Gilets jaunes : carnet d’un soulèvement


Texte inédit pour le site de Ballast

Trois semaines de mobi­li­sa­tions, par­tout en France ; quatre morts, plus de 1 600 arres­ta­tions ; un seul mot d’ordre : « Macron démis­sion ! » Nous nous sommes ren­dus dans le Loiret, les Yvelines, la Mayenne et la capi­tale ; nous avons obser­vé, écou­té, noté, pris part. Le pays tout entier navigue à vue — nous com­pris. Une « guerre civile » se fait jour, va jusqu’à titrer la presse ; rec­ti­fions : « Vous par­lez ensuite de guerre civile… Comme si nous ne l’avions pas ! Comme si la guerre des riches contre les pauvres n’était point la plus cruelle des guerres civiles ! » Gracchus Babeuf, 17 bru­maire, an IV de la République.


1

Samedi 17 novembre 2018. Notre rédac­tion, épar­pillée qu’elle est de part et d’autre de la France et de la Belgique, se rend sur quatre sites de blo­cages. Une petite com­mune du Loiret, en pleine région agri­cole : le super­mar­ché est vide, le par­king tout autant ; les rues, d’ordinaire désertes, voient les habi­tants se par­ler, échan­ger ; les gilets jaunes se jus­ti­fient, s’excusant presque (ils ne sont pas « méchants », ils ne vivent sim­ple­ment « pas dans le même monde que Macron ») ; cer­tains bous­culent des véhi­cules ; aucun mot d’ordre d’extrême droite. Une com­mune des Yvelines, voi­sine de Mantes-la-Jolie : les plaques d’immatriculation pari­siennes sont moquées ; les ban­de­roles visent expli­ci­te­ment le pou­voir macro­nien ; la pres­sion est forte à l’endroit de qui n’enfile pas son gilet ; la fis­ca­li­té — ou l’euro — hante nombre d’échanges, libé­raux ou sociaux ; nulle trace de racisme dans les dis­cours et les écrits. Une com­mune de la Mayenne : les voi­tures sta­tion­nées dans le centre-ville affichent leur soli­da­ri­té en nombre, gilets pliés en évi­dence sur le tableau de bord ; les bars n’en finissent pas de com­men­ter l’affaire ; des hommes et des femmes de tous âges, tra­vailleurs modestes ou sans emploi, filtrent la cir­cu­la­tion sur l’un des ronds-points ; Macron est appe­lé à démis­sion­ner ; un conduc­teur arabe est vio­lem­ment inju­rié, visages vrillés par la haine — « Rentre chez toi, bou­gnoule ! » ; nous fichons le camp en même temps que lui, écœu­rés. Paris, enfin : une majo­ri­té d’habitants des quar­tiers popu­laires ; « Macron nous encule » ; aucune décla­ra­tion nationaliste.

« Pour qu’il les écoute enfin. Pour qu’il voie débou­ler le peuple, les chô­meurs, les inté­ri­maires et les agents de propreté. »

Les études recou­pe­ront nos modestes obser­va­tions : l’extrême diver­si­té de la mobi­li­sa­tion est patente, son ancrage popu­laire indis­cu­table, ses spé­ci­fi­ci­tés géo­gra­phiques fla­grantes. De l’embarras, donc, mais éga­le­ment l’intuition que ce mou­ve­ment, combien spon­ta­né et infor­mel, n’est pas réduc­tible au seul por­trait bros­sé, à l’unisson comme à grands cris, par le régime en place et l’extrême gauche aux gants blancs : pouilleux, tas de fachos, pro­vin­ciaux incultes.

2

Samedi 24 novembre. Nous venons d’arriver à Paris ; huit gilets jaunes s’engouffrent dans la rame d’un métro bon­dé. Allure, accent : ils ne sont pas de la capi­tale — « On vient tous de Normandie », confirment-ils. Ils n’ont pas 30 ans et mani­festent sur les ronds-points de leurs com­munes ; ils ont pris le train régio­nal pour venir « chez Macron ». Pour qu’il les écoute enfin. Pour qu’il voie débou­ler le peuple, les chô­meurs, les inté­ri­maires et les agents de pro­pre­té. Les huit parlent fort et en même temps, vidant sac et cœur. « C’est que nous qui trin­quons à cause des riches », fait l’un d’eux. Petits salaires, bou­lot, ave­nir des gamins, coût de la voi­ture, ils égrènent la liste com­mune de leurs tra­cas quo­ti­diens. Un gilet jaune pari­sien se joint à la dis­cus­sion — on décèle à son phra­sé, pré­cis, le mili­tant FI ou PCF. L’échange dévie sur Carlos Ghosn et les grandes for­tunes. Un pas­sa­ger, sans gilet, inter­vient à son tour et dénonce le CICE. Une jeune femme du groupe nor­mand, queue de che­val blonde et col en four­rure syn­thé­tique, demande « où il faut des­cendre » : les huit ne connaissent pas Paris, ou si peu.

[Stéphane Burlot | Ballast]

Nous sor­tons ensemble et mar­chons en direc­tion de l’avenue des Champs-Élysées : la fumée dans le ciel fait office de bous­sole. Il est un peu plus de 14 heures. Des affron­te­ments ont déjà eu lieu — « C’est Mai 68 », a-t-on même lu ici et là. Un motard, pas­sant à notre hau­teur, traite les gilets jaunes de « clo­chards ». Mais la majo­ri­té des mar­cheurs ou des conduc­teurs qui les apos­trophent se montrent enthou­siastes : V de la vic­toire, klaxons, poings levés. Les gilets jaunes rient, répondent, à la fois fiers et sur­pris. C’est là « la peste brune », com­men­te­ra le ministre des Comptes publics. À l’approche des Champs, des palis­sades de chan­tier en acier pro­fi­lé tapissent le sol pavé. Des mani­fes­tants, rebrous­sant che­min, leur sou­haitent « bon cou­rage ». L’Arc de Triomphe dresse, impé­rial, ses 50 mètres ; un héli­co­ptère sur­vole la zone. « Faudrait les éboueurs et les trac­teurs avec nous contre les CRS », fait remar­quer l’un des huit, natif de L’Aigle.

« Faudrait les éboueurs et les trac­teurs avec nous contre les CRS », fait remar­quer l’un des huit, natif de L’Aigle. »

Les pre­miers slo­gans résonnent : « Paris, debout, sou­lève-toi ! », « Tous ensemble, tous ensemble ! ». Une épaisse fumée sombre s’élève de la voie, toute de jaune paille­tée, que nous des­cen­dons à pré­sent. Au dos de son gilet de sécu­ri­té, un retrai­té sar­thois a ins­crit : « Macron ont arrive » (l’accord est de lui). Les seuls dra­peaux que l’on croise sont bre­tons et tri­co­lores. Des jeunes, des moins jeunes, des anciens, mais majo­ri­tai­re­ment des hommes. Une pre­mière bar­ri­cade entrave « la plus belle ave­nue du monde », longue de presque deux mille mètres. Les Normands dis­pa­raissent dans la foule et la fumée. « Pour l’avenir des enfants / liberté et éga­li­té », lit-on en lettres majus­cules sur le dos d’un homme que nous dépas­sons ; « Pour les riches des couilles en or / pour les pauvres des nouilles encore », sur un autre. On entend les déto­na­tions des tirs de gre­nades lacry­mo­gènes. On assiste au sin­gu­lier spec­tacle des langues qui se délient et, incon­nues mais unies sous ce drôle d’étendard criard, brisent, le temps d’une jour­née, la désaf­fec­tion ordi­naire. Une autre bar­ri­cade, plus bas : des chaises, prises à la ter­rasse de la bou­lan­ge­rie Paul, flambent par­mi des meubles calcinés.

Un gilet jaune, che­veux gris ras sur les tempes, tient haut une pan­carte mar­xiste hos­tile au patro­nat. Nous mar­chons sur des pavés arra­chés. Une car­casse de véhi­cule crame. « On va faire un bar­be­cue », lance un homme en sou­riant ; un autre, vêtu de l’orange des gilets de l’entreprise de trans­port TNT (« 56 000 col­la­bo­ra­teurs, 1 mil­lion de livrai­sons par jou»), prend une pho­to, hilare. Un feu de signa­li­sa­tion arra­ché est traî­né par trois hommes capu­chon­nés ; un gilet jaune déplace une trot­ti­nette pour la jeter sur la pro­chaine bar­ri­cade ; des petits groupes vont et viennent afin de ren­for­cer cette der­nière au moyen de palis­sades de chan­tier. « Macron arrête de bai­ser ton peuple / SMIC à 1500 € net », lit-on encore ; « Mr Macron / va cher­cher le pognon là où il est / che[z]… les très très riches », lit-on sans cesse. Des grilles d’arbres en fonte et des bacs à fleurs, déro­bés aux com­merces, s’entassent. « Abolition du sys­tème », clame une ban­de­role. Un homme agite une affi­chette — ceux qui ne sont « rien » contre « le som­met » — et arbore un slo­gan du rap­peur Médine, dou­blé d’une cita­tion de Sankara. Un départ de flammes rou­git l’une des bar­ri­cades, qu’un mani­fes­tant gra­vit pour mieux bran­dir un fumi­gène de la cou­leur du gilet qu’il arbore. L’image — sai­sis­sante — est sitôt immor­ta­li­sée par une flo­pée de photographes.

[Stéphane Burlot | Ballast]

Une remorque flambe non loin du Monoprix. La foule se fait plus com­pacte à mesure que l’on s’approche du cor­don de CRS ou de gardes mobiles qui coupe l’avenue en deux. Détonations, cris, ruées : les lacry­mo­gènes arrosent les mani­fes­tants. Nous ne voyons plus rien. Des gens crachent et toussent. Un pas­sant tend du sérum à l’un de nous et repart aus­si vite qu’il était venu à sa ren­contre — nous avons déjà oublié son visage. La foule se reforme le gaz une fois dis­si­pé et n’a plus qu’un objec­tif : faire recu­ler les forces de l’ordre. « Macron démis­sion ! » est désor­mais l’unique mot d’ordre, le nom mau­dit, haï, vomi, l’agent cata­ly­seur de toutes les amer­tumes et les colères. Macron n’est rien d’autre, en ces jours, que la per­son­ni­fi­ca­tion de l’oligarchie, la chair et l’os d’une socié­té bâtie sur les pri­vi­lèges. Un nom, un seul, six lettres, réduc­trices pour sûr, mais à por­tée de main.

« Macron démis­sion !  est désor­mais l’unique mot d’ordre, le nom mau­dit, haï, vomi, l’agent cata­ly­seur de toutes les amer­tumes et les colères. »

Les pavés et les pro­jec­tiles filent en direc­tion des agents de l’État ; les lacry­mo­gènes s’écrasent au sol et pro­voquent d’incessants mou­ve­ments de foule. Le temps passe ain­si, mètre gagné, mètre per­du. S’effondre sous nos yeux le trop pré­vi­sible nar­ra­tif média­tique des « cas­seurs en mino­ri­té » et des « mani­fes­tants paci­fiques » : c’est un même corps qui s’ébroue, avance et flé­chit, entre­prend et se dérobe, un corps com­po­site, fou­traque, sans avant-gardes ni sui­veurs, un corps tenu par une seule chose, la cou­leur pri­maire qu’il a jugé bon d’élire, loin des par­tis et des syn­di­cats. Un corps por­té par ce qu’Hugo, dans l’une des pages des Misérables, nom­ma ce « souffle qui passe », celui de l’émeute, cette force faite « de rien et de tout », « d’une flamme subi­te­ment jaillie, d’une force qui erre », ce souffle qui « ren­contre des têtes qui pensent, des cer­veaux qui rêvent, des âmes qui souffrent, des pas­sions qui brûlent, des misères qui hurlent, et les emporte. » Où ? « Au hasard. » Et une voix de ton­ner, der­rière nous : « On ne recule pas ! »

Un homme, chauve, a le front en sang, ouvert à deux endroits : matraque et impact de Flash-Ball. Il porte un gilet fluo­res­cent et vient de Moselle. Pourquoi s’être dépla­cé ? « Pour ma mère qui est retrai­tée avec 800 euros par mois. L’Élysée achète de la vais­selle à 600 000 euros1 et les pauvres ont rien. » Il nous dit n’être, lui, pas dans le besoin. Mais il est « soli­daire ». Un jeune homme domi­ci­lié dans les Vosges nous raconte avoir pris le train jusqu’ici avec l’espoir de voir le gou­ver­ne­ment chan­ger de poli­tique, une poli­tique « que pour ceux qui ont de la thune ». Il n’y a d’ailleurs qu’à tendre l’oreille pour l’entendre aux quatre coins des Champs, cette his­toire de vais­selle : l’anecdote n’en est plus une dès lors qu’elle s’impose comme un sym­bole, sinon un levier de combat.

[Cyrille Choupas | Ballast]

Les forces de l’ordre reculent. Clameur et joie des émeu­tiers. « Faut qu’on les prenne en sand­wich de l’autre côté », lance un gilet jaune. Une vic­toire de trop courte durée : le canon à eau pul­vé­rise déjà les pre­mières lignes. Une femme glisse sur le sol, un homme court l’aider. Nous sommes à moi­tié trem­pés et le refrain de La Marseillaise s’oppose, à pleins pou­mons, aux forces de l’ordre. « Aux armes citoyens / Formez vos bataillons ! » Quelques mani­fes­tants mettent les mains en l’air pour ten­ter d’abaisser la ten­sion dans le vacarme le plus total. Un car­ré de mani­fes­tants scande « CRS, avec nous ! » ; trois mètres der­rière, un autre clame « CRS, assas­sins ! ». Mais voi­là qu’« ils chargent », entend-on, et c’est la déban­dade. La foule se dis­loque et nous nous enga­geons dans la rue Marbeuf, perpendiculaire.

« Le bles­sé, en état de choc, lève sa main en vue d’enrayer l’hémorragie — elle est en char­pie. Une archive de la répres­sion gouvernementale. »

Deux hommes nous racontent être venus de ban­lieue : l’un est blanc, l’autre arabe. Venus « pour les gens, les voi­sins, les anciens, pour le peuple ». Venus contre « la hogra », pré­cise le second : le mépris du pou­voir, l’injustice. Le pre­mier entend bien refaire Mai 68 mais vote pour « Marine », « dia­bo­li­sée » qu’elle est par « les médias » : on devine chez lui une for­ma­tion poli­tique des plus approxi­ma­tives et confuses, grap­pillée ici et là sur Internet. D’ailleurs, il aime bien « des choses que dit Mélenchon » mais ne peut le suivre, franc-maçon qu’il est. Nous gagnons l’avenue Montaigne. La façade de la bou­tique Dior, fleu­rie pour les fêtes de Noël, brille de toutes ses grandes lettres dorées. Nombre de gilets jaunes occupent l’intersection — tout n’est qu’improvisation. Un homme blanc, che­veux longs atta­chés et gilet jaune, pisse le sang assis sur la route. Matraqué. Deux femmes lui appliquent un ban­dage. 10 minutes plus tard, il est pris en charge par des pom­piers, accla­més. Une femme se réchauffe près d’un petit feu allu­mé entre les tôles d’une bar­ri­cade dres­sée à quelques mètres de l’enseigne de luxe — jean, large écharpe, pans fluo­res­cents de sa cha­suble dépas­sant d’un blou­son, la cin­quan­taine, noire. Elle sou­rit, éton­nam­ment sereine.

L’un de nos pho­to­graphes vient de voir un jeune homme — un appren­ti de 21 ans, appren­dra-t-on plus tard —, la main à moi­tié arra­chée par une gre­nade : GLI-F4, 25 grammes de TNT. Sa mère se tenait à ses côtés ; elle nous deman­de­ra de dif­fu­ser un appel à témoins et racon­te­ra à la presse être venue pour « la démo­cra­tie », pour « repré­sen­ter ces gens qui ne sont pas repré­sen­tés, les gens invi­sibles ». Le cama­rade nous montre le cli­ché qu’il a pris : le bles­sé, en état de choc, lève sa main en vue d’enrayer l’hémorragie — elle est en char­pie. Une archive de la répres­sion gouvernementale.

[Cyrille Choupas | Ballast]

Nous avan­çons vers le rond-point des Champs-Élysées. Une voi­ture est car­bo­ni­sée. Deux gilets jaunes, la soixan­taine débon­naire, singent le Bourvil du Corniaud : « Elle va mar­cher beau­coup moins bien ! » Un homme ramasse un pavé, qu’il emporte « en sou­ve­nir de Paris et de notre révo­lu­tion » ; une pas­sante, petite dame aux che­veux cen­drés, pouffe puis lui conseille de « bien le cacher » en cas de contrôle poli­cier. Quatre ou cinq four­gons de gen­dar­me­rie sont à l’arrêt. Le jour s’en va cou­chant sur l’avenue toute entra­vée de bar­ri­cades. Nous la remon­tons vers l’Arc de Triomphe, au loin voi­lé par la brume des gaz et des feux. « Qui sème la misère récolte la colère », indique une pan­carte plan­tée sur un amas de fer­raille, ornée d’un poing ser­ré. Une nacelle élé­va­trice est sta­tion­née en plein milieu de l’avenue, contre une bar­ri­cade pour par­tie enflam­mée — quatre hommes attisent le foyer, forts des mor­ceaux de bois par­tout déni­chés. Une cin­quan­taine de mani­fes­tants, pour l’essentiel vêtus de jaune, se tiennent autour. Nous deman­dons à l’un d’entre eux d’où sort cette machine de chan­tier : « Elle était là-bas, un mec l’a mise en route et l’a rame­née pour la bar­ri­cade. » La nacelle s’élève pour la seule joie du geste ; un héli­co­ptère forme un point dans le ciel presque éteint.

« Ce gilet, il le porte pour dénon­cer les poli­tiques impé­ria­listes menées en Afrique sub­sa­ha­rienne et le pillage des matières pre­mières de son pays. »

Le store d’une bou­tique a été tagué — « Aux armes » —, ain­si qu’un bac à fleurs — « ACAB2 ». Quelques mètres plus avant, « Macron dégage », « Macron voleur » et « Beau comme une insur­rec­tion impure » sur les façades en pierre. On repère dans cette der­nière ins­crip­tion la patte auto­no­miste. Les émeu­tiers conti­nuent de ren­for­cer les bar­ri­cades ; les guir­landes rouges illu­minent les arbres secs. Une bouche à incen­die, ouverte, crache sans dis­con­ti­nuer un gey­ser d’eau de plu­sieurs mètres : nous patau­geons. « Macron démis­sion / Stop le car­nage / Le Peuple décide / pas toi », affiche un gilet ; « Ambulancier en colère / Stop taxes », un autre. Nous deman­dons à une femme, seule, les rai­sons de sa pré­sence ; elle répond tout de go : « Pour le loyer, pour les fac­tures EDF» Mère de famille ordi­naire, elle ne s’intéresse pas à « la poli­tique ». Un homme coif­fé de dreads porte un gilet dont nous igno­rons le sens du sigle des­sus impri­mé ; il rit : il n’en sait rien non plus, c’est le seul qu’il a dégo­té pour manifester.

Quelque six heures plus tard, nous nous retrou­vons, avec deux cama­rades de la rédac­tion, l’un anar­chiste et l’autre mili­tant à la France insou­mise, dans l’un des rares cafés encore ouverts — deux gilets jaunes boivent une bière en ter­rasse. Sommaire état des lieux : qu’en est-il de la pré­sence visible de l’extrême droite, dans cet air irres­pi­rable où l’on ignore encore qui du rouge ou du brun pour­rait l’emporter ? Un dra­peau roya­liste repé­ré en début d’après-midi — rapi­de­ment dis­pa­ru… — et, pour l’ensemble d’entre nous, deux gilets Civitas iden­ti­fiés. Rien vu d’autre : slo­gans, pan­cartes, ins­crip­tions fas­cistes hos­tiles aux migrants ou à l’islam ? Rien. « Juste une femme de Moselle, la soixan­taine, qui m’a dit qu’il fal­lait fer­mer les fron­tières. Elle était gênée. Elle n’a pas vou­lu me filer son pré­nom », se sou­vient un cama­rade. Des mani­fes­tants arrivent sou­dain en cou­rant. Détonations de gre­nades lacry­mo­gènes. « Tirez-vous de là, les flics arrivent », lance l’un d’eux. Nous par­tons en direc­tion de l’avenue Georges V. Brève escar­mouche entre forces de l’ordre et pos­sibles anar­chistes. À notre grand éton­ne­ment, qua­si­ment aucune vitre n’a été bri­sée : les com­merces tapa­geurs ne man­quaient pour­tant pas. Nous croi­sons un syn­di­ca­liste SUD, échan­geons quelques mots sur la situa­tion, puis, à proxi­mi­té, ren­con­trons un Congolais paré aux cou­leurs du jour : ce gilet, il le porte pour dénon­cer les poli­tiques impé­ria­listes menées en Afrique sub­sa­ha­rienne et le pillage des matières pre­mières de son pays — à com­men­cer par le col­tan.

Ce matin, la maire de Paris, Anne Hidalgo, avait appe­lé sur Twitter à « venir admi­rer les superbes illu­mi­na­tions de l’avenue des Champs-Élysées » — la phrase s’achevait par un émo­ti­cône « double cœur » dans les yeux.

[Stéphane Burlot | Ballast]

3

Jeudi 29 novembre, place de la République, Paris. Les rayons des maga­sins se vident sur l’île de La Réunion, des lycéens ont rejoint la contes­ta­tion en « métro­pole », la CGT appelle fina­le­ment à agir « ensemble », l’un des porte-parole des gilets jaunes — si tant est que la notion de porte-paro­lat ait ici le moindre sens — a invi­té à l’union avec les ban­lieues, les reven­di­ca­tions les plus contra­dic­toires conti­nuent de cir­cu­ler, le mil­liar­daire Pinault dit « com­prendre » le mou­ve­ment, le couple Balkany et Dieudonné l’appuient sans cil­ler : le pays tout entier semble navi­guer à vue. Il fait nuit sur la place ; d’aucuns avancent le chiffre de 1 000 per­sonnes — nous n’en savons rien. C’est là une assem­blée géné­rale orga­ni­sée à la hâte, faute d’une salle, aux pieds du monu­ment à la République. Bronze, bon­net phry­gien, rameau d’olivier. « Organisez-vous », exhorte une ban­de­role de La Fête à Macron ; « Rends l’ISF », exige une pan­carte por­tée à bout de bras par un mani­fes­tant en gilet jaune. Un des cama­rades de la rédac­tion orga­nise les tours de parole : le dépu­té François Ruffin ouvre le bal. « Les gilets jaunes, c’est l’inverse de Nuit Debout : en pro­vince on a tous les ronds-points, ça se bouge par­tout, mais il ne se passe rien dans les villes. Il faut qu’on se bouge ! » Se suc­cèdent, pêle-mêle, un che­mi­not, un pos­tier, une mili­tante éco­lo­giste, une ancienne syn­di­ca­liste étu­diante, une Dordognaise en gilet jaune ou encore un sans-abri — cha­cun de contri­buer à la seule ques­tion qui vaille, « Que faire ? » : grève géné­rale, sit-in devant les lieux de consom­ma­tion, apé­ri­tifs sau­vages à l’Assemblée natio­nale, para­si­tage des sor­ties publiques gou­ver­ne­men­tales, blo­cage des portes de la capi­tale, taxe Tobin, gel de l’économie…

« Un cor­don de CRS coupe la voie — casques, bou­cliers, main sur le Flash-Ball ou la bombe lacry­mo­gène. Trois cava­liers de la police natio­nale bloquent l’accès au métro : impro­bable vision d’Ancien Régime. »

Le Comité Adama — repré­sen­té par Assa Traoré et Youcef Brakni — a, non sans sur­prise, appe­lé à rejoindre le mou­ve­ment. La tren­te­naire, dont le frère a été tué par des gen­darmes en 2016, rap­pelle qu’il ne sau­rait être de mou­ve­ment social sans les quar­tiers popu­laires, et que cette alliance ne sera pos­sible qu’à la condi­tion d’écarter les « racistes » et les « fas­cistes » pré­sents dans l’actuel sou­lè­ve­ment. « Nous aus­si, nous sommes des gilets jaunes », lance-t-elle. Frédéric Lordon, man­teau kaki et voix métal­lique, inter­vient à son tour. Il révèle que la déci­sion du Comité Adama a bous­cu­lé la sienne propre, ain­si que celle des orga­ni­sa­teurs de la pré­sente ren­contre, et qu’il n’est dès lors plus pos­sible de ter­gi­ver­ser : « On ne leur demande pas [aux divers sec­teurs de la socié­té], ni à vous [le Comité Adama], ni à nous, d’être amou­reux de tous les gilets jaunes ; on leur demande d’être capables de voir l’occasion, et d’en faire quelque chose. L’occasion pour jeter toutes les colères dans le chau­dron et pour mon­ter le feu. Car à part la classe nui­sible des star­tup­peurs, des éva­dés fis­caux et des édi­to­crates, tous les sec­teurs ont des rai­sons d’être en colère. En véri­té, tous les sec­teurs ont des rai­sons d’être à bout ! Car le dégoût est géné­ral. Les soi­gnants sont dégoû­tés, les profs sont dégoû­tés, les avo­cats sont dégoû­tés, tous les agents des ser­vices publics sont dégoû­tés, les retrai­tés, les étu­diants sont dégoû­tés, la simple conscience humaine est dégoû­tée quand elle voit ce gou­ver­ne­ment. » Puis l’économiste d’inviter à se rendre à l’Élysée afin de signi­fier à Macron de mettre les bouts. Applaudissements. Rendez-vous com­mun est don­né aux Champs-Élysées, dans deux jours.

4

Samedi 1er décembre. Gare Saint-Lazare. Le par­vis est rem­pli en ce début d’après-midi. « Développement et gra­tui­té des trans­ports publics », lit-on sur un bout de car­ton. « Macron démis­sion ! », affiche le gilet jaune d’un Mulhousien. Un dra­peau du Mouvement de la paix flotte der­rière une mili­tante du Comité Adama coif­fée d’un fichu colo­ré. Le cor­tège se met en marche et croise, sitôt, un flot de gilets jaunes venus d’ailleurs. Tous ne font désor­mais plus qu’un, en dépit des vives réti­cences d’un homme — il nous dit ne pas vou­loir mar­cher avec la CGT ; nous répon­dons qu’il s’agit d’un ras­sem­ble­ment hété­ro­clite pro­pul­sé par le Comité Adama ; il ne pipe mot et se joint à nous. « À bas l’État, les flics et les fachos ! » s’élève en chœur. La foule pro­gresse sur le bou­le­vard Haussmann aux cris de « Anti-anti­ca­pi­ta­listes ! » ; à hau­teur de la sta­tion Havre-Caumartin, un cor­don de CRS coupe la voie — casques, bou­cliers, main sur le Flash-Ball ou la bombe lacry­mo­gène. Trois cava­liers de la police natio­nale bloquent l’accès au métro : impro­bable vision d’Ancien Régime. « Libérez les che­vaux », hurle un mani­fes­tant. Nous deman­dons à Youcef Brakni s’il sait mon­ter à che­val ; il écarte les pans de son blou­son, lais­sant entre­voir un sweat-shirt sur lequel est impri­mé « Justice pour Adama / sans jus­tice vous n’aurez pas la paix », et répond en sou­riant : « Nous, on a ça. »

[Stéphane Burlot | Ballast]

Virage à droite, rue Auber. Les tou­ristes, per­chés sur deux cars, pho­to­gra­phient ou acclament le cor­tège. « Macron = Louis 16 » a été tagué aux abords de la biblio­thèque du musée de l’Opéra. Nous pres­sons le pas pour gagner la tête du défi­lé — « Je suis paci­fique / mais je ne tends pas la joue / Rendez l’ISF », « Tous ce qu’ils veulent c’est une France qui ferme sa gueule », « Gaulois réfrac­taire », « Regarde ta Rolex / C’est l’heure de la Révolution », « Ensemble chan­geons l’Histoire de France », « Le Peuple en a marre d’être sai­gné ! », lit-on au fil des cha­subles. De la fumée de lacry­mo­gènes brouille la rue de l’Échelle : pre­miers contacts phy­siques avec les forces de l’ordre.

« Une grande roue tourne à l’occasion des fêtes de fin d’année ; un gilet jaune pro­pose d’enfermer tous les dépu­tés dans les cabines. »

Une grande roue tourne à l’occasion des fêtes de fin d’année ; un gilet jaune pro­pose d’enfermer tous les dépu­tés dans les cabines. Nous croi­sons deux che­mi­nots SUD Rail, deux gaul­listes et quelques maoïstes… La rue de Rivoli, point d’entrée à la place de la Concorde, est blo­quée par trois véhi­cules et un canon à eau. Des CRS sont pos­tés en hau­teur, jar­din des Tuileries, armes poin­tées sur la foule. Impasse. L’obélisque et la tour Eiffel paradent dans le ciel gris ; quelques gouttes de pluie tombent. « On attaque que si ils nous attaquent ! », crie un mani­fes­tant. D’autres com­mencent à dépa­ver la voie. Un jeune homme à notre gauche pro­pose de pas­ser par les Tuileries pour accé­der aux Champs, der­rière la Concorde : « Il y a des mar­cheurs dans le jar­din, ils ose­ront pas nous canar­der. » Trois ou quatre pavés fusent en direc­tion des CRS ; des gre­nades éclatent. La foule n’entend pas for­cer le bar­rage ; elle tourne à droite, rue Cambon, puis, impro­vi­sant, cher­chant en vain com­ment ral­lier les Champs, prend la rue Royale : quatre four­gons barrent l’accès. Échauffourée. Lacrymos. Pavés, bou­teilles. Un gilet jaune s’avance face au cor­don de CRS, se met à genoux et écarte les bras en croix. Nouvelle impasse. Nous rece­vons un mes­sage d’une cama­rade du PCF, alors de pas­sage en Bretagne : « Marée jaune aux ronds-points, des retrai­tés, des jeunes pay­sans avec leurs trac­teurs, Macron démis­sion, Assez de taxes. Première fois que je vois un mou­ve­ment sans joie. Ils sont déses­pé­rés. »

Direction bou­le­vard Haussmann — au bout, l’Arc de Triomphe. Nouveau bar­rage. La ten­sion monte sitôt d’un cran. Des pavés et des grilles d’arbres sont arra­chés, les déto­na­tions se suc­cèdent, des ton­neaux ravis à un caviste consti­tuent l’armature d’une pre­mière bar­ri­cade. Un scoo­ter est cou­ché au milieu de la route, une pou­belle crame, la vitrine d’une banque est sac­ca­gée (sus­ci­tant la répro­ba­tion de quelques mani­fes­tants). « L’émeute est une sorte de trombe de l’atmosphère sociale », écri­vait encore Hugo. C’est main­te­nant une voi­ture qui flambe. Les CRS par­viennent à repous­ser les émeu­tiers jusqu’à la place Saint-Augustin ; la vio­lence des affron­te­ments s’accentue — gilets jaunes et orange se sai­sissent des palis­sades de chan­tier, tentent d’élever une bar­ri­cade en plein milieu de la place, se pro­tègent des gre­nades et des tirs de Flash-Ball avec des bou­cliers de for­tune. « Macron démis­sion ! », conti­nuent d’hurler les révol­tés, encore et tou­jours. Les lacry­mos tombent sans trêve. L’air est suf­fo­cant. Un homme reçoit un pro­jec­tile de Flash-Ball au mol­let ; un autre s’affaisse devant nous, tou­ché par une gre­nade lacry­mo­gène : « Ça va ? », deman­dons-nous ; « Tranquille », répond-il, avant de repar­tir à cloche-pied. La place n’est plus qu’un îlot de cris et de fureur — noria des palis­sades en acier, appel « Aux armes ! » repris en chœur. Un joueur de tam­bour rythme, mar­tial, le mou­ve­ment col­lec­tif. Un cama­rade aper­çoit un dra­peau roya­liste puis son por­teur déta­ler, chas­sé par des mili­tants anti­fas­cistes — son éten­dard sai­si est pro­mis au feu.

[Maya Mihindou | Ballast]

La BNP est mise à sac ; des remises de chèque émaillent le trot­toir ; la façade est bar­rée d’un « Fuck capi­ta­lism ». Deux dra­peaux rouge et noir sinuent dans la fumée. Les forces de l’ordre nous repoussent bou­le­vard Haussmann — deux ou trois bar­ri­cades, un chan­tier, des par­paings et un pneu sont embar­qués. Un jeune gilet jaune porte un immense dra­peau rouge ; deux autres, plus âgés, se prennent dans les bras der­rière une bar­ri­cade enfu­mée — nous dis­tin­guons, dans la bru­maille, un mani­fes­tant mas­qué en V pour Vendetta. Une paire de gilets jaunes nous dit être venue de Toulouse, « exprès », en bus. « Pour les smi­cards, pour ma mère qu’a connu la misère », fait l’un d’eux. Il ne connaît pas grand-chose à la poli­tique et a voté « de tout ». FN, oui, « mais je vais voter Mélenchon main­te­nant ». Son ami nous dit n’être pas violent, « nor­ma­le­ment », mais il approuve l’intégralité de ce qu’il voit : « Personne nous écoute. » Il nous montre son poi­gnet, bles­sé en pro­fon­deur par une gre­nade ; il a voté FI aux der­nières élec­tions pré­si­den­tielles — et blanc au second tour. On entend des cris ; on parle, affo­lé, de bon­bonnes de gaz trou­vées que cer­tains tiennent à faire sau­ter ; il n’en sera rien. Un homme écrit « Révolution » sur un pan­neau publi­ci­taire à notre gauche.

« Un jeune gilet jaune porte un immense dra­peau rouge ; deux autres, plus âgés, se prennent dans les bras der­rière une bar­ri­cade enfumée. »

Il est bien­tôt 17 heures. Des flammes s’échappent d’une autre bar­ri­cade, un arrêt de bus est explo­sé, nous pas­sons devant les grands maga­sins enguir­lan­dés (« Fêtes gour­mandes »), la foule s’est désa­gré­gée. Quelques grappes de gilets jaunes se ras­semblent sur le par­vis de la gare Saint-Lazare et sous la pluie. Une demi-heure s’étire ain­si, unique répit de la jour­née. Une cin­quan­taine de CRS avance en ligne vers la gare. Des hommes haranguent les mani­fes­tants épars : il faut faire recu­ler la troupe ! Ruée. Lacrymos. Les Parisiens, au sor­tir du tra­vail, sont pris entre deux feux. « Il y a des gosses, bande de fils de putes », hurle un gilet jaune à l’endroit des forces de l’ordre. Des parents se pré­ci­pitent dans la bouche de métro avec leurs enfants. Nous avan­çons aux côtés d’adolescents des quar­tiers popu­laires ; la dis­tance qui nous sépare des CRS doit être de 20 mètres ; ils tirent au Flash-Ball : un jeune homme noir gueule, plié en deux, tou­ché au torse ; l’un d’entre nous est tou­ché à la che­ville droite. « Faut leur balan­cer des scoo­ters des­sus », pro­pose un gamin, quand sur­git une ambu­lance ; « Tout le monde der­rière ! » hurle un gilet jaune. Une dizaine de per­sonnes s’engouffre dans son sillage avec l’espoir d’entrer en contact avec les CRS lorsqu’ils s’écarteront pour lais­ser place au véhi­cule. Grêle de lacry­mos. Nous recu­lons. 10 000 gre­nades lacry­mo­gènes auront été tirées aujourd’hui, à Paris, et des « tirs ten­dus », d’ordinaire inter­dits, prescrits.

Nous nous retrou­vons, à quatre membres de la rédac­tion, dans un bis­trot. L’une d’entre nous a dis­cu­té avec une infir­mière, venue de Chartres, après l’avoir vue jeter un sapin pour ali­men­ter une bar­ri­cade en feu ave­nue de la Paix : elle s’est décrite comme une « huma­niste, pour la jus­tice », ulcé­rée par la casse libé­rale de la san­té publique. Un autre cama­rade nous conte­ra ces retrai­tés lui avouant, les larmes aux yeux, qu’ils « n’en peu[vent] plus », et cet homme lui expli­quant que ses voi­sins lui réclament du sucre, à la moi­tié du mois, n’ayant plus les moyens d’en ache­ter — « Je n’ai jamais vu autant de déter­mi­na­tion. Des incon­nus te racontent leur quo­ti­dien, comme ça, ça sort de nulle part. Des gens qu’on voit jamais dans nos manifs. »

[Maya Mihindou | Ballast]

5

Lundi 3 décembre, un PMU de la Sarthe. Le syn­di­cat de police Alliance appelle le gou­ver­ne­ment à envoyer l’armée ; Marine Le Pen convie ses « chers gilets jaunes » à se dis­so­cier d’eux-mêmes, c’est-à-dire des « cas­seurs » ; des hauts fonc­tion­naires de Haute-Loire font état d’une situa­tion « pré-révo­lu­tion­naire » ; une octo­gé­naire mar­seillaise est morte à la suite d’un tir de gre­nade lacry­mo­gène à la tête ; les ambu­lan­ciers mani­festent devant l’Assemblée natio­nale et les lycéens bloquent leurs éta­blis­se­ments — « Notre cap est bon. Quand vous vou­lez atteindre le som­met d’une mon­tagne, il faut gar­der votre objec­tif », pro­met tou­te­fois la secré­taire d’État Marlène Schiappa. Deux hommes dis­cutent au bar avec la serveuse.

– Macron est mépri­sant, il a aucun contact avec le peuple.
– Ça serait bien qu’il tombe dans les escaliers.
– Faut des gens comme nous, au pou­voir, qui bossons.
– Ils se rendent compte de rien, eux.
– Ça va se ter­mi­ner en soulèvement…
– En révolution.
– Y a plus que la violence.


Photographies de ban­nière et de vignette : Stéphane Burlot


  1. Le Canard enchaî­né avait éva­lué la somme à 500 000 euros — le 5 décembre 2018, Marlène Schiappa évo­quait quant à elle, sur le pla­teau de BFMTV, le chiffre de 100 000 euros.[]
  2. All cops are bas­tards : Tous les poli­ciers sont des bâtards.[]

REBONDS

☰ Voir notre port­fo­lio « Jaune rage », Cyrille Choupas, novembre 2018
☰ Lire notre témoi­gnage « La révolte des che­mi­nots », novembre 2018
☰ Lire notre entre­tien avec Frédéric Lordon : « Rouler sur le capi­tal », novembre 2018
☰ Lire notre témoi­gnage « Montrer que la lutte paie », juillet 2017
☰ Lire notre entre­tien avec le Comité Adama : « On va se battre ensemble », mai 2018
☰ Lire notre témoi­gnage « Prendre soin de nos anciens », mai 2018
☰ Lire notre entre­tien avec Théo Roumier : « On a les moyens de défaire Macron », mai 2018
☰ Lire notre entre­tien avec Assa Traoré : « Allions nos forces », décembre 2016
☰ Lire notre article « Victor Hugo, la grande prose de la révolte », Alain Badiou, juin 2015


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