Les chants de l’usine, le féminisme pour tout le monde, la poésie d’un manœuvre, la solidarité internationale en question, les souvenirs d’une Italienne, l’écosocialisme ou la barbarie, les petits boulots, l’engagement d’Heidegger et une déclaration de guerre de classe écologique : nos chroniques du mois de décembre.
☰ À la ligne — Chansons d’usine, de Michel Cloup Duo et Pascal Bouaziz
Une carte blanche a été donnée en 2019 à Michel Cloup, chanteur et guitariste des feu Diabologum et Expérience. Il s’agissait, avec son batteur attitré Julien Rufié, de mettre en musique un livre : ce fut À la ligne, de Joseph Ponthus. Les a rejoint Pascal Bouaziz, tête de pont des groupes Bruit Noir et Mendelson. Alors on entend des guitares, en boucle souvent ; deux voix qui s’enchaînent, se superposent, s’entremêlent ; des caisses et des cymbales pour porter ce qu’elles disent. Tout débute par une phrase, comme un hymne : « c’est fantastique, tout ce qu’on peut, supporter » (« C’est fantastique »). Puis l’énumération de l’insupportable, vécu pourtant chaque jour. C’est le nettoyage des abattoirs, le sang partout coulant jusque sur la distorsion, les onomatopées criées, le clochement sec des cymbales (« À l’abattoir », « 2 », « 3 »). C’est, aussi, une chanson que l’on fredonne et qui « aide à tenir le coup » (« Penser à autre chose »). Ce sont des coquillages vomis par la machine, l’intérimaire puis les interprètes — et le lyrisme est sitôt submergé : « la mer est une tartine de bulots à décharger par palettes » (« Les bulots »). C’est du soja, pressé puis essoré, vomi à son tour — « j’égoutte du tofu, je me répète cette phrase comme un mantra » (« Le tofu ») — et ce sont des heures passées à répéter ces mêmes gestes. Car s’est imposé un impératif avec lequel, quel que soit le poste, il ne faut transiger : « il faut que la production continue ». Michel Cloup et Pascal Bouaziz usent du refrain tantôt comme sarcasme, tantôt comme ritournelle et, dès lors, des phrases s’impriment : « j’écris comme je travaille, à la chaîne, à la ligne » (« À la chaîne »). Un court intermède, une respiration presque, et c’est la guerre qui s’introduit de manière chorale dans l’usine (« La pause »). La voix traînante et ronde de Bouaziz, enfin, souligne l’âcreté du corps au repos, de la pensée qui ne l’est jamais (« Le week-end », « La nuit »), une pensée qui harcèle au cœur même de la nuit, là où des « cauchemars […] à la hauteur de ce que [le] corps endure » surgissent (« Cauchemars »). Un constat, alors : « l’usine nous bouffera, elle nous bouffe déjà ». Un album qui se clôt sur quelques accords simples et assénés, distordus, comme pour oublier les mots qui viennent d’être proférés — mais, pour sûr, d’oubli il n’y aura. [R.B.]
Ici d’ailleurs, 2020
☰ Tout le monde peut être féministe, de bell hooks
bell hooks répond à l’urgence de rendre accessible — mais jamais simpliste — sa pensée du féminisme, dans un livre aussi court qu’efficace. Il s’agit là de reprendre à la fois les grands axes des théories féministe et afroféministe ainsi que les débats qu’elles ont alimentés depuis les années 1970. L’auteure synthétise, remet en contexte et en perspective : les différents courants, les ruptures et leurs motifs. La division en chapitres thématiques permet d’aborder tour à tour nombre de concepts : la sororité, l’exploitation économique et le travail des femmes, le patriarcat comme système global d’exploitation des individus, des minorités, des non-humains, etc. Moins qu’une exégèse théorique, ce livre pointe les questions essentielles et invite à réfléchir, à trouver des alternatives à la culture patriarcale, terreau du régime d’oppression qui pèse sur les minorités de genre, de race, de classe. Si bell hooks rappelle que le but ultime du féminisme est de « mettre fin au sexisme », elle réaffirme aussi que ce combat est nécessairement intersectionnel. Il ne s’agit pas de hiérarchiser les oppressions, mais bien de comprendre comment elles se surajoutent, s’intériorisent et, in fine, alimentent la division de celles et ceux qui pourraient lutter ensemble. De là cette affirmation : tout le monde peut être féministe. Et tout le monde a intérêt à l’être. bell hooks n’oublie pas de mentionner ce que la culture patriarcale fait aux hommes, mais aussi aux hétérosexuel·les et aux personnes blanches. Personne n’échappe à ce régime d’oppression, qui trouve à se perpétuer dans le sexisme ordinaire intériorisé et les stéréotypes de genre. Lucide, critique et enthousiaste, ce texte éclaircit les luttes passées et posent les bases des questions à venir, pour une lutte sans cesse renouvelée vers la fin des inégalités et des différentes exploitations. [C.M.]
Divergences, 2020
☰ Le Journal d’un manœuvre, de Thierry Metz
C’est là le quotidien d’un chantier de restauration au cœur d’une petite ville, le temps d’un printemps et d’un été. Le travail, les hommes et la fatigue qui envahit les corps, les moments de repos, le temps qui passe et le temps qu’il fait, tout cela est saisi en images sensibles, croquées sur le vif d’une langue simple et épurée. Cette collection de petits instants invite à sentir le chantier et ceux qui y travaillent. Les vers libres, courts, incisifs, rappellent le rythme du travail dans l’espace « infini » du chantier. « 27 juin — Ne montrer que l’instant. La pierre, l’homme l’arc en ciel. Les mots qui se rassemblent ici. Qui me ramènent ici. C’est tout. / Cantonné dans l’urgence. / Avec peu. / Pelle. / Pioche. » Né en 1956, Thierry Metz a exercé de nombreux petits boulots : il est recruté à la fin des années 1980 en intérim sur le chantier, qui inspirera ses vers. Bouleversé par la mort d’un de ses enfants en 1988, dans un accident de voiture, il se suicidera neuf ans plus tard après s’être volontairement interné en psychiatrie pour lutter contre son alcoolisme. « Tu viens me rejoindre. Tu es là. Je t’aime. / Tu m’apportes quelques beignets dans une assiette. Du cidre. On parle un peu. On a le temps aujourd’hui. Qui pourrait venir ? Et moi je n’ai pas à m’absenter… / Te regarder. / T’écouter. / C’est tout. / Tu vois : nous sommes pauvres. / Tu es l’aile que l’ange envie dans sa ténèbre. » La parole ouvrière restant rare dans le monde littéraire, remercions Joseph Ponthus d’avoir permis de le redécouvrir en le citant dans son livre À la ligne. « Quelques nuages. / Des poignées de mains. / Un boulot. / Ce n’est pas tout : il y a des cerfs-volants dans
ma voix. » [L.]
Gallimard, 1990
☰ Perdre le Sud — Décoloniser la solidarité internationale, de Maika Sondarjee
Cet essai s’ouvre sur la nécessité de concevoir une nouvelle histoire de la mondialisation, dans laquelle l’exploitation et la marginalisation des populations du Sud ne sont pas seulement possibles, mais encouragées. En d’autres termes : la mondialisation, comme processus de mise en connexion et en concurrence globale du monde, s’appuie sur l’oppression d’une partie de celui-ci, au profit de l’émancipation de l’autre. Un processus résolument colonial fondé sur l’accroissement continuel des inégalités entre les individus et les États. L’aide internationale a tenté de rétablir des dynamiques plus égalitaires à toutes les échelles : sans succès. C’est qu’elle n’est pas exempte de racisme systémique, et qu’elle s’inscrit paradoxalement dans un contexte de fermeture des frontières des pays du Nord. Plutôt que de rejeter les principes et les actions de la solidarité internationale, comme le fait une partie de la gauche radicale, Maika Sondarjee propose d’en repenser la philosophie, les fondements, les acteurs et les institutions. Une position qui se veut à la fois radicale, anticapitaliste, décoloniale et féministe. Elle invoque ainsi certains principes issus de la théorie féministe pour élaborer « une position morale et politique permettant d’être plus solidaire avec les nations du Sud ». Cette réflexion mobilise des exemples concrets des conséquences négatives de la mondialisation et de l’aide internationale sur les individus : on découvre ainsi nombre de témoignages de femmes agricultrices, ouvrières ou travailleuses domestiques. L’auteure remet en lumière ce que la mondialisation fait oublier et que l’aide « au développement » nie : les histoires individuelles. Il faut « cesser de penser que l’international n’évolue que de manière lointaine et théorique » et remettre au centre de la solidarité : le Sud, les personnes racisées, les environnements, au nom d’un « internationalisme radical », seule voie pour une transition globale, sociale, économique et culturelle juste. [C.M.]
Écosociété, 2020
☰ Le Détour, de Luce d’Eramo
Une jeune Italienne fasciste de 18 ans s’enrôle, en 1944, comme volontaire pour partir travailler dans un camp de travail nazi. Fasciste, elle l’est « de famille » — son père est un dignitaire de la République de Salò. Ne sachant que faire des bruits courant au sujet des exactions commises dans les Lager [camps] allemands, désirant s’extraire d’un milieu qu’elle exècre, elle décide de mettre ses préjugés à l’épreuve du réel — ils s’en trouveront, bien sûr, dynamités. Cette histoire, l’auteure l’a vécue. Mais il lui aura fallu des dizaines d’années d’écriture et de lutte contre une mémoire embarrassée, pétrie de honte et de tenaces refoulements, pour qu’émerge le récit fragmenté, aux couleurs autobiographiques, de cette année d’enfermement, de luttes et d’errances dans une Europe en guerre. C’est d’abord le volontariat dans une usine de l’IG Farben (celle de Höchst-Francfort), où la narratrice découvre la violence de classe et l’ampleur de l’oppression nazie. Elle participe alors à l’organisation d’une grève massive des travailleurs, animée par une « rage sociale », puis tente de se suicider après l’échec du soulèvement. Suicide manqué qui débouche sur un rapatriement. Mais à Vérone, la protagoniste jette ses papiers et s’intègre à un convoi de déporté·es en partance pour Dachau. Retour dans les camps — en qualité cette fois d’asociale internée et pas de travailleuse volontaire, où l’horreur concentrationnaire et l’hébétement prennent le dessus. Ensuite, c’est la fuite de Dachau, la clandestinité, et un accident — Luce d’Eramo aide à secourir des blessés après un bombardement quand un mur s’effondre sur elle —, qui la laissera paralysée à vie. Mais une fois dit ceci, nous n’avons rien dit du Détour, qui rejoue l’affrontement entre une expérience passée et le souvenir qui en demeure. Les récits nous arrivent en désordre, précis cependant et remarquablement évocateurs. Bien plus qu’à un procès de soi à soi, c’est aux turpitudes de l’Histoire qu’ils nous ramènent. Sans concession. [L.M.]
Le Tripode, 2020
☰ Qu’est-ce que l’écosocialisme ?, de Michael Löwy
Nous faisons face à deux impasses. Tous les socialistes (entendre celles et ceux qui aspirent à tourner la page du mode de production capitaliste) n’ont pas encore pris la pleine mesure de l’urgence écologique ; tous les écologistes n’ont pas encore intégré l’idée que, sans socialisme, ils sont condamnés à donner des coups d’épée dans l’eau (c’est-à-dire à s’allier aux libéraux ou à s’en tenir au cadre réformiste). Le sociologue et philosophe franco-brésilien Michael Löwy rassemble dans ce livre le fruit d’une longue réflexion : il y a près de 20 ans maintenant, il coécrivait ainsi le premier « Manifeste écosocialiste international ». L’écosocialisme — dont Löwy s’empresse de préciser qu’il n’en est que l’une des voix, plurielles — rompt avec l’ouvriérisme industrialiste du siècle dernier mais n’en appelle pas moins à convaincre la classe ouvrière (en prenant notamment à bras-le-corps la question du maintien de l’emploi et de la transition verte) ; il purge le marxisme historique de ses « scories productivistes » mais n’abandonne pas son horizon révolutionnaire : une société sans classes où le temps libre serait accru. Il ne s’agit toutefois pas seulement d’en finir avec les rapports de production actuels, la « rationalité » du marché capitaliste et l’oligarchie qui nous tient lieu de « démocratie » ; c’est à une refonte globale, « un changement de civilisation », que l’écosocialisme, d’ores et déjà structuré à échelle internationale, enjoint. Critiquant — sans toutefois fermer la porte à la discussion — le « fatalisme » des partisans de la collapsologie, la fixation « croissanciste » et consumériste des décroissants, le maximalisme des militants les plus radicaux (on ne saurait, avance Löwy, opposer les petites victoires de l’ici et maintenant au dessein final) et le sectarisme bien connu du camp de l’émancipation (il importe, précise encore Löwy, de fédérer les mouvements ouvriers, féministes, pacifistes, communistes, anarchistes et écologistes), l’écosocialisme, fondé sur la planification écologique démocratique, s’avance comme une alternative concrète et populaire à la « barbarie » en cours. On aurait tort de la négliger. [E.B.]
Le Temps des cerises, 2020
☰ Nino dans la nuit, de Capucine et Simon Johannin
Une nuit qui dure de longs mois, qui étend ses griffes sur les têtes et les corps de celles et ceux qui tentent, en parade, de la peupler, de la fêter, d’y oublier leurs peines. Elle rattrape toujours celles et ceux qui, en son sein, essaient de fuir. Cette nuit-là, celle de Nino et de ses ami·es, est bigarrée. C’est parfois un feu d’artifices de couleurs, comme les spots des boîtes des nuits, le fluo des cachets. C’est sombre surtout, comme les appartements insalubres, mal éclairés, où Nino et Lale gèlent et s’engourdissent ; sombre comme les mauvaises résines. Rien vraiment, pour y échapper. Surtout pas les joints, ni les payes de misère que donnent les petits boulots, ni les petits larcins, ni les grosses combines. Seuls éclats de lumière : des ami·es comme des frères et sœurs, un amour fulgurant, quelques moment de grâce, un séjour au bord de la mer dans une maison d’enfance. Plusieurs fois, Nino fait son sac, tentant par-là de s’éclipser. Sur sa route, il emprunte des chemins aussi variés que : la légion, le magasinage pour une grande enseigne, les petits trafics en tout genre. Il manque toujours quelque chose, surtout l’argent, et avec lui, l’espoir. Le récit est drôle : on rit beaucoup, parfois franchement, parfois un peu jaune. Il est poétique aussi : Nino tutoie l’amour qu’il porte à Lale, et se rend capable, dans une même phrase, des pires blagues et des plus beaux détours lyriques. « Je vois tes yeux par en dessous, tes petites narines dont les bords reflètent en jaune orange la lueur des flammes. Je sais que tu m’aimes. Ce que je sais pas c’est vers quoi on va tous les deux. Comment ça va se passer, avec quoi on va vivre. Toi non plus t’en sais rien, mais pour l’instant c’est la nuit, alors on le fait. Parce que ça fait longtemps, parce que baiser nous permet de pas trop penser au reste, parce qu’ici on est que nous la peau dans la peau. » À l’image de Nino, le récit est en équilibre sur un fil, un peu grotesque, un peu virtuose. Nino s’appelle Paradis et c’est la seule chose qu’il effleure sans la saisir jamais. [C.M.]
Allia, 2019
☰ La Fille de Thrace et le penseur professionnel, de Jacques Taminiaux
On se souvient de l’histoire de Thalès tombant dans un puits, tout absorbé par sa contemplation du ciel, et suscitant dans sa chute les moqueries d’une jeune servante de Thrace. C’est d’une mésaventure semblable dont il est question ici, à ceci près que la chute du philosophe, au lieu de susciter les rires, conduit cette fois plutôt à l’effroyable : il s’agit de l’engagement nazi de Heidegger. Au-delà des anecdotes, Jacques Taminiaux montre les raisons philosophiques profondes qui l’ont conduit vers une telle voie — et il le fait fort de la lecture, parallèle à Sein und Zeit, des écrits politiques de Hannah Arendt et du débat souterrain que celle-ci n’a cessé de mener avec le « penseur professionnel » Heidegger. Ce sont des questions aussi vieilles que la philosophie qui s’en voient réactivées, à commencer par celle, fondatrice, du sens de la vie dans la Cité et, par là même, du rôle du philosophe en son sein – questions qui remontent à l’opposition entre Platon et Aristote. Or la discussion que Arendt mène avec Heidegger se fonde précisément sur une lecture de ces deux philosophes, et sur la place qu’ils accordent l’un et l’autre à la bios theoretikos (la vie contemplative). L’auteur montre que l’ontologie fondamentale de Heidegger, dans les années 1920, est traversée d’un parti pris platonicien, et ce jusque dans sa lecture d’Aristote : il reste aveugle à la pluralité comme condition de la vie politique, ne gardant du philosophe grec le caractère essentiel de la praxis que pour affirmer que celle-ci n’est autre que la vie spéculative. Confusion immense, héritée de Platon, qui conduit le philosophe à se faire « voyant » de la vérité et à se croire seul possesseur du sens de la condition humaine. Contre une telle illusion consistant à se croire maître du sens — et ainsi confondre connaître (l’Être ou le savoir absolu) et penser (le sens) —, la pensée de Arendt constitue comme un dernier avertissement. Elle nous enseigne que, face aux questions ultimes, le philosophe n’est sans doute pas mieux armé que n’importe quel autre humain. [A.C.]
Payot, 1992
☰ La Chauve-souris et le capital — Stratégie pour l’urgence chronique, d’Andreas Malm
On sait la liste sans fin des drames liés au dérèglement climatique. On sait l’urgence et la critique de l’inaction des puissants face à celle-ci. On sait les liens à l’œuvre entre la pandémie de Covid-19 et l’ordre actuel du monde (déforestation, commerce des animaux sauvages, trafic aérien, etc.). On sait que la pandémie endiguée, d’autres catastrophes surviendront. Bref, tout un chacun sait tout ce qu’il y a à savoir, notamment que le temps compte — pour peu que l’on tienne aux « fondements de la vie humaine » et des autres espèces. N’y revenons pas ; voyons plutôt ce que Malm propose. Un écoléninisme. La formulation a de quoi dérouter (c’est qu’on associe plus volontiers l’entreprise soviétique à l’industrialisation forcée qu’à la critique verte du productivisme). Parce que demander aux consommateurs de modifier leurs habitudes est vain ; parce que faire pression sur les pouvoirs publics est vain ; parce qu’en pleine extinction de masse, publier des tribunes est vain, il faut, assure Malm, se rendre à l’évidence : nous nous trouvons dans la situation de Lénine en 1917. Une immense menace face à nous (la Première Guerre mondiale) et la nécessité d’en sortir par le haut (la révolution). Et Malm d’adapter « le geste léniniste » à notre temps : il faut « déclarer une guerre de classe écologique », nationaliser l’ensemble des entreprises liées aux combustibles fossiles, mettre en place un service public de la restabilisation du climat, abandonner la consommation de viande. Cela, on l’imagine, ne se fera pas la fleur à la bouche. Il faudra réquisitionner, sanctionner, rationner ; bref, mettre en place une « planification stricte et globale ». Or il n’est que l’État, pôle le plus puissant d’entre les pôles, pour se montrer à la hauteur de l’enjeu. Les libertaires, les localistes et les zadistes grincent des dents ; Malm le sait, et poursuit : le naufrage soviétique est indiscutable, et c’est bien pourquoi ce léninisme vert est « libertaire » (la notion revient à Bensaïd). Il y a de l’oxymore dans l’air, dirions-nous ; la guerre climatique invite à l’audace, répondrait sans doute Malm. [E.C.]
La Fabrique, 2020
Photographie de bannière : Ursula Schulz-Dornburg
REBONDS
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