Texte paru dans le n° 9 de la revue papier Ballast (juin 2020)
C’est l’histoire d’une femme, née en Iran, qui vit en France et cherche comment définir, enfin, ce qu’est l’exil. Elle cherche un peu partout : dans les textes et les images. Après dix-sept années passées loin de la théocratie islamiste, elle décide de revenir, le temps d’un séjour, dans son pays natal. Elle part en quête de livres écrits dans sa langue maternelle — peut-être y trouvera-t-elle ce qu’elle cherche ? Cette femme, c’est Maryam Madjidi. L’autrice de Marx et la poupée, en 2017, et la candidate, deux ans plus tard, sur une liste du Parti communiste français. Elle nous a confié ce récit inédit.
J’ai cherché pendant longtemps une image de l’exil. Une image qui engloberait toutes les définitions de l’exil.
Une image de l’exilé. Un mot, un tableau, un vers, une photo qui viendrait rassembler tous les visages de ceux qui ont quitté un jour leur pays sans regarder derrière eux avec la culpabilité de celui qui laisse mourir en silence un malade sur son lit.
J’ai ouvert des livres pour ça : des romans écrits par d’autres, des recueils de poèmes, des contes.
J’ai regardé attentivement pendant des heures des films qui faisaient vivre ou revivre ceux qui ont dû abandonner la terre natale. J’ai aussi regardé des documentaires sur les réfugiés, les immigrés, les clandestins, les sans-papiers pour comprendre ce qui pouvait tous nous réunir. J’ai trouvé un jour ce vers de Rûmî, au commencement du Mesnevi : « Écoute la plainte de la flûte qui se sépare du roseau ». La séparation est à l’origine du chant. L’exilé séparé de son origine, de son pays peut se métamorphoser en chant comme le ney, cette flute iranienne, au son étouffé et plaintif.
Je cherchais encore.
Un jour, mon père, dans une humeur sombre et mélancolique, m’a raconté l’histoire de Diogène qui marchait dans les rues en plein soleil, une lanterne à la main. À ceux qui l’interrogeaient sur l’objet de sa quête ou de sa lubie, il répondait : « Je cherche l’Homme. » Je me suis reconnue en lui, dans ma quête non pas de l’Homme mais d’un homme en particulier, l’exilé.
Puis un jour, je suis tombée sur cette phrase de Derrida : « Les personnes déplacées, les exilés, les déportés, les expulsés, les déracinés, les nomades ont en commun deux soupirs, deux nostalgies : leurs morts et leur langue. »
J’ai immédiatement pensé à ma langue maternelle tapie, somnolente dans un coin de ma tête, attendant que je la réveille un jour. Une image est apparue furtivement sous mes yeux, celle du cimetière immense de Behesht-Zahra, situé dans la banlieue sud de Téhéran, et la tombe de mon arrière-grand-mère. Une simple stèle plantée verticalement sur le sol. C’est la seule tombe que j’ai visitée avec mes parents, j’avais 4 ans. Les autres morts de ma famille ont été enterrés quand j’étais en exil. Celle de ma grand-mère paternelle, morte quand je vivais à Pékin en 2011. J’avais appris sa mort par la voix de mon père au téléphone.
Le lendemain matin, je partais travailler et en ouvrant les rideaux j’ai vu le vol d’une vingtaine d’oiseaux à travers les brumes polluantes de Pékin. Les oiseaux étaient de petites taches blanches, comme de petits bouts de papier qui allaient et venaient dans le ciel d’un gris jaunâtre. Je me suis dit que c’était elle qui me saluait une dernière fois à travers ce vol d’oiseaux. Puis j’ai souri face à cette poésie bon marché que je m’inventais pour adoucir sa disparition, mais surtout pour calmer la douleur d’un deuil impossible parce que je n’avais pas pu lui dire au revoir. Il y a eu d’autres morts sans sépulture pour moi, celle de mon oncle maternel mort en 2009, celle de mon cousin mort en 2000.
Et il y en aura d’autres que je n’enterrerai pas non plus. Une phrase de Carlos Liscano m’est revenue en mémoire : « Je sens alors de nouveau que j’aimerais qu’il y ait un endroit, un lieu où seraient les restes de mes parents, où je pourrais aller leur dire : pardonnez ce retard, j’ai eu du mal à arriver jusqu’à vous, mais me voici. Je suis sorti de prison. » Et comme un collier que je fabriquais, un collier fait de paroles d’exil, j’ai enfilé une autre perle à la suite de Liscano, celle de Mahmoud Darwich : « Et mon père dit un jour : celui qui n’a pas de patrie, n’a pas de sépulture… »
Je crois que j’ai eu peur un jour que l’exil fasse de moi une coquille vide, un fantôme sans chair ni odeur, une marionnette remplie de chiffons. J’ai eu peur que mon corps soit nu, ma peau exposée aux yeux de tous quand je marche dans la rue, sans terre pour la recouvrir quand je serai morte. J’avais des angoisses d’exilée. Je ressemblais à Nasreddine Hodja dans ce conte où il cherche la clef de sa maison en pleine nuit dans la rue. Un voisin passe et lui demande ce qu’il cherche. Nasreddine lui répond qu’il cherche la clef de sa maison. Le voisin se met à chercher avec lui. Ils regardent partout, sous les pierres, sous les feuilles mortes, dans la poussière, mais en vain. Il n’y avait aucune trace de la clef.
- Dis-moi Nasreddine, es-tu sûr d’avoir perdu ta clef ici ?
- Non, je l’ai perdue dans la rue d’en face, là-bas.
- Mais alors pourquoi la cherches-tu ici ?
- Parce que là-bas, il fait sombre, alors qu’ici, il y a de la lumière.
*
Je devais sortir de cette absurdité qui me faisait chercher la clef de l’Iran en France. Il me fallait prendre mon courage à deux mains et m’aventurer là-bas, sur le trottoir d’en face, là où il faisait sombre. Il me fallait trouver un moyen d’approcher l’Iran. Me rapprocher d’elle. J’ai tâtonné, j’ai fouillé, mais où trouver cette clef qui ouvrirait la porte de l’Iran ? Et je n’avais aucune idée de ce qu’il pouvait y avoir derrière la porte.
Je suis allée chercher la clef dans mon refuge : la littérature. Cette vieille maison hantée de mille fantômes. J’avais alors 23 ans et je devais trouver un sujet de recherche pour un mémoire de maîtrise en littérature comparée. J’ai choisi Sadegh Hedayat et son roman La Chouette aveugle, traduit par Roger Lescot. Et la première difficulté à laquelle j’ai été confrontée fut l’impossibilité de trouver en France ses romans en persan. Tout mon travail de recherche était empêché, je ne pouvais me contenter de traductions françaises. Je devais retourner en Iran pour cela. À Téhéran, je trouverai ses livres dans la langue originale. La clef de la littérature venait d’ouvrir la porte de la terre natale. Après dix-sept ans d’absence, j’allais remettre les pieds dans ce pays que j’avais fui à l’âge de six ans avec ma mère. Je n’avais pas peur. J’avais une clef et une lanterne dans les mains, elles me guideraient dans ce retour aux origines.
*
Téhéran – 2003
- Où est-ce que je vous emmène ?
- Je vais devant l’université de Téhéran, là où il y a toutes les librairies.
- Très bien. Vous êtes étudiante ?
- Oui, mais je vis à Paris. Je travaille sur un auteur iranien, j’ai besoin de ses livres en persan.
- Qui est cet auteur ?
- C’est Sadegh Hedayat.
Le chauffeur de taxi explose de rire.
- Qu’est-ce qui vous fait rire ?
- Vous ne trouverez jamais ses livres dans les librairies officielles. Vous devez le savoir, non ? C’est un écrivain banni, un dissident.
- Oui, ça je le sais mais on m’a dit que je pouvais trouver ses romans devant l’université.
- Oui, mais « devant l’université » ne veut pas dire dans les librairies officielles.
- Je ne comprends pas. Si c’est pas dans les librairies, alors où est-ce qu’on peut acheter ses livres ?
- Je vous dirai ça quand on sera arrivés.
Je ne dis plus rien. Tout cela me semble bien mystérieux. Je me sens idiote. Les codes du pays censé être ma « patrie » m’échappent totalement depuis le début de ce séjour, et personne ne rate une occasion de se moquer de moi. J’étais venue ici pour m’envelopper dans mes habits rassurants d’Iranienne et je m’aperçois que ces vêtements ne me vont pas, ils sont trop étroits ou trop amples.
Le taxi m’emporte et je regarde à travers la vitre le spectacle de la rue à Téhéran, les jeunes filles aux foulards colorés et aux lunettes de soleil extra-larges remontées sur le haut de la tête. Leur maquillage me surprend à chaque fois : outrancier, provocant, d’une générosité aguichante. Elles portent très haut des queues de cheval, de larges chignons ou des franges laquées à la perfection sous leur foulard, et cette chevelure qu’il faut cacher devient mille fois plus attirante car tout est suggéré. Certaines sont vêtues de leggings et de tuniques très moulantes, d’autres frôlent le tchador noir, long et ample. Celles-là sont des colibris et celles-ci des corbeaux.
Soudain, je me relève d’un coup de la banquette arrière du taxi : je viens de voir un homme vêtu d’une tunique et d’un pantalon blancs, pieds nus, un bâton à la main, marchant d’un pas tranquille parmi la foule pressée. Il porte une longue barbe blanche. C’est une apparition quasi-divine.
Je demande au chauffeur de taxi s’il l’a vu. Il n’a pas l’air étonné. Il me dit d’un air presque blasé que c’est un derviche. Un derviche ! Rien que ça ! Je suis aux anges, je viens de voir un vrai derviche. Il semble tout droit sorti d’un conte soufi. Le chauffeur sourit face à mon émerveillement, qu’il doit probablement qualifier de naïf, d’une naïveté somme toute touristique. Nous sommes bloqués dans un embouteillage sur l’avenue Vali Ye Asr (qui veut dire « Le Maître du Temps », en référence au Douzième Imam, l’Imam caché). La plus longue avenue du Moyen-Orient s’appelait avant la révolution l’avenue Pahlavi et auparavant l’avenue Mossadegh. Toute l’histoire des cinquante dernières années de l’Iran inscrite dans les changements de nom de cette avenue.
J’étouffe sous ce manteau et ce foulard qui me colle aux cheveux. Je vois des motos qui nous dépassent et se faufilent entre les voitures. Les tenues vestimentaires des motards sont tout aussi déconcertantes de paradoxe que celles des femmes. Les jeunes aux cheveux plaqués de gel et portant des t‑shirts moulants de marque Diesel côtoient des mollahs avec de gros turbans, ceux que Hedayat appelait « les têtes de choux », leur femme assise derrière. L’odeur du gasoil et des gaz d’échappement me piquent le nez et les yeux.
*
Nous arrivons devant l’université.
Le chauffeur s’arrête. Il se tourne vers moi.
- Vous voyez les mecs qui se tiennent debout devant une petite nappe étalée à leurs pieds dans la rue ? Vous allez en voir un et vous lui demandez les romans que vous voulez.
- Mais vous êtes sûr qu’ils vendent du Hedayat ?
- Oui, certain.
- Mais je ne vois rien qui pourrait ressembler à ses romans sur leur nappe.
- Faites-moi confiance.
Je règle la course et me dirige vers l’un de ces vendeurs. On dirait les vendeurs au noir du marché aux puces de Montreuil. Je jette un coup d’œil à leur nappe crasseuse étendue par terre. Toute cette histoire est ridicule, ils vendent des livres de recettes de cuisine et des guides touristiques. Le chauffeur de taxi s’est bien moqué de moi. Qu’est-ce que je fais ? Il avait pourtant l’air sincère. Je tente et on verra bien.
Je m’approche d’un vendeur. Il est maigrichon et porte une barbe de quelques jours. Sa chemise est d’un beige douteux. J’avance un peu plus et je lui demande d’une voix timide : « Vous vendez les livres de Hedayat ? » Il regarde autour de lui et avance sa tête vers mon épaule et dit tout bas : « Tu veux quoi de Hedayat ? » Je remarque qu’il lui manque une dent, une incisive. Je l’imite en baissant la voix d’un ton et je lui glisse presque à l’oreille : La Chouette aveugle, Enterré vivant, Madame Alavieh, Trois gouttes de sang et L’Homme qui tua son désir.
- Ok, bouge pas d’ici, je reviens dans vingt minutes.
Et le petit vendeur maigrichon de disparaître dans une ruelle.
Je n’en reviens pas. J’ai l’impression d’acheter de la drogue. J’attends. Je regarde autour de moi, tout a l’air normal. Mais d’où sort ce type et où est-il parti ? Il y a plein de vendeurs comme lui dans cette rue, devant les librairies officielles aux vitres parfaitement astiquées et aux enseignes lumineuses. Et si c’était un mec du régime parti me dénoncer ? Non, je chasse cette pensée. Je ne risquerais pas grand-chose. On ne va tout de même pas me mettre en prison pour quelques livres interdits. Enfin je crois. Plus j’attends et moins je suis rassurée. J’allume une cigarette. Un homme me dévisage d’un air à la fois méprisant et lubrique. Qu’est-ce qu’il a à me regarder comme ça ? Une phrase de mon oncle me revient en tête : les femmes ne fument pas dans la rue en Iran, sauf les prostituées. C’est pour ça qu’il me regarde mal, l’autre abruti là-bas. Je m’en fiche, je finis ma cigarette, il n’a qu’à me prendre pour une pute, c’est tout à mon honneur. Le vendeur n’est toujours pas là. Et si je partais ? Il vaut mieux peut-être partir, fuir, sauter dans un taxi, éviter la prison et les coups de fouet. Mais est-ce que je risquerais la prison pour si peu ? ça me paraîtrait dingue. J’aperçois mon vendeur. Je respire. Il a un paquet sous le bras. Il me le tend. Il me dit que ce sont les livres que j’ai demandés. Il les a enroulés dans du papier journal pour cacher les titres. C’est une mesure de précaution. Oui, mais comment être sûre qu’il n’est pas en train de m’arnaquer ?
- Je dois ouvrir pour voir si c’est bien ce que je recherche.
- Alors dépêche-toi, vas‑y regarde.
Je déchire un bout du papier journal, et je lis dans mon persan bancal deux ou trois titres des livres de Hedayat.
Je lui donne l’argent et monte dans un taxi.
Je m’enfonce dans la banquette arrière et, en faisant bien attention à ce que le chauffeur ne me voie pas, j’ouvre le papier journal. Je fais ça délicatement, comme si j’avais un paquet d’héroïne sur les genoux, ou une bombe, une arme, je ne sais quoi de dangereux et de répréhensible que je devrais garder à tout prix secret. J’ai le sentiment de transgresser un interdit, et c’est complètement grisant parce qu’il s’agit de romans, de livres, de littérature, de mots alignés les uns à la suite des autres, d’histoires fictives, imaginées, racontées par mon romancier plus de cinquante ans auparavant… Les romans sont imprimés à l’arrache. Il y a des taches d’encre, certains paragraphes penchent sur le côté, le papier est de basse qualité, la reliure est faite avec de la ficelle. Je les feuillette, j’ai l’impression d’avoir dans les mains un trésor.
J’ouvre son chef‑d’œuvre, La Chouette aveugle, écrit en 1936, et je trouve un bout de papier que quelqu’un a glissé dedans, comme marque-page peut-être. Je déplie le papier et je vois un long poème écrit en persan. J’ai du mal à le lire. Je demanderai à quelqu’un en rentrant à la maison. Le taxi s’arrête devant l’appartement de mon oncle. Il est assis dans la cuisine en train de fumer et de boire du thé.
- Tu peux me lire ça ?
« Dans cette impasse
On renifle ta bouche
Pour savoir si tu as dit « je t’aime »
On renifle ton cœur
Drôle de temps, ami
Et à côté du garde-fou
On fouette l’amour
Il faut cacher l’amour dans l’arrière-chambre
de la maison
Dans cette impasse tortueuse du froid
Pour alimenter le feu
On brûle des chants et poésies
Ne te risque pas à penser
Drôle de temps, ami
Celui qui au crépuscule cogne à la porte
Est venu pour assassiner la lampe
Il faut cacher la lumière dans l’arrière-chambre
de la maison
Voici que les bouchers
Se postent aux carrefours
Billots et haches ensanglantés à la main
Drôle de temps, ami
Et on mutile le sourire sur les lèvres
Et la chanson dans la gorge
Il faut cacher l’enthousiasme dans l’arrière-chambre
de la maison
On fait griller les canaris
Sur un feu de lys et de jasmin
Drôle de temps, ami
Le diable ivre de victoire
Fait ripaille à notre banquet de deuil
Il faut cacher Dieu dans l’arrière-chambre
de la maison »
Mon oncle fixe le poème et me dit sans lever les yeux : « C’est un poème d’Ahmad Shamlou, il l’a écrit quelques mois après la révolution. »
Ahmad Shamlou a écrit ce poème en juillet 1979.
Quarante ans après, en novembre 2019, une vague de manifestations a eu lieu dans une centaine de villes iraniennes suite à la hausse du prix du carburant. Voici quelques chiffres qui donneront une idée du niveau de vie de la population iranienne et qui expliqueront pourquoi cette hausse du carburant a enflammé la colère des Iraniens : 1 kilo de viande coûte environ 16 euros à Téhéran, 1 kilo d’oranges dépasse 1 euro, 1 kilo de fromage avoisine les 4 euros, 1 kilo de riz est à plus de 3 euros. Les fruits et légumes sont de plus en plus importés de l’étranger à des prix exorbitants, à cause d’une désertification importante, et d’ici vingt à trente ans, le pays pourrait perdre 70 % de ses terres cultivées. Le salaire minimum est de 90 euros et le salaire d’un enseignant de 130 euros par mois. Le prix du loyer à Téhéran va de 70 à 200 euros. Le taux d’inflation a dépassé les 50 % et le taux de chômage grimpe à plus de 20 %.
Ces manifestations ont été réprimées dans le sang avec une violence inouïe. Le nombre des morts est de 200 à 1 500 selon les différents médias, et on parle de plus de 7 000 arrestations et emprisonnements. Aucun chiffre officiel n’a été communiqué par la République islamique d’Iran, le gouvernement a totalement étouffé cette répression en coupant durant plus de dix jours l’accès à Internet. Le pays a été plongé dans un huis clos terrifiant et étouffant. Rien ne devait sortir du pays : ni les hommes, ni les femmes, ni les cris, ni les informations. C’est comme si une couverture épaisse avait été tirée sur le pays tout entier pour que ce massacre puisse se faire dans la plus grande impunité et le plus grand silence.
C’est ainsi que procède désormais le régime iranien. Le message est clair. Toute manifestation finira en bain de sang.
L’Histoire se répète et le poème de Shamlou est d’une brûlante actualité quarante ans après.
La communauté internationale a demandé des comptes à l’Iran pour qu’une enquête soit menée afin d’éclaircir le nombre des victimes et des blessés, mais l’assassinat du général Soleimani le 3 janvier 2020 a complètement balayé ces manifestations et leur répression barbare, et orienté les regards et les médias vers la scène internationale sur laquelle s’agitent les États-Unis et le Moyen-Orient depuis un demi-siècle.
À qui profite cet assassinat ?
Le peuple iranien a une fois de plus vu ses aspirations à la liberté, à la justice sociale, à la dignité s’effondrer, et comme toujours c’est lui qui devra en payer cher les conséquences.
*
Drôle de temps, ami, l’histoire se répète et ce peuple qui levait le poing en 1979, qui le lève encore aujourd’hui, est toujours sous le joug des puissances étrangères et de son propre gouvernement : pris au piège des jeux diplomatiques, on l’asphyxie aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur.
Cette double humiliation est peut-être l’image la plus juste de l’exilé, que je cherche depuis des années : humilié par son propre pays, humilié par le pays d’accueil, il erre une lanterne à la main à la recherche d’une goutte d’humanité.
Paris, le 10 janvier 2020
Illustration de bannière : Carlo Zinelli
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