parents résident un cer­tain temps dans le pays de départ. Tout ça demande évi­dem­ment plus de moyens.

« Aujourd’hui, on dénombre davan­tage de per­sonnes appar­te­nant à la classe moyenne supé­rieure, c’est-à-dire ayant les capa­ci­tés finan­cières pour adopter. »

Ensuite, il y a la ques­tion des pré­fé­rences raciales, et là on tombe dans une réa­li­té qui n’est pas étayée par des chiffres. Il est tout de même pos­sible de les devi­ner à par­tir du coût moyen d’une adop­tion inter­na­tio­nale — il ne s’agit pas du coût de l’achat d’un enfant mais des frais admi­nis­tra­tifs, des billets d’avion… Ce coût moyen est acces­sible sur le site du minis­tère des Affaires étran­gères de tous les pays où l’adoption inter­na­tio­nale est pos­sible. C’est là le reflet d’un mar­ché repo­sant sur l’offre et la demande, en paral­lèle de dif­fi­cul­tés plus ou moins impor­tantes impo­sées par le pays de départ de l’adoption. Au Canada, on adopte beau­coup d’enfants venus de Corée du Sud, mais en d’autres temps on y adop­tait plus d’enfants ori­gi­naires d’Haïti. Pour la Corée du Sud, la demande est forte. Seuls les parents adop­tants pour­raient en don­ner les rai­sons : les enfants asia­tiques étant sou­vent per­çus comme appar­te­nant à une « mino­ri­té modèle », on peut ima­gi­ner que ça impacte les demandes.

Concernant Haïti, suite au séisme et à nombre de dérè­gle­ments et de ten­ta­tives de faire sor­tir les enfants de manière illé­gale, le pays a fer­mé ses portes à l’adoption inter­na­tio­nale entre 2010 et 2013. Ça a mis des parents en attente. Haïti est deve­nu l’un des pays les plus dif­fi­ciles d’accès pour l’adoption et, de fait, plus cher pour les parents adop­tants. Historiquement, aux États-Unis, où c’est docu­men­té, il est plus facile et moins coû­teux d’adopter loca­le­ment un enfant afro-amé­ri­cain ou métis. De manière plus géné­rale, on peut rap­pe­ler que la Convention de la Haye a posé de plus grandes res­tric­tions sur les condi­tions de l’adoption inter­na­tio­nale, ce qui a eu pour consé­quence d’augmenter ses coûts. Aujourd’hui, on dénombre davan­tage de per­sonnes appar­te­nant à la classe moyenne supé­rieure, c’est-à-dire ayant les capa­ci­tés finan­cières pour adopter.

[Maya Mihindou | Ballast]

Vous avez choi­si d’arrêter le film sur le com­men­taire de Mathieu, adop­té au Brésil : il dit expli­ci­te­ment qu’il fau­drait que l’adoption soit avant tout une affaire gérée loca­le­ment, à l’intérieur des États, pour évi­ter les consé­quences dif­fi­ciles de trop grands dépla­ce­ments géo­gra­phiques. Est-ce un res­sen­ti lar­ge­ment par­ta­gé par les per­sonnes adoptées ?

Il est cer­tain que quand tu es un adop­té issu du Brésil et que tu as gran­di en Picardie, tu te demandes un peu pour­quoi on t’a mis dans ce plan. (rires) Ce res­sen­ti repose par­fois sur des choses très tri­viales. C’est à géo­gra­phie variable, ces ques­tions de déra­ci­ne­ment. Mais, d’une manière géné­rale, il y a en com­mun ce sen­ti­ment d’acculturation, de ne jamais appar­te­nir com­plè­te­ment ni à son pays d’origine, ni à celui dans lequel on a gran­di. Si on demande à des femmes qui ont été adop­tées en Corée du Sud ce qu’elles res­sentent d’être retour­nées dans leur pays d’origine, il y a fort à pen­ser que leurs réponses seront encore dif­fé­rentes. La Corée du Sud est un pays extrê­me­ment capi­ta­liste et patriar­cal, avec une pres­sion mons­trueuse mise sur les femmes et les enfants pour qu’ils soient per­for­mants. C’est un pays qui n’appartient plus aux « Sud », jus­te­ment, qui est à pré­sent riche et « déve­lop­pé ». Ce qui est à l’origine de l’adoption mas­sive en Corée du Sud, ce n’est pas la pau­vre­té mais le patriar­cat. Car c’est une socié­té qui conti­nue à stig­ma­ti­ser les mères céli­ba­taires, qui refuse de leur don­ner les aides sociales qui leur per­met­traient de gar­der leurs enfants, tout en stig­ma­ti­sant les enfants et les mères.

« Et oui, nous pen­sons qu’effectivement, ça reste mieux de pou­voir gran­dir dans son pays et sa com­mu­nau­té d’origine. »

De nom­breuses femmes conti­nuent d’être for­cées de se sépa­rer de leurs enfants, même quand elles veulent le gar­der. Joohee, dans le film, affirme que notre rôle en tant adopté·es est aus­si de mili­ter sur place pour que des moyens soient alloués aux mères céli­ba­taires afin qu’elles ne soient pas pous­sées à aban­don­ner leurs enfants. Il nous faut ques­tion­ner la ges­tion des ser­vices sociaux — quand il y en a — dans les pays d’où viennent les enfants adop­tés. Les rai­sons d’un aban­don sont-elles tou­jours liées à la pau­vre­té ? N’existe-t-il pas des pré­ju­gés sur tel ou tel pays en matière d’adoption ? C’est ce que nous ques­tion­nons aus­si dans nos mobi­li­sa­tions. Nous vou­lons lut­ter contre les adop­tions inter­na­tio­nales illé­gales. Et oui, nous pen­sons qu’effectivement, ça reste mieux de pou­voir gran­dir dans son pays et sa com­mu­nau­té d’origine.

Qu’est-ce qui peut être mis en place en pre­nant en compte l’état poli­tique, éco­no­mique et social du pays d’origine ? À chaque pays, une réponse dif­fé­rente. Il y a des actions à entre­prendre pour faire bais­ser la néces­si­té des adop­tions à l’international dans chaque pays d’origine. Il y a des choses à faire en France aus­si, du côté de l’État, concer­nant le per­son­nel d’associations d’adoption ayant pris part à des pra­tiques opaques, voire illé­gales. Les adultes adop­tés au Mali qui ont por­té plainte l’an der­nier contre l’association Le Rayon de soleil de l’enfant étran­ger1 ont été débou­tés. Ils ont à nou­veau por­té plainte après avoir pu affir­mer, accom­pa­gnés des parents adop­tants, qu’une asso­cia­tion encore en exer­cice en France avait orga­ni­sé des adop­tions illé­gales. Comment des asso­cia­tions régu­liè­re­ment impli­quées dans des scan­dales de tra­fic d’adoption peuvent-elles encore être agréées par l’État français ?

[Maya Mihindou | Ballast]

Une par­tie de votre réflexion inter­roge ce qui fait famille. Vous en avez dis­cu­té lon­gue­ment lors d’un échange avec la jour­na­liste Alice Coffin2. Vous affir­miez que le fémi­nisme de gauche a long­temps lais­sé de côté les ques­tions liées à la paren­ta­li­té, et a man­qué l’occasion d’en faire une dis­cus­sion cen­trale quand était débat­tu le « Mariage pour tous ». Ça a chan­gé, depuis ?

Je vois effec­ti­ve­ment que ça bouge. Mais il faut prendre le tau­reau par les cornes. Au début, quand j’ai annon­cé que nous allions abor­der ces ques­tions au cours du Mois des Adopté·e·s, des mili­tantes m’ont fait remar­quer que c’était pos­si­ble­ment les­bo­phobe et se deman­daient pour­quoi nous repre­nions les thé­ma­tiques de la Manif pour tous. Mais ce ne sont pas les thé­ma­tiques de la Manif pour tous ! Ça devrait être aus­si nos thé­ma­tiques. C’est depuis 2018, après la sor­tie d’Ouvrir la voix, que mon inves­tis­se­ment s’est tour­né vers la jus­tice repro­duc­tive3. Je le dis dans l’introduction de l’échange avec Alice : il est néces­saire de décor­ré­ler les fonc­tions repro­duc­tives de l’identité « femme ». C’était impor­tant dans les années 1970, oui, mais main­te­nant il faut reprendre le sujet en main ! On ne peut pas lais­ser ces réflexions sur la famille à l’extrême droite ! Et c’est ce qui nous coupe d’un cer­tain nombre de soli­da­ri­tés avec d’autres mouvements.

« On ne peut pas lais­ser ces réflexions sur la famille à l’extrême droite ! C’est ce qui nous coupe d’un cer­tain nombre de soli­da­ri­tés avec d’autres mouvements. »

J’aime ce concept de jus­tice repro­duc­tive car il implique qu’on réflé­chisse sur les tech­niques de sté­ri­li­sa­tion, l’avortement, l’accès à la contra­cep­tion, mais aus­si sur les pla­ce­ments en foyer, et tout un ensemble d’autres sujets appar­te­nant aux vio­lences sys­té­miques et aux dis­cri­mi­na­tions raciales, sexistes, etc. Pour moi c’est impor­tant car on en revient à la ques­tion du conti­nuum colo­nial. Prenons par exemple la ques­tion des mineurs iso­lés étran­gers en France. Pendant le pre­mier Mois des Adopté·e·s, on avait orga­ni­sé une table ronde avec un mineur iso­lé étran­ger, une avo­cate, Françoise Vergès et moi. La conver­sa­tion por­tait là-des­sus : quels enfants sont les bien­ve­nus en France ? Une per­sonne adop­tée à l’international et un mineur iso­lé logé dans un hôtel à Paris avec un ticket res­to quo­ti­dien pour s’acheter un kebab ont le même sta­tut, léga­le­ment. Mais ceux qui sont bien­ve­nus en France sont ceux qui sont des­ti­nés à être adop­tés par une famille blanche fran­çaise. Ils ne reçoivent pas le même trai­te­ment et n’ont pas le même sta­tut socialement.

Quand on s’intéresse à l’adoption, quand on cherche à poli­ti­ser les ques­tions Nord/Sud comme les rap­ports de classe, on devrait s’intéresser à la ques­tion des mineurs iso­lés étran­gers4. Ça devrait cou­ler de source. De la même façon que, quand on s’intéresse à l’adoption, on devrait s’intéresser à ce qui se déroule dans les foyers5. Aujourd’hui en France, il y aurait assez d’enfants à adop­ter pour tous ceux qui ont des agré­ments d’adoption6. Pourquoi ne le sont-ils pas ? Car ils le seraient en adop­tion simple. Et la dif­fé­rence entre l’adoption simple et la plé­nière, c’est que la pre­mière ne rompt pas tout contact et tout lien de filia­tion avec les pre­mières familles. On en revient à la concep­tion occi­den­tale de l’exclusivité paren­tale, qui refuse de consi­dé­rer les enfants comme appar­te­nant à la com­mu­nau­té. Alors il y a énor­mé­ment d’enfants dans les foyers. Et effec­ti­ve­ment, ce ne sont pas des bébés. Ils sont grands. Et quand ils sont bébés, les parents ne signent pas tou­jours pour une rup­ture totale du lien de filia­tion. Ces per­sonnes adop­tées-là pas­se­ront leur enfance et ado­les­cence en ins­ti­tu­tion, car elles ne peuvent être adop­tées de manière plé­nière. 

[Maya Mihindou | Ballast]

Or, si l’enjeu est de faire famille avec quelqu’un, faut-il pour autant faire de l’enfant adop­té une « tabu­la rasa » ? Agir comme s’il n’avait pas de famille avant ? Adoption plé­nière ou pas, je ne serais pas là si une femme n’avait pas dû se sépa­rer de son enfant. Et j’ai gran­di toute ma vie en ayant bien conscience que ma pré­sence dans une famille blanche était due à un cer­tain nombre d’inégalités sociales, raciales, his­to­riques, qui font que je me suis trou­vée là, et que mes parents, qui étaient infer­tiles, ont pu avoir des enfants parce que des per­sonnes noires se sont trou­vées sépa­rées des leurs. Pourquoi avoir besoin de mas­quer ce fait par l’adoption plé­nière ? À quoi sert-elle ? à mas­quer les inéga­li­tés qui expliquent la dis­po­ni­bi­li­té de cer­tains enfants, issus géné­ra­le­ment de familles pauvres, raci­sées ou non, à être adop­tés par des familles de classe moyenne.

« Tous ces enjeux, je ne les vois pas inves­tis dans les milieux fémi­nistes, anti­ra­cistes, déco­lo­niaux. Et ça me met en colère. »

Là encore, nous ne dis­po­sons ni de sta­tis­tiques eth­niques ni de don­nées de recherches sur le sujet des enfants pla­cés dans des foyers. Aux États-Unis, ça a été fait. Des ouvrages comme ceux de l’avocate Dorothy Roberts ou le livre de l’essayiste Michelle Alexander sur le com­plexe indus­triel de la pri­son abordent la ques­tion de la pipe­line exis­tant entre les foyers, les centres édu­ca­tifs fer­més et la pri­son. Il y a aujourd’hui une frac­tion de la popu­la­tion fran­çaise qui passe une grande par­tie de sa vie enfer­mée. On peut s’interroger sur le fait qu’aujourd’hui per­sonne n’en soit ému. Faut-il avoir la plume de Jean Genet7 pour s’en sor­tir ? Ou est-ce parce qu’il est plus com­pli­qué de voir leur huma­ni­té, car en plus d’être pauvres, ces enfants sont raci­sés ? Si nous consi­dé­rions sim­ple­ment les enfants comme étant des per­sonnes plus jeunes, avec moins d’expérience que les adultes, ce serait plus facile de « faire famille » avec des enfants déjà grands. Le livre de Fatima Ouassak a été impor­tant pour moi à cet égard. Dans les com­mu­nau­tés raci­sées, l’enfance est vrai­ment l’un des endroits où s’exerce la vio­lence d’État. Avant d’être de jeunes hommes noirs qu’on tue dans la rue, ces per­sonnes ont d’abord été des enfants punis à l’école plus que les autres, ils ont été pla­cés en foyer. La vio­lence poli­cière dont ils sont vic­times est la suite logique de la vio­lence ins­ti­tu­tion­nelle qui a pu s’abattre sur ces enfants. C’est un enjeu de pré­ser­va­tion de nos com­mu­nau­tés que d’en rendre compte.

Tous ces enjeux, je ne les vois pas inves­tis dans les milieux fémi­nistes, anti­ra­cistes, déco­lo­niaux. Et ça me met en colère, car jus­te­ment, c’est quelque chose qui détruit nos com­mu­nau­tés. Peut-on accep­ter qu’aujourd’hui il y ait une pro­por­tion incon­nue — puisqu’il n’y a pas d’études sur le sujet — d’hommes raci­sés dans des foyers ? Car ce sont sou­vent des gar­çons. C’est quelque chose qui me ques­tionne beau­coup et que je tente de rame­ner aux avant-postes ; je ne suis pas la seule. Et je suis heu­reuse de voir que dans les nou­velles revues fémi­nistes qui se lancent, on réaborde la ques­tion de la nais­sance et des droits. Dans les milieux queers, a-t-on une vision de la paren­ta­li­té si dif­fé­rente de celle du monde hété­ro­nor­mé ? Quand je vois que l’objectif est d’avoir « des bébés qui nous res­semblent », je constate que ce n’est pas ma vision de la libé­ra­tion. Je trouve étrange qu’il n’ y ait pas eu plus de mobi­li­sa­tions pour s’assurer, dans le sillon de la loi de 2013, que les couples gays et les­biens ont bien accès à l’adoption. Je com­prends que ce soit impor­tant pour cer­tains et cer­taines, mais je note l’énorme mobi­li­sa­tion autour de la PMA, alors qu’il n’y a rien autour de l’accès à l’adoption. Les per­sonnes queers ont gran­di dans des familles hété­ro­nor­mées ; il ne suf­fit pas d’avoir une autre orien­ta­tion sexuelle ou une iden­ti­té de genre dif­fé­rente pour se dépar­tir de la vision de l’exclusivité paren­tale ou de l’envie d’un bébé qui nous res­semble pour faire famille. Il est plus que temps, dans nos mou­ve­ments, de par­ler de ces ques­tions sans que ça ne signi­fie « faire le jeu de l’extrême droite ».

[Maya Mihindou | Ballast]

Comment s’est pas­sé l’accompagnement de ce deuxième film ? Nous n’avons pas oublié que toutes les portes vous ont été fer­mées pour le premier !

Je n’avais plus besoin de faire deux cents confé­rences pour finan­cer le film. (rires) Mais, évi­dem­ment, on se sent atten­dus au tour­nant. Nous avions peur, Enrico Bertolucci et moi, de la perte de liber­té édi­to­riale. Finalement on a pu faire tout ce qu’on avait en tête : un film avec seule­ment des archives et des voix off. Nous avons eu cette fois le temps de tra­vailler comme nous le vou­lions. Notre film « témoin » pour Une his­toire à soi, c’est Concerning vio­lence de Göran Olsson. Qu’est-ce qui a fait que le film soit si spé­cial ? En obser­vant qui avait bos­sé des­sus, on s’est aper­çus que le réa­li­sa­teur avait tra­vaillé avec une desi­gner sué­doise qui avait per­mis d’unifier, de lier tout son pro­jet : images, musiques, sujet. Alors on a choi­si de faire de même. Par le biais du Mois des Adopté·e·s, j’avais ren­con­tré Constance Guisset. Elle est concep­trice d’objets et fait de la scé­no­gra­phie mais elle n’avait encore jamais tra­vaillé sur un film. Elle a accep­té de tra­vailler avec nous. C’était assez génial, sur­tout que tra­vailler sur un film d’archives induit de regar­der beau­coup d’images : quand tu com­mences à faire tes choix, avoir deux inter­lo­cu­trices (Constance et sa col­la­bo­ra­trice, Lucie Verlaguet) tout au long du pro­ces­sus est vrai­ment riche. Isolée, on ne voit plus rien.

« Les per­sonnes adop­tées et celles issues de couples mixtes per­mettent de remettre en pers­pec­tive ce que ça signi­fie d’incarner les fameuses fron­tières raciales. »

Il y a eu des moments de doute, comme dans toute créa­tion. L’hiver der­nier, en décembre 2020, on avait vrai­ment des sou­cis sur le mon­tage — on ne savait pas si on arri­ve­rait à faire tenir le film avec seule­ment des archives : on avait un conte­nu inégal de pho­tos, de vidéos. On a même fil­mé, en der­nière minute, des entre­tiens face camé­ra ! La chose la plus casse-gueule qu’on ait faite, par rap­port à Ouvrir la voix, c’est de ne pas avoir tes­té notre dis­po­si­tif de mon­tage ; on a tes­té le dis­po­si­tif après avoir tout col­lec­té, et pen­dant six mois, ça ne fonc­tion­nait pas ! On a d’abord fait des mon­tages audio des per­sonnes en tablant sur vingt minutes de por­trait. Mais Joohee avait moins de vidéo que les autres, ça nous a mis dans un déses­poir pas pos­sible. (rires) Une fois le pre­mier mon­tage ter­mi­né, c’est la mon­teuse, Pauline Gaillard, qui nous a sug­gé­ré de croi­ser les témoi­gnages, et ça a été l’ultime changement.

Ce film se passe de com­men­taire poli­tique, ce qui tranche peut-être avec le pré­cé­dent. Vous étiez cer­taine de la suf­fi­sance des images ?

Les ques­tions raciales, abor­dées de manière plus bana­li­sée aujourd’hui, cou­plées à la puis­sance des images, sont effi­caces pour résu­mer un sujet poli­tique. Non pas à la Paris Match — « La puis­sance des mots, le choc des pho­tos »… (rires) Ça dit mal­gré tout quelque chose de vrai sur la puis­sance ico­no­gra­phique. L’accumulation d’images de per­sonnes raci­sées dans des familles blanches, en plein dans la grande époque des adop­tions trans­na­tio­nales et trans­ra­ciales, est le reflet de nom­breuses vies. En France, les per­sonnes adop­tées et celles issues de couples mixtes per­mettent, dans ce moment en par­ti­cu­lier, de remettre en pers­pec­tive ce que ça signi­fie d’incarner les fameuses « fron­tières raciales » émi­nem­ment débat­tues aujourd’hui.

[Maya Mihindou | Ballast]

À la sor­tie du film Dear white people, on a deman­dé à des per­sonnes nées dans des endroits très « blancs » de pos­ter des pho­tos de leur école, des pho­tos de famille, etc. Rien qu’avec ces images, on com­pre­nait. Dans une période où les ques­tions raciales sont abor­dées de plus en plus fron­ta­le­ment dans l’espace fran­co­phone, ce type de démarche se montre très effi­cace. C’est aus­si que ça n’avait pas été fait avant. Quand on voit un enfant raci­sé iso­lé au milieu d’une foule blanche, dans une France rurale avec des clo­chers d’église, on se demande ce qu’il peut bien faire là. Mais jusqu’ici on ne cher­chait pas for­cé­ment à sus­ci­ter de l’empathie de manière immé­diate. Alors que quand tu vois ces enfants dans leurs pho­tos de famille, tu peux immé­dia­te­ment te mettre à leur place.

Il y a encore une fois un réel tra­vail sur les tex­tures, à l’image…

« Les cultures cari­béennes baignent dans la créo­li­sa­tion, c’est-à-dire la recons­truc­tion de cultures, d’identités nées à par­tir du trau­ma, de la perte, du vide et de la collision… »

On s’est bien pris la tête sur le trai­te­ment des images : ne pas scan­ner mais pho­to­gra­phier. Les lettres, ce sont des pho­tos : il a fal­lu numé­ri­ser les images Super 8 dans de bons labos… Le pro­blème des films d’archives, c’est que le scan­ner met tout au même niveau ; et le conte­nu ana­lo­gique une fois numé­ri­sé perd de son inté­rêt visuel. L’idée est que dans cette accu­mu­la­tion d’images issues de médias si dif­fé­rents, ce qui allait être beau, ça serait l’alternance de tous ces grains, de l’image du Super 8 à celle d’Instagram. Il fal­lait pou­voir rendre ces textures.

Une desi­gner, un tra­vail affir­mé sur les archives et le choix de tra­vailler avec des musi­ciens. Notamment le musi­cien por­to­ri­cain Ifè, lui-même adopté… 

Il y a deux com­po­si­teurs dans le film. Arnaud Dolmen, qui est plus aux per­cus­sions, et Ifè. Faire un film d’archives, c’est acter qu’en tant qu’adoptée on a jus­te­ment peu d’archives, c’est le reflet d’un manque ; alors c’est ce qu’il fal­lait mon­trer. Pour Ouvrir la voix, c’était l’inverse : il fal­lait regar­der en face la pré­sence de femmes noires et les écou­ter, donc faire un film de têtes par­lantes. Qu’est-ce qui rend un film très télé­vi­suel ? Ce sont les inser­tions de pia­no aux moments sup­po­sé­ment tristes, de la musique illus­tra­tive ; on détes­tait ça. Il y avait un inté­rêt fort à tra­vailler avec des musi­ciens concer­nés par ces ques­tions d’acculturation. Ce besoin de tra­duire la perte concerne autant le tra­vail d’Arnaud Dolmen que celui de Otura Mun, le chan­teur de Ifè. Les cultures cari­béennes, celles d’Amérique latine, baignent dans la créo­li­sa­tion, c’est-à-dire la recons­truc­tion de cultures, d’identités nées à par­tir du trau­ma, de la perte, du vide et de la col­li­sion, pas for­cé­ment consen­tie, avec d’autres cultures où existent des rap­ports de pouvoir.

[Maya Mihindou | Ballast]

La biguine en Martinique, c’est la ren­contre de la valse et du tam­bour ! Avoir des musi­ciens pro­ve­nant de ces espaces géo­gra­phiques-là allait for­cé­ment faire écho aux thé­ma­tiques du film. Arnaud est un jazz­man. Le film porte beau­coup de nos­tal­gie, que le jazz inten­si­fie. Et la musique d’Ifé, avec son apport élec­tro, per­met le déca­lage. Ce choix cor­res­pon­dait aus­si à la struc­ture du film : trou­ver quelque chose qui colle au pro­pos, et par­fois être emme­né un peu ailleurs. Dans les com­mu­nau­tés noires, fina­le­ment, toutes ces ques­tions de dépla­ce­ment, d’adoption, de gran­dir dans ta famille ou hors de ta famille sont une réa­li­té qui vient par­ler à tout le monde, pour des rai­sons diverses. La ques­tion de la dis­lo­ca­tion des familles noires, très pré­sente alors dans mes réflexions, est posée dans le film de manière large.

Comment ces notions de créo­li­sa­tion, sou­vent incom­prises ou mal uti­li­sées, dia­loguent-elles avec votre iden­ti­té de per­sonne adoptée ? 

« Quand tu côtoies cer­tains milieux anti­ra­cistes, il est effec­ti­ve­ment pos­sible de croi­ser de vrais retours essen­tia­listes, qui ne me parlent pas du tout. »

Ça me parle du côté de l’utopie. En termes de refus des essen­tia­lismes. Quand tu côtoies cer­tains milieux anti­ra­cistes, il est effec­ti­ve­ment pos­sible de croi­ser de vrais retours essen­tia­listes, qui ne me parlent pas du tout. En revanche, il reste cen­tral de ne pas lâcher la com­pré­hen­sion des sys­tèmes de domi­na­tion. J’aime ce qui vient remettre en cause le déter­mi­nisme abso­lu et l’essentialisme, tout en me méfiant de concepts qui, en fonc­tion de qui s’en empare, peuvent en fait ne s’appliquer qu’à une expé­rience très indi­vi­duelle. « Dépasser les déter­mi­nismes » certes, mais il y a aus­si des sys­tèmes en place, et bien en place, qu’il faut contri­buer à détruire. Ma vie d’out­si­der within, tout le temps à la fron­tière, absorbe tout ce qui peut per­mettre de com­prendre et de sor­tir des caté­go­ries immuables et essen­tia­li­sées. Je me sens très hybride comme créa­ture — proche de Stuart Hall8 et de ses réflexions sur l’identité cultu­relle9. C’est encore un pen­seur de la dia­spo­ra cari­béenne. Du côté des Anglo-Saxons on convoque le terme d’« iden­ti­té cultu­relle », quand chez les fran­co­phones celui de « créo­li­sa­tion » s’impose. Le centre est le même. Il est cer­tain que ces concepts me parlent. Mais les concepts, je les consi­dère comme des boîtes à outils.

« Créolisation » dit aus­si que, dans la col­li­sion colo­niale, tout le monde est concer­né par l’obligation de la réin­ven­tion. Pour autant, ce souffle de la Caraïbe reste peu mobi­li­sé comme outil poli­tique au sein des mou­ve­ments antiracistes…

On me reproche par­fois ma « colère » — injonc­tion venant sou­vent des per­sonnes blanches. (rires) Mais je pense qu’il y a des tem­po­ra­li­tés de com­pré­hen­sion. Entre 2011 et 2015, essayer de par­ler de ques­tions raciales en France, c’était l’enfer. Ça nous for­çait à hur­ler pour nous faire entendre : il n’était pas pos­sible de se pro­je­ter dans des uto­pies ou des visions moins cen­trées sur les sys­tèmes de domi­na­tion puisque nous étions pris dedans comme dans des sables mou­vants. Mais dès que tu sors des sables mou­vants, de la pré­ca­ri­té abso­lue, se pose la ques­tion de trou­ver d’autres voies pour exis­ter par rap­port à ton iden­ti­té propre. D’une cer­taine façon, il y a quelque chose de presque poé­tique qui se niche même dans la vio­lence. Et, quelque part, qu’est-ce qu’il y a de plus fran­çais qu’une femme maro­caine issue d’une ancienne colo­nie qui immigre en France et se retrouve en Hexagone, vic­time d’un viol par deux Caribéens, eux-mêmes des­cen­dants de la vio­lence d’État fran­çaise ? C’est comme une espèce de méta­phore de l’histoire colo­niale et esclavagiste.

[Maya Mihindou | Ballast]

Avec le temps, je m’intéresse de plus en plus aux réflexions sur l’hybridité cultu­relle et la créo­li­sa­tion, car je sens que ça peut être un moyen de nous soi­gner. M’intéresser à la jus­tice repro­duc­tive et à la famille s’inscrit aus­si dans cet élan. Car l’enjeu est de savoir com­ment bri­ser le cercle de la vio­lence. Ça ne peut venir que de nous. Paolo Freire le disait : l’objectif n’est pas juste de « libé­rer l’oppresseur10 » mais de se sor­tir de ce cycle. Il y a une his­toire qui nous déter­mine encore aujourd’hui, des deux côtés, et à un moment don­né il faut pas­ser la barre. Du côté des uto­pies de dépas­se­ment qui se sont réa­li­sées, dans la culture… il y a la musique. Et ce n’est pas une uto­pie, la musique, c’est déjà de la syn­thèse. Mais serions-nous en mesure de réa­li­ser la même syn­thèse dans la vie poli­tique, dans nos vies quotidiennes ?

Comment faire de ces expé­riences sin­gu­lières un moteur collectif ?

Il y a tel­le­ment de per­sonnes brillantes, volon­taires, avec des capa­ci­tés immenses de mobi­li­sa­tion ! Mais là où ça ne va pas, c’est au niveau psy­chique et émo­tion­nel. Et ça révèle des dys­fonc­tion­ne­ments. Il y a d’un côté des cou­rants tota­le­ment dépo­li­ti­sés qui parlent de « well­ness », de care, jusqu’au non sens ! Et de l’autre, une foca­li­sa­tion sur la lutte et les sys­tèmes de domi­na­tion qui peut par­fois immo­bi­li­ser, à cause des injonc­tions à la pure­té mili­tante — voire à la pure­té de ton iden­ti­té. Du coup on perd de vue toute pers­pec­tive de chan­ge­ment social ou de bien-être pour la com­mu­nau­té. Par exemple, le choix de ne pas vou­loir por­ter un enfant « à moi » ne signi­fie pas que mon obses­sion ne soit pas le sort des enfants de la com­mu­nau­té. C’est peut-être ce qui va me per­mettre de me mobi­li­ser dans une pers­pec­tive poli­tique : amé­lio­rer la ques­tion des pla­ce­ments en foyer, celle de l’adoption simple, etc. Rendre pos­sible au plus grand nombre de faire famille — les enfants iso­lés inclus. Si j’étais musi­cienne, j’utiliserais la musique en ce sens ! Mais soit tu es Kassav’ et tu mets 40 000 per­sonnes dans un stade fer­mé à Paris, où tout le monde pleure à un moment don­né, en don­nant de la beau­té tout en tenant un dis­cours poli­tique, soit il faut trou­ver com­ment faire ça autrement.


L’illustration de ban­nière est la cou­ver­ture de l’ouvrage Un pou­pée en cho­co­lat (la Découverte, 2021).
Photographie de vignette : Cyrille Choupas | Ballast


  1. Pour adop­ter, il faut obte­nir un agré­ment, déli­vré par le ser­vice d’aide sociale à l’enfance (ASE). Cet agré­ment sera remis par un orga­nisme — une asso­cia­tion à but non lucra­tif — auto­ri­sé par l’État pour ser­vir d’intermédiaire. Ces pro­cé­dures n’ont pas empê­ché les adop­tions illé­gales.[]
  2. Cet échange a eu lieu lors du Mois des Adopté·e·es, en 2019, en pré­sence de Pauline Pachot de l’association Pmanonyme et de la jour­na­liste Cécile Broqua.[]
  3. « La jus­tice repro­duc­tive, un terme inven­té par les Women of African Descent for Reproductive Justice (Femmes de des­cen­dance afri­caine pour la jus­tice repro­duc­tive) en 1994, est à la base de l’égalité des genres. Il faut que chaque indi­vi­du soit capable de faire ses propres choix concer­nant sa vie repro­duc­tive et ait accès aux ser­vices de san­té repro­duc­tive. La jus­tice repro­duc­tive exige éga­le­ment que toutes les per­sonnes aient la capa­ci­té d’élever des enfants dans des envi­ron­ne­ments sûrs et sains. Elle englobe non seule­ment les droits repro­duc­tifs, mais éga­le­ment les condi­tions sociales, éco­no­miques et poli­tiques qui influent sur la capa­ci­té et la manière dont les indi­vi­dus peuvent être parents avec digni­té. » [source][]
  4. « Pour ne prendre que deux exemples de cette triste réa­li­té, à Calais comme à Paris, des dizaines de mineurs étran­gers, sur­tout afghans, mais aus­si notam­ment ira­kiens, ira­niens ou soma­liens, errent en per­ma­nence et depuis des années dans les rues sans faire l’objet de la moindre prise en charge publique. Grosso modo, l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ferme les yeux ou, quand elle est contrainte de les ouvrir, oppose mille argu­ments à ce qui est pour­tant l’évidence : ces mineurs relèvent de l’obligation de pro­tec­tion de l’enfance en dan­ger. Quant à l’État, pour­tant char­gé par la loi de décen­tra­li­sa­tion du contrôle de la léga­li­té, il affecte une bien­veillante neu­tra­li­té, se conten­tant, par l’entremise des direc­tions dépar­te­men­tales de l’Action sani­taire et sociale (DDASS), d’attribuer, aux moments où il fait le plus froid seule­ment, un peu de menue mon­naie pour quelques mises à l’abri tem­po­raires. En blan­chis­sant ain­si la vio­la­tion de la loi par les conseils géné­raux, l’État cherche aus­si à pré­ser­ver l’invisibilité du pro­blème, qui serait mena­cée s’il adve­nait des acci­dents et, acces­soi­re­ment, à anni­hi­ler les inten­tions ini­tiales de ceux qui, par­mi ces jeunes, auraient sol­li­ci­té l’asile dans d’autres condi­tions. » Lettre ouverte sur les mineurs étran­gers iso­lés[]
  5. Lorsqu’ils ne sont plus en mesure de s’occuper de lui, les parents peuvent déci­der de confier leur enfant hors du domi­cile fami­lial, par­fois de manière pro­lon­gée. Ils doivent, pour ça, contac­ter les ser­vices d’aide sociale à l’enfance (ASE) qui trou­ve­ront une solu­tion selon la situa­tion de chaque enfant. Néanmoins, ce sont le plus sou­vent les ser­vices sociaux qui feront la démarche de reti­rer un enfant d’une famille pos­si­ble­ment mal­trai­tante. « La décla­ra­tion judi­ciaire d’abandon per­met de décla­rer un enfant « aban­don­né » si ses parents s’en sont mani­fes­te­ment dés­in­té­res­sés depuis un an et s’il a été recueilli par un par­ti­cu­lier, un éta­blis­se­ment ou un ser­vice de l’Ase. La décla­ra­tion ne peut être faite que par un tri­bu­nal de grande ins­tance, sai­si le plus sou­vent par les ser­vices sociaux. Elle per­met le pla­ce­ment de l’enfant en vue de l’adoption. »[]
  6. L’agrément en vue de l’adoption d’un enfant est une auto­ri­sa­tion légale d’adopter un enfant pupille de l’État ou confié à un Organisme auto­ri­sé pour l’adoption (OAA) ou un enfant étran­ger.[]
  7. Jean Genet, né de père incon­nu en 1910, a été aban­don­né par sa mère à l’Assistance publique puis recueilli dans une famille.[]
  8. Sociologue mar­xiste né en Jamaïque, pilier des cultu­ral stu­dies en Grande-Bretagne. Ses tra­vaux abordent la ques­tion du conflit dans les rap­ports de domi­na­tion.[]
  9. « L’identité cultu­relle relève autant de l’être que du deve­nir. Elle appar­tient au futur autant qu’au pas­sé. Les iden­ti­tés cultu­relles viennent de quelque part, elles ont des his­toires. Toutefois, comme tout ce qui est his­to­rique, elles font l’objet de trans­for­ma­tions constantes. Loin d’être fixées pour l’éternité dans quelque pas­sé essen­tia­li­sé, elles sont sujettes au jeu conti­nu de l’Histoire, de la culture et du pou­voir. Loin d’être fon­dées sur une simple redé­cou­verte du pas­sé, qui atten­drait d’être accom­plie et qui, lorsqu’elle le serait, assu­re­rait pour l’éternité notre sen­ti­ment d’être nous-mêmes, les iden­ti­tés sont les noms que nous don­nons aux diverses façons d’être situés par les récits du pas­sé et de nous y situer. » Stuart Hall, Identité cultu­relle et dia­spo­ra, 1998.[]
  10. « Voilà la grande tâche huma­niste et his­to­rique des oppri­més : se libé­rer eux-mêmes et libé­rer leurs oppres­seurs. Ceux qui oppriment, exploitent et exercent la vio­lence ne peuvent trou­ver dans l’exercice de leur pou­voir la force de libé­rer les oppri­més et de se libé­rer eux-mêmes. Seul le pou­voir qui naît de la fai­blesse sera suf­fi­sam­ment fort pour libé­rer les deux. »[]

REBONDS

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