De l’écologisme ouvrier à la justice climatique : le défi de la convergence


Traduction d’un article des Quaderni de la Fondation Feltrinelli

Cet été, après une lutte exem­plaire, les tra­vailleurs de la bou­lan­ge­rie indus­trielle Neuhauser ont obte­nu la réin­té­gra­tion de Christian Porta, délé­gué syn­di­cal CGT débar­qué par la direc­tion de l’entreprise. S’il a pu pour cela comp­ter sur le sou­tien de son syn­di­cat, il a aus­si béné­fi­cié de celui d’organisations éco­lo­gistes, comme les Soulèvements de la terre ou Extinction rébel­lion. « Il y a une répres­sion simi­laire à l’égard des mili­tants éco­lo­gistes et des repré­sen­tants syn­di­caux qui rend natu­rel notre rap­pro­che­ment » expli­quait ain­si un membre de Greenpeace. Un exemple récent de conver­gence entre mobi­li­sa­tions sociales et envi­ron­ne­men­tales qui n’est pas sans en rap­pe­ler celle qui a court en Italie autour des ex-sala­riés de l’usine GKN située à Florence. Dans cet article que nous tra­dui­sons, paru dans un numé­ro spé­cial des Quaderni de la Fondation Feltrinelli de Milan1, les cher­cheurs Lorenzo Feltrin et Emanuele Leonardi suivent l’exemple du Collectif d’usine GKN et plaident pour une tran­si­tion éco­lo­gique « par le bas ».


Le 9 juillet 2021, Melrose Industries a annon­cé la fer­me­ture de son usine GKN Driveline (ancien­ne­ment FIAT) — qui pro­dui­sait des arbres d’entraînement pour voi­tures en Campi di Bisenzio, Florence — et le licen­cie­ment de tous ses sala­riés, plus de 400. Alors que, bien sou­vent, les tra­vailleurs et les syn­di­cats se contentent de négo­cier des indem­ni­tés de licen­cie­ment plus éle­vées, le Collectif d’usine GKN s’est empa­ré de l’établissement et a lan­cé un long com­bat contre sa fermeture.

Mais ce qui rend cette lutte vrai­ment unique, c’est la stra­té­gie adop­tée par les ouvriers. Ils ont scel­lé une alliance avec le mou­ve­ment pour la jus­tice cli­ma­tique, en éla­bo­rant un plan de conver­sion orien­té vers des moda­li­tés de trans­port public durable et en reven­di­quant son adop­tion au moyen de la natio­na­li­sa­tion de l’usine. Cette approche a engen­dré un cycle de grandes mobi­li­sa­tions — fai­sant des­cendre à plu­sieurs reprises des dizaines de mil­liers de per­sonnes dans la rue — et le conflit est encore ouvert. Malgré une attaque cri­mi­nelle noc­turne qui a débran­ché l’établissement du réseau élec­trique, le sit-in per­ma­nent dans l’usine per­dure, ali­men­té par des pan­neaux solaires offerts au col­lec­tif par le mou­ve­ment cli­ma­tique international.

« Ce qui rend cette lutte vrai­ment unique, c’est la stra­té­gie adop­tée par les ouvriers, qui ont scel­lé une alliance avec le mou­ve­ment pour la jus­tice climatique. »

Les mani­fes­ta­tions de masse ont sans doute exer­cé une pres­sion sur les auto­ri­tés : les prud’hommes ont déjà annu­lé les licen­cie­ments deux fois. Le patron actuel, cepen­dant, n’a pas inten­tion de reprendre la pro­duc­tion et a ces­sé de payer les salaires il y a plus de sept mois. Le col­lec­tif exige l’intervention du gou­ver­ne­ment de Toscane pour per­mettre à leur pro­jet coopé­ra­tif actuel de com­men­cer à pro­duire des vélos car­go et des pan­neaux solaires, dans le cadre d’une orien­ta­tion géné­rale vers une tran­si­tion éco­lo­gique gui­dée par les tra­vailleurs et les tra­vailleuses. Pour contri­buer à finan­cer la coopé­ra­tive GKN For Future, le col­lec­tif a lan­cé une cam­pagne d’action­na­riat popu­laire, à laquelle les orga­ni­sa­tions soli­daires inter­na­tio­nales sont appe­lées à adhérer.

L’échec de la transition écologique par le haut

Après les grandes grèves cli­ma­tiques de 2019 et la prise de conscience concer­nant les causes envi­ron­ne­men­tales de la pan­dé­mie du COVID-19, il sem­blait que la tran­si­tion éco­lo­gique était par­tout. L’Union euro­péenne en avait fait la clé de voûte de sa stra­té­gie de reprise et, en Italie, le gou­ver­ne­ment Draghi lui avait dédié un nou­veau minis­tère ad hoc. Toutefois, un retour his­to­rique rapide ne peut que tem­pé­rer cet enthou­siasme. En fait, au moins depuis 1992 — l’année du pre­mier som­met de la Terre à Rio de Janeiro — dans le cadre des Nations unies, les pays membres se sont ins­crits dans une stra­té­gie qu’on pour­rait qua­li­fier de tran­si­tion éco­lo­gique par le haut. Sa prin­ci­pale pré­misse est aus­si simple que per­tur­bante : contrai­re­ment à ce qu’on avait cru pré­cé­dem­ment, la défense de l’environnement et la crois­sance éco­no­mique ne seraient pas mutuel­le­ment exclu­sives. Au contraire, une véri­table éco­no­mie verte pour­rait inter­na­li­ser les limites éco­lo­giques. Ces der­nières ne consti­tue­raient plus un « blo­cage » au déve­lop­pe­ment capi­ta­liste mais plu­tôt les « fon­de­ments » d’un nou­veau cycle d’accumulation.

[« En attendant que le soleil se lève, le travailleur se soulève. » | Mun (Luna Biscaro)]

Focalisée sur la gou­ver­nance du cli­mat, cette pré­misse se tra­duit ain­si : même si le réchauf­fe­ment cli­ma­tique est une défaillance du mar­ché, qui n’a pas su comp­ta­bi­li­ser les soi-disant « exter­na­li­tés néga­tives2 », la seule voie pour l’affronter serait la créa­tion de nou­veaux mar­chés, dans les­quels dif­fé­rentes formes de « mar­chan­dises-nature » — par exemple la capa­ci­té des forêts à absor­ber le CO₂ — pour­raient se voir assi­gner un prix et s’échanger. Il ne s’agit pas d’excursions dans le ciel des idées de la théo­rie abs­traite. Les méca­nismes de flexi­bi­li­té qui com­mer­cia­lisent le cli­mat, ins­ti­tués par le Protocole de Kyoto en 1997 et relan­cés par l’Accord de Paris en 2015, res­tent le prin­ci­pal atout de la poli­tique éco­no­mique déployée par la Convention-cadre des Nations unies sur les chan­ge­ments climatiques.

Dès le début, la pro­messe de cette tran­si­tion éco­lo­gique, par rap­port au réchauf­fe­ment cli­ma­tique, était ambi­tieuse et expli­cite : la « main invi­sible » du mar­ché pour­rait réduire les émis­sions de gaz à effet de serre et, en même temps, garan­tir des taux de pro­fit éle­vés. Or, après un quart de siècle, il nous est per­mis de dres­ser un bilan des poli­tiques publiques ins­pi­rées par ce modèle, d’autant plus que la crise éco­lo­gique appelle une réso­lu­tion urgente. La ques­tion est donc la sui­vante : les émis­sions de CO₂ ont-elles diminué ?

Source : Global Carbon Project.

Ce gra­phique répond de la manière la plus claire : non.

« Le sujet de l’économie verte est l’entrepreneur de soi-même : osé, éclai­ré, smart. »

On a beau­coup glo­sé sur les causes de cette débâcle. Voici cer­taines hypo­thèses : une « géné­ro­si­té » exces­sive dans l’affectation des quo­tas, l’imperfection de l’information, l’omniprésence de la cor­rup­tion, des défauts de concep­tion, une régle­men­ta­tion insuf­fi­sante. Cependant, le résul­tat est lim­pide : mettre le mar­ché au centre de la poli­tique éco­no­mique-cli­ma­tique ne conduit pas à une réduc­tion des émis­sions, mais à leur aug­men­ta­tion. L’échec est sans appel. C’est en par­tant de cette prise de conscience que nous pou­vons poser, aujourd’hui, la ques­tion de la conver­gence entre luttes sur le lieu de tra­vail et pour la jus­tice cli­ma­tique3.

Les racines ouvrières de la lutte écologiste

Procédons à deux aver­tis­se­ments, avant d’affronter direc­te­ment l’enjeu. Le pre­mier concerne le fait que la tran­si­tion éco­lo­gique par le haut peut éta­blir une com­pa­ti­bi­li­té — plus : une affi­ni­té élec­tive — entre la pro­tec­tion de l’environnement et la crois­sance éco­no­mique uni­que­ment à condi­tion de relé­guer le mou­ve­ment ouvrier, avec sa fonc­tion sociale de lutte contre l’inégalité, dans les cou­lisses ou, pire, dans le rôle d’un acteur réfrac­taire au chan­ge­ment au nom de la sau­ve­garde d’un emploi éco­lo­gi­que­ment insou­te­nable. Le sujet de l’économie verte est l’entrepreneur de soi-même : osé, éclai­ré, smart. En fait, sa charge inno­vante découle de son indif­fé­rence aux entraves que repré­sentent les corps inter­mé­diaires (avant tout, les syn­di­cats) et les lon­gueurs de la média­tion ins­ti­tu­tion­nelle, de la pra­tique démo­cra­tique en particulier.

[Mun (Luna Biscaro)]

C’est pour cela — deuxième aver­tis­se­ment — que l’on est enclin à pen­ser que les rai­sons de l’écologie et celles du tra­vail sont irré­mé­dia­ble­ment oppo­sées. L’idée de base est que le chan­tage à l’emploi — « san­té ou reve­nu » — serait ins­crit dans le sort de l’industrie (pen­sez par exemple à la tra­gé­die de l’Ex-ILVA de Tarente). Cette inter­pré­ta­tion a trou­vé sa propre légi­ti­mi­té his­to­rio­gra­phique mais elle est, sinon entiè­re­ment fausse, pour le moins par­tielle. En tout cas, pas du tout inno­cente. Dater le début de la poli­ti­sa­tion dif­fuse des enjeux envi­ron­ne­men­taux à la croi­sée des années 1970 et des années 1980 — c’est-à-dire après les grands conflits « for­distes » — revient en fait à inté­rio­ri­ser la défaite de l’extraordinaire cycle de luttes du « Long 68 ». Ce der­nier avait posé la démo­cra­tie éco­no­mique comme condi­tion néces­saire pour lut­ter contre la dégra­da­tion de l’environnement à par­tir du lieu de tra­vail, en par­ti­cu­lier la pol­lu­tion de l’air, des sols et des eaux, en l’éliminant com­plè­te­ment dans cer­tains cas4.

Pour évi­ter tout mal­en­ten­du, il convient de pré­ci­ser que la réa­li­té de cette défaite ne fait aucun doute. Il est cepen­dant légi­time de se méfier de l’idée qu’elle était inévi­table. De plus, la dété­rio­ra­tion constante des bases maté­rielles de la repro­duc­tion de la bio­sphère rend d’autant plus urgent un nou­veau regard sur ce moment his­to­rique. En fait, la mar­gi­na­li­sa­tion du mou­ve­ment ouvrier n’a assu­ré­ment pas entraî­né l’élimination de la noci­vi­té indus­trielle. Malgré des décen­nies de négo­cia­tions sur le cli­mat, davan­tage de gaz à effet de serre a été émis au cours des trente der­nières années qu’entre le XVIIIe siècle et 1990. Se débar­ras­ser du féti­chisme de la com­pli­ci­té entre l’environnement et le capi­tal ouvre un espace pour (re)lier les enjeux éco­lo­giques, les reven­di­ca­tions syn­di­cales et les cam­pagnes des mou­ve­ments sociaux. En somme, c’est ce dont nous avons besoin. Le Plan pour un pôle public de mobi­li­té durable du Collectif d’usine GKN est à ce titre exemplaire.

« La ques­tion éco­lo­gique est deve­nue un pro­blème véri­ta­ble­ment poli­tique grâce à, et non pas mal­gré, l’action conflic­tuelle du mou­ve­ment ouvrier. »

Dans ce contexte, inter­ro­ger de nou­veau les conflits sur la noci­vi­té qui se sont dérou­lés entre les années 1960 et les années 1970 per­met de mon­trer com­ment la ques­tion éco­lo­gique est deve­nue un pro­blème véri­ta­ble­ment poli­tique grâce à, et non pas mal­gré, l’action conflic­tuelle du mou­ve­ment ouvrier. C’est à la suite de luttes très dures et inno­vantes comme celles des dépar­te­ments de pein­ture Fiat, ou des usines chi­miques de Montedison, que la ques­tion de la salu­bri­té de l’environnement — d’abord dans l’usine, puis sur l’ensemble du ter­ri­toire — est pas­sée d’une ques­tion tech­nique limi­tée aux sites pro­duc­tifs à un enjeu poli­tique de l’action anta­go­niste des syn­di­cats et des mou­ve­ments sociaux.

On peut uti­li­ser le terme évo­ca­teur d’éco­lo­gisme ouvrier pour décrire la créa­tion d’un savoir par­ti­san, cen­tré sur le lieu de tra­vail. Ce der­nier est deve­nu un type par­ti­cu­lier d’écosystème dans la mesure où la classe ouvrière en a fait son habi­tat « natu­rel » et a fini par le connaître mieux que qui­conque. Ce n’est pas un hasard si les conflits contre la noci­vi­té indus­trielle ont été les pre­miers à sou­mettre à de vives cri­tiques la soi-disant moné­ti­sa­tion de la san­té, c’est-à-dire l’idée qu’une aug­men­ta­tion de salaire ou une pro­mo­tion pour­raient « com­pen­ser » l’exposition à des sub­stances pol­luantes, par­fois mor­telles. C’est sur l’impossibilité de com­pen­ser les dom­mages cau­sés à la san­té des tra­vailleurs que les figures cen­trales de ces luttes, comme Ivar Oddone à Turin ou Augusto Finzi à Porto Marghera, ont concen­tré une action mili­tante de longue durée, dont les traces sont faci­le­ment recon­nais­sables dans la réforme de la san­té de 1978, qui a créé le Service natio­nal de san­té italien.

[Mun (Luna Biscaro)]

Il faut ajou­ter deux élé­ments impor­tants à ce tableau. Le pre­mier est que les luttes contre la noci­vi­té indus­trielle n’auraient pas eu cet effet de rup­ture si elles n’avaient pas été liées à des conflits plus larges qui, à cette époque, ont mis au jour le rôle clef de la repro­duc­tion sociale, en réfé­rence à la pen­sée fémi­niste. Le deuxième aspect est que le mou­ve­ment ouvrier n’a pas pu expri­mer une stra­té­gie uni­voque à cet égard : une ten­sion est plu­tôt appa­rue entre les pers­pec­tives de « rédemp­tion » du tra­vail sala­rié — sou­te­nues par exemple par Bruno Trentin, alors secré­taire de la FIOM, et par la gauche syn­di­cale — et de « libé­ra­tion » du tra­vail sala­rié, sou­te­nue par des orga­ni­sa­tions ope­raïstes telles que Potere Operaio d’abord et Autonomia Operaia ensuite. Il est rai­son­nable de sup­po­ser que l’incapacité de conci­lier ces deux options autour de la reven­di­ca­tion com­mune d’une réduc­tion de la jour­née de tra­vail pour le même salaire a contri­bué de manière signi­fi­ca­tive à la défaite de ce cycle de luttes. Au pou­voir ouvrier sur la com­po­si­tion qua­li­ta­tive de la pro­duc­tion, s’est sub­sti­tuée la réac­tion — très vio­lente — du capi­tal : frag­men­ta­tion du tra­vail, déman­tè­le­ment de l’État-providence et finan­cia­ri­sa­tion accé­lé­rée, ain­si que, d’un point de vue envi­ron­ne­men­tal, la tran­si­tion éco­lo­gique par le haut qu’on vient de décrire. Cependant, consta­ter l’échec de cette der­nière per­met que les choses bougent. La mémoire des luttes d’il y a cin­quante ans prend désor­mais une impor­tance nou­velle et le thème de la conver­gence entre luttes au tra­vail et mobi­li­sa­tions pour le cli­mat et l’environnement rede­vient d’actualité.

« Converger pour s’insurger » dans et contre la crise écologique

La défaite de l’écologisme ouvrier du « Long 68 » nous a cata­pul­tés dans un monde de « dés­in­dus­tria­li­sa­tion nocive », expres­sion qui désigne la chute du taux d’emploi dans le sec­teur manu­fac­tu­rier dans des régions où des indus­tries par­ti­cu­liè­re­ment nocives sont encore en acti­vi­té. Selon les esti­ma­tions de l’Organisation inter­na­tio­nale du tra­vail, le taux d’emploi mon­dial dans le sec­teur manu­fac­tu­rier dimi­nue len­te­ment mais régu­liè­re­ment, pas­sant de 15,6 % en 1991 à 13,6 % en 2021. Au cours de la même période, les émis­sions de CO₂ — en incluant les émis­sions des machines pro­duites indus­triel­le­ment mais uti­li­sées dans d’autres sec­teurs éco­no­miques, ain­si que celles uti­li­sées par les consom­ma­teurs finaux — sont pas­sées de 23 à 36 mil­liards de tonnes par an5. De plus, entre 1991 et 2018, les émis­sions géné­rées direc­te­ment par l’industrie sont pas­sées de 4,4 à 7,6 mil­liards de tonnes par an, selon l’indicateur Climate Analysis Indicators Tool. En bref, la logique du pro­fit nous a conduits à la fois à des pertes (rela­tives) d’emplois dans les usines, avec la pré­ca­ri­té qui accom­pagne sou­vent ces pertes, et à l’aggravation de la dévas­ta­tion environnementale.

« Le chan­tage à l’emploi consti­tue une carac­té­ris­tique intrin­sèque et trans­ver­sale du capitalisme. »

Les tem­pé­ra­tures sans pré­cé­dent, les séche­resses, la baisse des récoltes, la fonte des gla­ciers et les décès dus aux intem­pé­ries extrêmes confirment une situa­tion dra­ma­tique. Nous sommes dans la crise éco­lo­gique, et pas seule­ment en tant que vic­times des impacts inégaux de la dévas­ta­tion envi­ron­ne­men­tale selon des lignes entre­la­cées de classe, « race » et genre à l’échelle mon­diale. Nous sommes dans la crise parce que, dans notre socié­té, la sub­sis­tance de la classe tra­vailleuse découle du tra­vail capi­ta­liste et par consé­quent les reve­nus de la majo­ri­té des gens dépendent de la crois­sance infi­nie de la pro­duc­tion de mar­chan­dises. Le chan­tage à l’emploi ne concerne donc pas uni­que­ment les grandes indus­tries for­te­ment nocives : il consti­tue plu­tôt une carac­té­ris­tique intrin­sèque et trans­ver­sale du capi­ta­lisme, qui se mani­feste avec une inten­si­té variable selon les contextes.

Pour essayer de com­prendre com­ment ren­for­cer l’écologisme par le bas, il nous semble utile d’actualiser la méthode ope­raïste d’analyse de la com­po­si­tion de la classe tra­vailleuse selon trois axes : 1) une concep­tion large de la classe tra­vailleuse, défi­nie par la contrainte de vendre la force de tra­vail ; 2) une concep­tion du tra­vail qui inclut à la fois la pro­duc­tion et la repro­duc­tion ; 3) une concep­tion des inté­rêts des tra­vailleurs et des tra­vailleuses qui inclut à la fois le lieu de tra­vail et le territoire.

[Mun (Luna Biscaro)]

Tout d’abord, nous consi­dé­rons comme fai­sant par­tie de la classe tra­vailleuse ceux qui, ne pos­sé­dant ni ne gérant les moyens de pro­duc­tion, subissent la contrainte de vendre leur force de tra­vail, qu’elle soit uti­li­sée pour pro­duire des mar­chan­dises ou pour repro­duire la force de tra­vail, indé­pen­dam­ment du fait qu’ils trouvent ou non des ache­teurs stables. Même si cette pers­pec­tive exclut la classe moyenne, à laquelle le capi­tal délègue cer­taines res­pon­sa­bi­li­tés de ges­tion, elle est néan­moins plus large que les visions étroites domi­nantes — suf­fi­sam­ment large pour inclure les tra­vailleurs et tra­vailleuses au chô­mage, les tra­vailleurs et tra­vailleuses repro­duc­tifs, infor­mels, cog­ni­tifs6 et para-auto­nomes7.

Deuxièmement, sui­vant la théo­rie fémi­niste de la repro­duc­tion, nous défi­nis­sons comme tra­vail capi­ta­liste toutes les acti­vi­tés — sala­riées ou non, direc­te­ment pro­duc­tives et repro­duc­tives — expli­ci­te­ment ou invi­si­ble­ment subor­don­nées à l’accumulation du capi­tal, quel que soit le sec­teur éco­no­mique. En fait, la classe labo­rieuse est mise au tra­vail à la fois dans la pro­duc­tion de mar­chan­dises (tra­vail direc­te­ment pro­duc­tif) et dans la créa­tion et le « main­tien » non direc­te­ment mar­chan­di­sé d’une main-d’œuvre employable par le capi­tal (tra­vail repro­duc­tif). La dis­tinc­tion entre tra­vail direc­te­ment pro­duc­tif et tra­vail repro­duc­tif est déter­mi­née par la « fron­tière de la mar­chan­di­sa­tion », et non par les dif­fé­rents types d’activités concrètes dans les­quelles le tra­vail est employé8.

« Les inté­rêts de classe ne concernent pas seule­ment les droits dans les lieux de tra­vail mais aus­si ceux dans les territoires. »

Enfin, nous consi­dé­rons les inté­rêts de la classe tra­vailleuse comme étant liés à la fois au lieu de tra­vail et au ter­ri­toire. La dis­tinc­tion entre lieu de tra­vail et ter­ri­toire ne repose pas sur des sépa­ra­tions phy­siques mais sur des rela­tions sociales : le pre­mier est la sphère des « per­sonnes tra­vailleuses en tant que pro­duc­trices ou repro­duc­trices », tan­dis que le second est la sphère des « per­sonnes tra­vailleuses en tant que repro­duites9 ». Les inté­rêts de la classe tra­vailleuse sont sou­vent conçus comme étant cen­trés sur le lieu de tra­vail (emplois stables, salaires éle­vés, san­té et sécu­ri­té au tra­vail, etc.). Sans doute, une redis­tri­bu­tion des richesses par le biais de salaires plus éle­vés pour moins d’heures aide­rait à sur­mon­ter le dilemme entre la défense de l’emploi et celle de l’environnement, rédui­sant le besoin même de créer et main­te­nir de nou­veaux emplois. Quoi qu’il en soit, les per­sonnes tra­vailleuses ne dis­pa­raissent pas après avoir quit­té leur lieu de tra­vail. Au contraire, elles retournent à leurs quar­tiers, res­pirent l’air hors des usines et des bureaux, pro­fitent de leur temps libre en se connec­tant aux éco­lo­gies qui les entourent. Les inté­rêts de classe ne concernent donc pas seule­ment les droits dans les lieux de tra­vail mais aus­si ceux dans les ter­ri­toires (prix des biens de consom­ma­tion, struc­tures de pro­tec­tion sociale, éco­lo­gies saines, etc.).

La triple expan­sion concep­tuelle de classe tra­vailleuse, tra­vail et inté­rêts de la classe tra­vailleuse qu’on pro­pose ici vise à dépas­ser les pers­pec­tives qui ren­forcent le chan­tage à l’emploi. En effet, si le « vrai » tra­vail n’est que le tra­vail sala­rié et indus­triel, par consé­quent la « vraie » classe tra­vailleuse est plus que pro­por­tion­nel­le­ment mas­cu­line (et, jusqu’à récem­ment, blanche), et si ses « vrais » inté­rêts sont d’abord de gar­der ses emplois comme ils sont, il est alors impos­sible de voir une issue. En outre, l’impasse s’aggrave consi­dé­ra­ble­ment si les mobi­li­sa­tions ter­ri­to­riales sont lues comme dénuées de tout conte­nu de classe — comme si les habi­tants des quar­tiers popu­laires tou­chés par de graves injus­tices envi­ron­ne­men­tales n’avaient pas besoin de tra­vailler pour vivre. Au contraire, une concep­tion « élar­gie » des concepts en ques­tion repré­sente un outil effi­cace pour construire des alliances entre des seg­ments de la classe tra­vailleuse dif­fé­rem­ment posi­tion­nés dans la matrice de pou­voir classe-race-genre.

[Mun (Luna Biscaro)]

Dans la théo­rie ope­raïste, les moda­li­tés par les­quelles la main-d’œuvre est orga­ni­sée et stra­ti­fiée dans le lieu de tra­vail à tra­vers des pro­ces­sus de pro­duc­tion, des niveaux tech­no­lo­giques, des dif­fé­rences sala­riales, des chaînes de valeur, etc., consti­tuent la com­po­si­tion tech­nique de la classe, son côté objec­tif, pour ain­si dire. La com­po­si­tion poli­tique, cepen­dant, est déter­mi­née dans la mesure où les per­sonnes tra­vailleuses sur­montent (ou non) leurs divi­sions internes pour impo­ser leurs inté­rêts com­muns au capi­tal. C’est le côté « sub­jec­tif », consti­tué de formes de conscience, de lutte et d’organisation. Seth Wheeler et Jessica Thorne ont uti­le­ment pro­po­sé d’actualiser cette pers­pec­tive en y ajou­tant la com­po­si­tion sociale de la classe, c’est-à-dire les moda­li­tés selon les­quelles se déroule la repro­duc­tion des tra­vailleurs et des tra­vailleuses sur le ter­ri­toire, à tra­vers des struc­tures rési­den­tielles, rela­tions fami­liales, accès à l’État-providence, etc. Le côté objec­tif de la com­po­si­tion de classe arti­cule donc la com­po­si­tion tech­nique (rela­tive au lieu de tra­vail) et la com­po­si­tion sociale (rela­tive au territoire).

Il est ain­si pos­sible d’analyser com­ment la classe tra­vailleuse est seg­men­tée éga­le­ment en ce qui concerne la dégra­da­tion de l’environnement. Par exemple, les com­mu­nau­tés vivant à proxi­mi­té d’installations for­te­ment pol­luantes sont sou­vent com­po­sées majo­ri­tai­re­ment des couches les plus défa­vo­ri­sées de la classe tra­vailleuse, n’ayant pas néces­sai­re­ment un large accès aux emplois dans les usines. Pour ces per­sonnes, la tran­si­tion éco­lo­gique au niveau local se tra­dui­rait par une dimi­nu­tion des taux de can­cer et d’autres patho­lo­gies. Pour ceux qui sont direc­te­ment employés dans les entre­prises pol­luantes, la situa­tion est dif­fé­rente, même si elle n’est pas néces­sai­re­ment incon­ci­liable. Dans ce cas, la tran­si­tion éco­lo­gique par le haut repré­sente le risque de devoir accep­ter des emplois plus pré­caires et moins rémunérés.

« Défier et se poser contre la crise éco­lo­gique équi­vaut à bri­ser le chan­tage à l’emploi en créant une conver­gence entre les luttes dans les lieux de tra­vail et celles des territoires. »

Défier et se poser contre la crise éco­lo­gique équi­vaut donc à bri­ser le chan­tage à l’emploi en créant une conver­gence entre les luttes dans les lieux de tra­vail et celles des ter­ri­toires. Cette manœuvre n’est pas du tout auto­ma­tique, car la classe tra­vailleuse est frag­men­tée en confi­gu­ra­tions occu­pa­tion­nelles et rési­den­tielles très variées, un fait objec­tif qui ali­mente trop sou­vent les divi­sions entre le syn­di­ca­lisme, comme expres­sion d’intérêts liés aux lieux de tra­vail, et l’écologisme, comme expres­sion des inté­rêts ter­ri­to­riaux de la classe tra­vailleuse. Il s’agit plu­tôt de recom­po­ser ces seg­men­ta­tions au niveau poli­tique, en construi­sant des pla­te­formes reven­di­ca­tives visant à arti­cu­ler luttes dans les lieux de tra­vail et luttes territoriales.

La lutte des GKN et la transition écologique d’en bas 

La lutte du Collectif d’usine GKN est une étape cru­ciale dans la construc­tion d’une alter­na­tive à la tran­si­tion éco­lo­gique par le haut qui, ne remet­tant pas en ques­tion les fon­de­ments du sys­tème qui a pro­duit la crise, n’offre pas de véri­table rup­ture avec un sys­tème éco­lo­gi­que­ment insou­te­nable. Reprenant le fil rouge de l’écologisme ouvrier, le col­lec­tif a en effet démon­tré par la pra­tique mili­tante que la conver­gence entre lieux de tra­vail et ter­ri­toires autour des mots d’ordre de la jus­tice cli­ma­tique est une stra­té­gie viable. Ce nou­vel ima­gi­naire a pro­duit des mobi­li­sa­tions de masse effi­caces, capables de modi­fier des plans de restruc­tu­ra­tion qui ailleurs n’ont pas ren­con­tré de résis­tance inci­sive. Il s’agit d’un pro­ces­sus qui va au-delà du sort de l’usine elle-même, comme le démontre clai­re­ment la décla­ra­tion com­mune pro­non­cée avec Fridays for Future Italie qui a lan­cé les grandes mani­fes­ta­tions des 25 et 26 mars 2022 : « Une véri­table tran­si­tion cli­ma­tique, envi­ron­ne­men­tale et sociale ne peut pas se pas­ser de la capa­ci­té de la socié­té à se doter de formes de pla­ni­fi­ca­tion géné­rale et éco-durable. Et cette pla­ni­fi­ca­tion n’est pas géné­rée par le chan­tage, la hié­rar­chi­sa­tion des lieux de tra­vail, l’oppression et la répres­sion des ter­ri­toires comme cela se pro­duit depuis des années par exemple dans le Val de Suse, mais par l’éveil d’une démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive et reven­di­ca­tive10. »

[Mun (Luna Biscaro)]

Ces pro­pos iden­ti­fient la dimen­sion sys­té­mique du pro­blème. La mar­chan­di­sa­tion, en fait, est une ligne de frac­ture qui sépare la pro­duc­tion capi­ta­liste de la repro­duc­tion de la vie et subor­donne cette der­nière à la pre­mière. Le pro­fit dépend non seule­ment d’une crois­sance infi­nie mais aus­si de la capa­ci­té à pro­duire des biens et des ser­vices qui trou­ve­ront des ache­teurs. Cependant, la consom­ma­tion par le mar­ché est intrin­sè­que­ment indi­vi­dua­liste et court-ter­miste, tan­dis que la pla­ni­fi­ca­tion démo­cra­tique est col­lec­tive et poten­tiel­le­ment tour­née vers l’avenir. Le plan de conver­sion pro­po­sé par le Collectif d’usine GKN et son groupe de recherche soli­daire est exem­plaire de la manière dont ces hori­zons appa­rem­ment loin­tains peuvent trou­ver, même dans une conjonc­ture poli­tique actuelle par­ti­cu­liè­re­ment défa­vo­rable, des débou­chés concrets pour leurs reven­di­ca­tions : natio­na­li­sa­tion sous contrôle ouvrier pour la créa­tion d’un Pôle public de mobi­li­té durable.

Aux côtés de la dimen­sion qua­li­ta­tive de la démar­chan­di­sa­tion, la dimen­sion quan­ti­ta­tive rela­tive aux salaires et aux horaires de tra­vail est éga­le­ment néces­saire : « Nous deman­dons de réduire le temps de tra­vail avec un salaire égal afin que les quo­tas de tra­vail soient éga­le­ment redis­tri­bués entre l’ensemble de la popu­la­tion. Il est pos­sible de tra­vailler tous pour tra­vailler moins, et c’est un droit que chaque tra­vailleur, aujourd’hui ou demain, devrait reven­di­quer11. » En effet, les hausses des prix ali­men­taires et éner­gé­tiques, qui ont géné­ré au cours de l’année 2022 des mobi­li­sa­tions et des révoltes de masse dans de nom­breux pays (Pérou, Équateur, Panama, Sri Lanka, Sierra Leone, etc.), confirment qu’aucune tran­si­tion éco­lo­gique ne sera pos­sible sans redis­tri­bu­tion des richesses à l’échelle mondiale.

*

En guise de conclu­sion, voi­ci les élé­ments clés d’une tran­si­tion éco­lo­gique d’en bas : démar­chan­di­sa­tion de la pro­duc­tion, réduc­tion du temps de tra­vail, redis­tri­bu­tion des richesses. La conver­gence entre lieux de tra­vail et ter­ri­toires, dont la lutte des GKN est un exemple, sera un élé­ment déci­sif des larges mobi­li­sa­tions néces­saires pour bou­cler les fins de mois en allant au-delà de la fin du monde.


Article tra­duit de l’italien par ses auteurs | Postface au numé­ro spé­cial des Quaderni de la Fondation Giangiacomo Feltrinelli, « Un pia­no per il futu­ro del­la fab­bri­ca di Firenze. Dall’ex GKN alla Fabbrica social­mente inte­gra­ta », vol. 46, novembre 2023.
Photographie de ban­nière : Mun (Luna Biscaro)
Illustration de vignette : logo du Collectif d’usine GKN


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  1. Il consti­tue plus pré­ci­sé­ment la post­face du pre­mier pro­jet de conver­sion de l’établissement, le Plan pour un pôle public de mobi­li­té durable, éla­bo­ré par le Collectif d’usine GKN et son groupe de recherche soli­daire.[]
  2. Dans l’économie néo­clas­sique, l’externalité néga­tive est un dom­mage cau­sé par un agent éco­no­mique à des tiers sans qu’il doive payer un coût moné­taire pour cela [nda].[]
  3. Par jus­tice cli­ma­tique, on entend une inter­pré­ta­tion qui conçoit le réchauf­fe­ment cli­ma­tique comme une mani­fes­ta­tion des inéga­li­tés sociales au niveau pla­né­taire. Ces inéga­li­tés peuvent se mani­fes­ter sous deux formes : entre les Nords et les Suds (les pays qui ont le moins contri­bué à géné­rer le pro­blème subissent les consé­quences les plus néfastes) ; entre les classes sociales qui com­posent les com­mu­nau­tés poli­tiques au niveau natio­nal ou conti­nen­tal (la res­pon­sa­bi­li­té des inves­tis­se­ments dans les car­bu­rants n’incombe pas de la même manière à la popu­la­tion : les classes diri­geantes en ont plus, les couches popu­laires moins). À l’origine — à la fin des années —, la jus­tice cli­ma­tique met­tait for­te­ment l’accent sur la pre­mière forme. Toutefois, à par­tir de 2019, l’effort consiste à arti­cu­ler les deux formes dans une cri­tique à la fois géo­po­li­tique et sociale du « capi­ta­lisme fos­sile » [nda].[]
  4. Pour une dis­cus­sion du cas fran­çais, voir Denis Duclos, « Classe ouvrière et envi­ron­ne­ment », Sociologie du tra­vail, 1980/3, n° 22, p. 324-345.[]
  5. Voir le gra­phique pré­sen­té en intro­duc­tion.[]
  6. Par « tra­vailleurs cog­ni­tifs », on désigne les tra­vailleurs et tra­vailleuses intellectuel·les qui ont peu de contrôle sur leur pro­ces­sus de tra­vail, comme les relec­teurs ou les « entraî­neurs » d’IA. Les pro­fes­sion­nels ayant davan­tage d’autonomie dans leur tra­vail, comme les archi­tectes, seraient, eux, consi­dé­rés comme rele­vant de la classe moyenne [nda].[]
  7. Les tra­vailleurs para-auto­nomes ren­voient aux « dependent self-employ­ment » : les emplois qui sont for­mel­le­ment auto­nomes, donc non sala­riés, mais sub­stan­tiel­le­ment subor­don­nés à un patron, par exemple les chauf­feurs d’Uber [nda].[]
  8. Par exemple, la nour­ri­ture est néces­saire à la repro­duc­tion de la force de tra­vail. Cependant, tra­vailler dans une entre­prise agri­cole qui pro­duit pour le mar­ché est direc­te­ment pro­duc­tif alors que culti­ver pour l’autoconsommation, dans un contexte capi­ta­liste, est repro­duc­tif [nda].[]
  9. Dans cer­tains cas, un espace phy­sique repré­sente à la fois un lieu de tra­vail et un espace ter­ri­to­rial pour les mêmes per­sonnes. Par exemple, la mai­son est à la fois un élé­ment clé du ter­ri­toire et un lieu de tra­vail repro­duc­tif (et, dans le cas du tra­vail à dis­tance, éga­le­ment du tra­vail direc­te­ment pro­duc­tif). Dans d’autres cas, un cer­tain espace phy­sique consti­tue le lieu de tra­vail pour cer­tains et un élé­ment ter­ri­to­rial pour d’autres. Par exemple, un hôpi­tal est le lieu de tra­vail de ses sala­riés et un espace ter­ri­to­rial pour ses patients [nda].[]
  10. Collettivo di Fabbrica GKN et Fridays for Future Italia, 2022, « 25-26 : Una sola data ». Une explo­ra­tion plus appro­fon­die de la même prise de conscience se trouve dans la décla­ra­tion conjointe avec Fridays for Future qui appelle à une nou­velle date de conver­gence entre la grève cli­ma­tique du 23 sep­tembre et la mani­fes­ta­tion du 22 octobre 2022 à Bologne : « La séche­resse, la fonte de gla­ciers cen­te­naires, les vagues de cha­leur de plus en plus intenses sont la confir­ma­tion dra­ma­tique du chan­ge­ment pro­duit par le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Nous sommes dans une lutte constante pour bou­cler les fins de mois, contre le tra­vail pré­caire, la sous-trai­tance, la cher­té de la vie, pour un salaire digne. Mais la lutte pour bou­cler les fins de mois n’a aucun sens si la lutte contre la fin du monde n’est pas gagnée. Et il est impos­sible d’impliquer des couches crois­santes de la popu­la­tion dans la lutte contre la fin du monde, si cette lutte ne se charge pas du com­bat de ceux qui ne peuvent pas arri­ver jusqu’à la fin du mois. »[]
  11. Ibid.[]

REBONDS

☰ Lire les bonnes feuilles « Écologie ouvrière, éco­lo­gie popu­laire », Paul Guillibert, sep­tembre 2023
☰ Lire notre entre­tien avec Mickaël Correia : « Imaginer une forme d’autodéfense cli­ma­tique », sep­tembre 2023
☰ Lire les bonnes feuilles Marisa, révo­lu­tion­naire ita­lienne : « On avait des rêves, on savait où on vou­lait aller », juin 2023
☰ Lire notre entre­tien avec Renaud Bécot : « Au croi­se­ment des luttes envi­ron­ne­men­tales et sociales », février 2022
☰ Lire notre entre­tien avec Sylvaine Bulle et Alessandro Stella : « Construire l’autonomie », jan­vier 2022
☰ Lire les bonnes feuilles de L’Hypothèse auto­nome, Julien Allavena, sep­tembre 2020

Emanuele Leonardi

Professeur en sociologie à l'Université de Bologne et chercheur affilié au Centre d'Etudes Sociales de l'Université de Coimbra. Il s'intéresse à l'environnementalisme ouvrier, à l'écologie politique et aux mouvements sociaux pour la justice climatique. Sa recherche actuelle concerne le concept de transition juste comme espace inédit de l'action syndicale.

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Lorenzo Feltrin

Chercheur postdoctoral en sociologie chez l'Université Ca' Foscari de Venise et l'IHEID de Genève. Il s'intéresse au travail, à l'écologie politique et aux mouvements sociaux. Sa recherche actuelle concerne l'économie politique du phosphate et l'histoire des conflits sur le travail et l'écologie à Porto Marghera, Venise.

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