Guatemala : la guerre des classes n’a pas eu lieu


Texte inédit pour le site de Ballast

Malgré quatre mois de grandes mani­fes­ta­tions heb­do­ma­daires exi­geant la démis­sion du pré­sident, la crise poli­tique qui a eu lieu au Guatemala est res­tée rela­ti­ve­ment dis­crète dans les médias fran­çais, peu inté­res­sés par l’Amérique cen­trale. Alors que le pays vient de se don­ner un nou­veau pré­sident, des leçons poli­tiques qui montrent les limites du mou­ve­ment sont à en tirer. Souveraineté natio­nale limi­tée par les inté­rêts géos­tra­té­giques et éco­no­miques des États-Unis, sou­ve­rai­ne­té popu­laire tolé­rée aus­si long­temps que les inté­rêts de l’oligarchie ne sont pas mena­cés. Le constat est-il celui de l’échec à conver­tir un mou­ve­ment d’Indignés en lutte de classes ? Ou ce qu’a semé le mou­ve­ment annonce-t-il la démo­cra­ti­sa­tion de ce pays rava­gé de cor­rup­tion et d’inégalités ? ☰ Par Mikaël Faujour


PORTRAIT3 juin 2015, Guatemala-Ville. Depuis le podium pré­si­den­tiel, l’ambassadeur des États-Unis Todd Robinson annonce l’appui de son pays au pré­sident de la République du Guatemala, Otto Pérez Molina. À la droite du diplo­mate, l’ancien géné­ral, contrit, se tient comme un élève puni. Débordé par une crise poli­tique où son par­ti (le Parti patriote, fon­dé en 2001), son gou­ver­ne­ment et de nom­breux proches font nau­frage à la suite d’une série de scan­dales de cor­rup­tion. Il ne doit son salut qu’au sou­tien des États-Unis et de l’oligarchie, tan­dis que les mani­fes­ta­tions popu­laires, sans pré­cé­dent depuis 1944, réclament sa démis­sion depuis le mois d’avril. Trois mois plus tard, à quelques jours du pre­mier tour de l’élection pré­si­den­tielle et après que son impli­ca­tion dans une affaire majeure de fraude fis­cale a été ren­due publique, il finit par démis­sion­ner le 2 sep­tembre – lâché et même pous­sé vers la sor­tie par l’oligarchie. À pre­mière vue, l’immense mobi­li­sa­tion popu­laire, qui n’a pas désem­pa­ré pen­dant plus de quatre mois, a eu rai­son de l’ex-militaire et de nom­breux hauts fonc­tion­naires pré­da­teurs et cor­rom­pus, ren­voyés devant la jus­tice. Mais, au-delà du mou­ve­ment popu­laire qui a réel­le­ment fait bou­ger les choses, et alors que le pays vient de se don­ner un nou­veau pré­sident, un exa­men de la situa­tion per­met de com­prendre les enjeux poli­tiques de cette crise.

Le cloaque de la corruption mis à jour

Début mars, le vice-pré­sident état­su­nien Joseph Biden est en visite à Guatemala-Ville. Venu débattre de sécu­ri­té et de la ques­tion migra­toire (enjeux poli­tiques majeurs dans la région et aux États-Unis), il insiste sur l’urgence et la prio­ri­té de la lutte contre la cor­rup­tion dans les pays concer­nés : le Guatemala, le Salvador et le Honduras. Ces ques­tions sont arti­cu­lées au pro­jet de déploie­ment du Plan Alliance pour la pros­pé­ri­té dans le tri­angle Nord1 (PAPTN), dont l’objectif annon­cé est de créer des oppor­tu­ni­tés éco­no­miques, donc d’emploi, afin d’amoindrir les mas­sives migra­tions de la misère en y appor­tant une solu­tion à la racine. Les États-Unis doivent contri­buer finan­ciè­re­ment à ce plan à hau­teur d’un mil­liard de dol­lars2. Or, explique M. Biden, cette par­ti­ci­pa­tion, qui doit être déci­dée au Congrès lors du vote bud­gé­taire pour l’année 2016, est condi­tion­née à la lutte contre la cor­rup­tion sys­té­mique qui carac­té­rise le pays. Implicitement, ce que demande le vice-pré­sident est la pro­ro­ga­tion du man­dat de la Commission inter­na­tio­nale contre la cor­rup­tion et l’impunité au Guatemala (Cicig).

« L’immense mobi­li­sa­tion popu­laire a eu rai­son de l’ex-militaire et de nom­breux hauts fonc­tion­naires pré­da­teurs et corrompus. »

En place depuis fin 2006 sous égide des Nations unies, celle-ci avait déjà révé­lé de nom­breuses affaires3, se mon­trant par­ti­cu­liè­re­ment déran­geante pour la classe poli­tique et la bureau­cra­tie. S’il main­tient d’abord le refus expri­mé dès le début de sa pré­si­dence en 2012, M. Pérez Molina se trouve pour­tant for­cé à décla­rer le 23 avril la pro­lon­ga­tion du man­dat de l’organisation. C’est que, entre-temps, fait déci­sif, la Cicig a déclen­ché un scan­dale d’envergure. Le 16 avril 2015, vingt-quatre per­sonnes liées à un réseau de détour­ne­ment de taxes doua­nières sont arrê­tées, dont le direc­teur géné­ral du Trésor public4 et son pré­dé­ces­seur. Depuis mai 2014, la struc­ture fai­sait l’objet d’une enquête de la part de la Cicig. Nommée la Línea (« la Ligne »), ses ori­gines remontent à la fin des années 1970, lorsqu’elle ser­vait clan­des­ti­ne­ment à finan­cer la contre-insur­rec­tion. Elle avait déjà été par­tiel­le­ment déman­te­lée en 19965. Enfui et pla­cé sous man­dat d’arrêt inter­na­tio­nal par Interpol, le coor­di­na­teur du réseau est Juan Carlos Monzón Rojas6, Secrétaire pri­vé de la vice-pré­si­dente Roxana Baldetti Elías, qui l’aurait elle-même supervisé.

Emportés par la foule, fonctionnaires ripoux et ministres corrompus

Le scan­dale met le feu aux poudres : un appel spon­ta­né est émis sur Facebook pour pro­tes­ter publi­que­ment et, le same­di 25 avril, ce sont plus de 30 000 per­sonnes qui rem­plissent la place de la Constitution dans la capi­tale, et d’autres places du pays. Un fait raris­sime dans son his­toire, cou­tu­mière de l’autoritarisme. Sous pres­sion conjointe des mani­fes­ta­tions popu­laires, de l’organisation patro­nale de l’oligarchie (Cacif7) et de l’ambassade état­su­nienne, le Président annonce lui-même la démis­sion de la vice-pré­si­dente le 8 mai. Ce même jour, le minis­tère public et la Cicig font connaître le déman­tè­le­ment d’un réseau d’avocats dédié à la cor­rup­tion de juges. Au mois de mai, de nom­breux membres du gou­ver­ne­ment démis­sionnent ou sont ren­voyés. Parmi les plus mar­quants, le ministre de l’Intérieur et ex-lieu­te­nant-colo­nel Mauricio López Bonilla, le ministre des Mines et de l’Énergie Érick Archila8 et la ministre de l’Environnement Michelle Martínez, tous bai­gnant dans des affaires de pots-de-vin et de cor­rup­tion. À tous ces « déchus », s’ajoute aus­si Luis Mendizábal9, acteur majeur de la Línea, lui aus­si en cavale et sous man­dat d’arrêt Interpol depuis le 18 mai. Personnalité de l’ombre, l’homme est symp­to­ma­tique de l’arborescence mise à jour par la Cicig, tant ses liens avec l’oligarchie, les par­tis – auto­ri­taires – de pou­voir au Salvador et au Guatemala, mili­taires et esca­drons de la mort, sont repré­sen­ta­tifs des enjeux internes de la crise politique.

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À gauche, Otto Pérez Molina, à la tribune Todd Robinson – © Jesús Alfonso/Soy502

Des liens qu’incarne tout autant Francisco Palomo Tejeda, avo­cat de l’oligarchie et du géno­ci­daire Efraín Ríos Montt, ancien magis­trat de la Cour consti­tu­tion­nelle, ex-dépu­té du Parlement centre-amé­ri­cain et homme de réseaux de pou­voir éco­no­mique et poli­tique, assas­si­né dans la capi­tale le 3 juin. Dans le contexte d’agitation poli­tique et d’augmentation signi­fi­ca­tive du nombre d’homicides, il pour­rait avoir fait les frais d’un règle­ment de comptes interne à l’élite. Le 20 mai, c’est un scan­dale de pots-de-vin concer­nant l’Institut gua­té­mal­tèque de sécu­ri­té sociale (IGSS)10 qui conduit à l’arrestation de seize membres du conseil d’administration. Parmi eux, son pré­sident, Juan de Dios Rodríguez (par ailleurs ex-secré­taire pri­vé du pré­sident Pérez Molina), le direc­teur géné­ral de la Banque cen­trale, Julio Roberto Suárez Guerra, ain­si que le repré­sen­tant du Cacif auprès du conseil d’administration, Max Quirín Schöder11.

Accusé d’association illé­gale, tra­fic d’influence et encais­se­ment illé­gal de com­mis­sions, un autre impli­qué se dis­tingue : Otto Molina Stalling, fils de la pré­si­dente de la Chambre pénale de la Cour suprême de jus­tice (CSJ), Blanca Stalling, elle-même par ailleurs men­tion­née dans des enre­gis­tre­ments liés à l’affaire la Línea. En outre, les affaires de gros sous à la racine de ce scan­dale ont cau­sé la mort d’une quin­zaine de patients. Et les affaires qui nour­rissent le feu de la contes­ta­tion n’en res­tent pas là. Le 23 juin, est révé­lé un cas de détour­ne­ments de fonds de fonc­tion­naires de la police natio­nale (52 mil­lions de Quetzales, soit envi­ron 5 mil­lions d’euros). Le 9 juillet, la Cicig rend publique l’affaire « Redes »12 (« Réseaux »), consis­tant en des cas de cor­rup­tion en faveur de deux entre­prises pro­duc­trices d’électricité. Cette nou­velle révé­la­tion fait tom­ber le nou­veau ministre de l’Énergie et des Mines, Edwin Rodas, qui n’aura exer­cé que du 18 mai au 2 juin, ain­si que l’ex-secrétaire de la Présidence et beau-fils du pré­sident Gustavo Martínez.

« Les affaires d’envergure qui se suc­cèdent montrent l’état de cloaque des ins­ti­tu­tions d’État, le carac­tère cen­tral de la cor­rup­tion et de l’impunité. »

Le 15 juillet, à moins de deux mois du pre­mier tour de l’élection, les liens du can­di­dat à la vice-pré­si­dence du par­ti Liberté démo­cra­tique réno­vée (Lider) avec une struc­ture de blan­chi­ment d’argent issu du nar­co­tra­fic sont mis en évi­dence dans un rap­port sur le finan­ce­ment des par­tis poli­tiques que publie la Cicig13. Edgar Barquín, ex-pré­sident de la Banque du Guatemala sous le gou­ver­ne­ment d’Álvaro Colom (2008-2012), ain­si que son frère et d’autres dépu­tés de son par­ti, sont accu­sés d’avoir blan­chi quelque 937 mil­lions de Quetzales (90 mil­lions d’euros, approxi­ma­ti­ve­ment) pour le finan­ce­ment de par­tis poli­tiques. C’est un coup de plus por­té à la can­di­da­ture de Manuel Baldizón, le « Berlusconi du Petén » (le dépar­te­ment au nord du pays dont il est ori­gi­naire et où il est puis­sant). Celui qui avait ter­mi­né deuxième à la pré­cé­dente élec­tion et que tout le monde consi­dé­rait favo­ri quelques mois plus tôt fait face à une contes­ta­tion crois­sante : des « indi­gnés » sabotent ses mee­tings et dénoncent sur Internet ses fal­si­fi­ca­tions et sa dan­ge­ro­si­té, à tra­vers une cam­pagne sous le hash­tag #NoTeToca14. Le 31 juillet, est annon­cée la mise en déten­tion de Rudy Baldemar Villeda Vanegas, ex-direc­teur du Trésor public (2008-2012), en rai­son de son impli­ca­tion pré­su­mée dans l’exonération d’impôts aux bou­tiques de l’aéroport natio­nal de la capi­tale15.

Scandale après scan­dale, les Guatémaltèques, déjà bien conscients de la cor­rup­tion tant elle est per­cep­tible au quo­ti­dien, assistent à la mise à nu de l’État en tant qu’outil, non d’administration des deniers publics, mais de cap­ta­tion de ceux-ci et de mise à sac du pays. Jusqu’à la nau­sée, les affaires d’envergure qui se suc­cèdent témoignent de l’état de cloaque des ins­ti­tu­tions d’État, de la cen­tra­li­té de la cor­rup­tion, de l’impunité16 et des liens sys­té­miques entre monde poli­tique, appa­reil judi­ciaire, nar­co­tra­fic17, ex-mili­taires et oli­gar­chie. Le tout se déroule sur fond de sai­sie des pro­prié­tés mul­ti­mil­lion­naires de la vice-pré­si­dente et de son secré­taire pri­vé, de gel de comptes ban­caires… et de mani­fes­ta­tions, qui ne désem­plissent pas. Lorsque, pour finir, le 21 août, une écoute télé­pho­nique de la Cicig ren­due publique démontre l’implication directe du pré­sident Pérez Molina dans le cas la Línea, les mani­fes­tants sont ren­for­cés dans leur légi­ti­mi­té, qui demandent sa démis­sion depuis avril.

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Otto Pérez Molina et Roxana Baldetti Elías – (DR)

Perdant sou­dain ses der­niers sou­tiens par­mi l’élite, se trou­vant désor­mais seul face à la mobi­li­sa­tion popu­laire, il est iso­lé. Le 27 août, une grève géné­rale est orga­ni­sée. Le pré­sident qui, jouis­sant de son aura d’ancien géné­ral, avait été élu sur un pro­gramme de mano dura (« main de fer ») quatre ans plus tôt, démis­sionne le 2 août. Il est rem­pla­cé par le vice-pré­sident Alejandro Maldonado Aguirre, qui avait suc­cé­dé à ce poste à Mme Baldetti le 14 mai. Ancien membre du par­ti d’extrême droite anti­com­mu­niste qui fut l’axe cen­tral de la poli­tique offi­cielle du pays durant la guerre civile, le Mouvement de libé­ra­tion natio­nale, l’homme est à maints égards l’incarnation des maux qui affligent le pays depuis des décen­nies18.

Vingt ans après les accords de paix, la guerre de classes continue

Ceux-ci s’expliquent en effet, en bonne par­tie, par la guerre civile qui, de 1960 à 1996, a stop­pé le pro­ces­sus de démo­cra­ti­sa­tion du pays enga­gé de 1944 à 1954, qui avait mar­qué un effort plus éga­li­taire dans le pays. Après la signa­ture des accords de paix fin 1996, le pays a accé­lé­ré les réformes néo­li­bé­rales, sous l’impulsion d’une oli­gar­chie sor­tie ren­for­cée et qui put même pla­cer deux des siens à la pré­si­dence : Álvaro Arzú Irigoyen (1996-2000) et Óscar Berger Perdomo (2004-2008). Ravagé par la guerre civile, le pays a vu se ren­for­cer les inéga­li­tés éco­no­miques, la cor­rup­tion et la délin­quance, aggra­vées par une situa­tion d’anomie et d’impunité. En 2014, Transparency International pla­çait le Guatemala à la 115ème place de son clas­se­ment annuel de la cor­rup­tion20. Au som­met de la socié­té, une oli­gar­chie puis­sante et orga­ni­sée poli­ti­que­ment autour du Cacif, qui compte de nom­breux mul­ti­mil­lion­naires et a su diver­si­fier ses acti­vi­tés et s’adapter à l’économie mon­dia­li­sée. Ou encore, autre indice, l’entrée du pre­mier mil­liar­daire gua­té­mal­tèque21 au clas­se­ment Forbes, début 2015.

Au Guatemala, les « chan­ceux » qui touchent le salaire mini­mum, gagnent 250 € par mois (que l’oligarchie vou­drait abais­ser encore) ; tan­dis que, par­mi les Indigènes en situa­tion d’extrême pau­vre­té, les plus misé­rables doivent sur­vivre avec 500€ l’an. Le tra­vail non décla­ré et le chô­mage concernent envi­ron 60 à 70 % de la popu­la­tion active. Le pays affiche, en outre, le cin­quième taux de sous-nutri­tion infan­tile le plus éle­vé au monde. Christian Skoog, repré­sen­tant du Guatemala à l’Unicef, sou­li­gnait d’ailleurs en 2014 que les sta­tis­tiques n’ont pas pré­sen­té de chan­ge­ments signi­fi­ca­tifs en vingt ans. Développé dans un pays aux struc­tures sociales décom­po­sées par la misère et le ter­ro­risme d’État, le néo­li­bé­ra­lisme n’a fait qu’aggraver, en déré­gu­lant l’économie, les maux déjà pro­fonds qui l’affectent et où la vio­lence existe à tous les niveaux : vio­lences éco­no­mique, domes­tique, poli­cière, mais aus­si nar­co­tra­fic et délin­quance, vio­lence rou­tière (dont les chiffres dépas­se­raient ceux des homi­cides, pour­tant par­mi les plus hauts du monde). À tel point que le pays doit sa répu­ta­tion autant au tou­risme (le site maya de Tikal, la ville colo­niale Antigua Guatemala) qu’aux bandes de jeunes voyous ultra­vio­lents et armés qui sévissent prin­ci­pa­le­ment à la capi­tale (maras).

La puis­sance poli­tique de l’oligarchie réside dans son impor­tant pou­voir d’influence sur l’État, où les siens occupent régu­liè­re­ment des postes clés ou influencent la vie par­le­men­taire, pro­duisent des intel­lec­tuels orga­niques, notam­ment à l’uni­ver­si­té libé­rale-liber­ta­rienne Francisco Marroquín. Et leur puis­sance est d’autant plus effi­cace que leurs visages et leurs noms sont mécon­nus de la majo­ri­té. Si bien que le pro­ces­sus néo­li­bé­ral a favo­ri­sé l’abaissement des taxes doua­nières à l’importation et à l’exportation, mul­ti­plié les conces­sions minières sans consul­ta­tion popu­laire, vu aus­si, en par­ti­cu­lier sous l’administration Otto Pérez Molina, une répres­sion bru­tale de mou­ve­ments démo­cra­tiques et paci­fiques, sou­vent dans les zones rurales à majo­ri­té indi­gène – à qui la popu­la­tion urbaine et métisse est his­to­ri­que­ment indifférente.

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Alejandro Maldonado Aguirre – (DR)

« D’après une décla­ra­tion de la pro­cu­reure de la République en octobre 2014, plus de 1,1 mil­lion de dos­siers juri­diques demeurent non-traités. »

Ce pro­ces­sus, qui se résume en bonne par­tie à l’accumulation du capi­tal au pro­fit des élites éco­no­miques, est, en outre, aidé par une classe poli­tique hau­te­ment cor­rom­pue, sou­vent for­mée d’entrepreneurs et d’avocats qui voient dans les man­da­tures la pos­si­bi­li­té de s’enrichir vite et abon­dam­ment. Cela est faci­li­té par l’impunité : d’après une décla­ra­tion de la pro­cu­reure de la République en octobre 2014, plus de 1,1 mil­lion de dos­siers juri­diques demeurent non-trai­tés21, faci­li­tant donc le sen­ti­ment d’impunité à tous les niveaux de la socié­té. La poli­tique est donc, de façon qua­si décom­plexée, une acti­vi­té d’abord lucra­tive où maires et dépu­tés courent au plus offrant, pou­vant être élus pour un par­ti et en chan­ger durant leur man­da­ture. Les par­tis, entend-on sou­vent, sont des entre­prises élec­to­rales ; leur durée de vie est de quelques années et ils sont à peu près dépour­vus d’ossature idéo­lo­gique affir­mée – l’éventail des grands par­tis ne pro­po­sant que des varia­tions plus ou moins auto­ri­taires et bigotes au néolibéralisme.

Au total, loin du lieu com­mun qui consiste à qua­li­fier le pays d’Estado fal­li­do (État en déli­ques­cence), l’État gua­té­mal­tèque est, à la véri­té, d’une redou­table effi­ca­ci­té pour ceux qui le servent et s’en servent. Si la guerre civile en a consti­tué une ver­sion anté­rieure, ouverte et bru­tale comme l’étaient les conflits au temps de la guerre froide, la lutte de classes qui en consti­tuait la clé… se pour­suit encore. Vingt ans après la signa­ture des accords de paix, la vio­lence poli­cière et mili­taire est volon­tiers la réponse de l’État aux mani­fes­ta­tions contre les pro­jets miniers… et la moyenne annuelle de morts vio­lentes est supé­rieure, en temps de paix, à celle qu’a connu le pays durant la guerre civile.

« Un néocolonialisme où il n’y a pas besoin de troupes »22

Si les mani­fes­ta­tions ont réus­si à mobi­li­ser durant quatre mois des foules de citoyens, c’est en par­tie en rai­son du rejet par­ta­gé qu’elles por­taient : celui de la cor­rup­tion, en par­ti­cu­lier des élus (maires, dépu­tés, pré­sident). Néanmoins, çà et là, des pan­cartes dénon­çant le rôle de l’ambassade état­su­nienne dans cette crise ont mon­tré la conscience de ce pro­blème d’une par­tie des citoyens. Il faut dire que, en 2014, un tra­vail mémo­riel avait eu lieu à l’occasion des anni­ver­saires de la Révolution d’octobre 1944 et du ren­ver­se­ment du pré­sident Jacobo Árbenz Guzmán par un coup d’État mili­taire orches­tré par la CIA et l’ambassade état­su­nienne, en 1954. La figure du héros déchu a d’ailleurs un peu pla­né sur ces mani­fes­ta­tions et le sou­ve­nir de l’ingérence état­su­nienne a éveillé des inquiétudes.

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Jacobo Árbenz Guzmán – (DR)

Pourtant, en exi­geant notam­ment une réforme de la loi élec­to­rale et des par­tis poli­tiques, la mobi­li­sa­tion citoyenne a paru, un temps, rejoindre les inté­rêts des États-Unis, dont le rôle dans la crise poli­tique en cours ne fait aucun mys­tère, leur impli­ca­tion ayant sur­tout de clairs motifs éco­no­miques et géos­tra­té­giques. Pour le com­prendre, il faut reve­nir en arrière. En novembre 2014, était dévoi­lé, à la Banque inter-amé­ri­caine de déve­lop­pe­ment, le PAPTN, conçu selon un « pro­ces­sus opaque et excluant […] favo­rable aux pro­jets des sec­teurs pri­vés entre­pre­neu­riaux », d’après une étude de l’Institut centre-amé­ri­cain des études fis­cales (Icefi). Prévu pour se déployer au Guatemala, au Honduras et au Salvador, trois pays minés par la vio­lence, la cor­rup­tion et le nar­co­tra­fic, il doit mobi­li­ser plu­sieurs mil­liards de dol­lars. À cela, quatre objec­tifs majeurs annon­cés : dyna­mi­ser le sec­teur pro­duc­tif grâce à l’investissement public dans les infra­struc­tures (éner­gie et trans­ports), déve­lop­per le capi­tal humain (édu­ca­tion), amé­lio­rer la sécu­ri­té citoyenne et l’accès à la jus­tice et for­ti­fier les ins­ti­tu­tions (donc les finances publiques). Les États par­te­naires doivent donc garan­tir, par un assai­nis­se­ment struc­tu­rel, l’efficacité des finan­ce­ments — donc lut­ter contre la cor­rup­tion, l’impunité et le nar­co­tra­fic — ain­si que ren­for­cer les appa­reils judi­ciaire et fis­cal, préa­lables indis­pen­sables pour déga­ger des fonds. Officiellement, il est ques­tion de « créer des oppor­tu­ni­tés de tra­vail »« faci­li­ter le com­merce régio­nal », « atti­rer l’investissement pri­vé » et « l’investissement étran­ger direct » en « mini­mi­sant leur coût fis­cal »23.

« Un enjeu géos­tra­té­gique dans la région, où la pré­sence crois­sante d’intérêts éco­no­miques et mili­taires russes et chi­nois a de bonnes rai­sons d’inquiéter. »

Confrontés à la ques­tion migra­toire, les États-Unis ont inté­rêt à l’accomplissement d’un plan se pro­po­sant de lut­ter contre le chô­mage de masse. Se pose aus­si la ques­tion d’une lutte contre le nar­co­tra­fic, dans laquelle le pays a déjà enga­gé des dizaines de mil­lions de dol­lars depuis des années, notam­ment, depuis 2013, pour la for­ma­tion des forces de sécu­ri­té gua­té­mal­tèques spé­ci­fiques. En jeu, les inté­rêts état­su­niens d’une plus grande sta­bi­li­té régio­nale, car l’anomie poli­tique et les pro­blèmes de migra­tions, de cir­cu­la­tion d’armes, de gangs et de nar­co­tra­fic ont atteint des pro­por­tions telles que les États sont dépas­sés… et mêlés à ces sales affaires.

Surtout, il faut com­prendre les dis­crètes manœuvres des États-Unis, via leur ambas­sade, selon un enjeu géos­tra­té­gique dans la région, où la pré­sence crois­sante d’intérêts éco­no­miques et mili­taires russes et chi­nois a de bonnes rai­sons d’inquiéter. Car, comme le résume l’écrivain Mario Roberto Morales, « [t]out ceci [les mani­fes­ta­tions popu­laires] obéit réel­le­ment à la grande stra­té­gie impli­quée par le Plan de l’alliance pour la pros­pé­ri­té dans le tri­angle nord, un plan des États-Unis non seule­ment des­ti­né à conte­nir l’influence chi­noise au Nicaragua avec le grand canal inter­océa­nique qu’ils y construisent et l’influence russe qui est au Costa Rica et au Nicaragua ; mais c’est aus­si la manière de mili­ta­ri­ser la zone pour sécu­ri­ser les inves­tis­se­ments du capi­tal cor­po­ra­tif trans­na­tio­nal dans cet espace de l’Amérique cen­trale »24.

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Joe Biden et Otto Pérez Molina – © AP Photo

L’importance éco­no­mique et géos­tra­té­gique de ce plan, lui-même rejoi­gnant d’autres accords éco­no­miques25, a inclus et doit inclure l’extension, sous cou­leur de coopé­ra­tion et de conseil, de formes diverses d’ingérence. C’est ce qu’a mis en évi­dence, de façon anec­do­tique, le finan­ce­ment par l’ambassade des États-Unis de tech­ni­ciens du dépar­te­ment d’État afin de faire pas­ser au détec­teur de men­songes des fonc­tion­naires gua­té­mal­tèques voués à rem­pla­cer ceux qui, cor­rom­pus, sont tom­bés dans l’affaire sus­men­tion­née IGSS-Pisa. Le sou­lignent éga­le­ment, entre autres, le vote par le Sénat état­su­nien du finan­ce­ment d’une com­mis­sion contre l’impunité au Honduras ou le déploie­ment d’une force mili­taire état­su­nienne dans ce même pays. Dans la conti­nui­té du vote du finan­ce­ment, à hau­teur de 675 mil­lions de dol­lars, du PAPTN (soient deux tiers de la somme deman­dée par le pré­sident Barack Obama), le Sénat a annon­cé qu’au mini­mum 2 mil­lions de dol­lars allaient être mis à dis­po­si­tion « en tant que contri­bu­tion des États-Unis à une com­mis­sion inter­na­tio­nale contre l’impunité au Honduras, au cas où une telle com­mis­sion serait éta­blie ».

Cette ini­tia­tive a d’ailleurs vu le jour tout récem­ment, lorsque Luis Almagro, secré­taire géné­ral de l’Organisation des États amé­ri­cains (OEA) a annon­cé le 28 sep­tembre la créa­tion de la Mission de sou­tien contre la cor­rup­tion et l’impunité au Honduras (Maccih)26, sous man­dat de l’OEA et non de l’ONU. L’initiative répond aux inté­rêts à la fois du peuple hon­du­rien, qui avait deman­dé la créa­tion d’un équi­valent à la Cicig après qu’eut écla­té un scan­dale de cor­rup­tion lié à la Sécurité sociale, ain­si qu’aux inté­rêts état­su­niens. Seul manque le Salvador, dont le pré­sident se refuse à une telle com­mis­sion, mais qui devra cer­tai­ne­ment plier tôt ou tard. En der­nière ana­lyse, comme l’énonce le site El Socialista cen­troa­me­ri­ca­no, « l’intelligentsia de la classe moyenne, les ONG et autres naïfs oublient que la Cicig est un orga­nisme créé et impul­sé par l’impérialisme nord-amé­ri­cain et l’Union euro­péenne pour garan­tir le bon fonc­tion­ne­ment des ins­ti­tu­tions de l’État bour­geois au Guatemala. »27

Une oligarchie renforcée ?

Le Cacif, dès le début de la crise, conscient de la por­tée de la demande popu­laire, avait ten­té de conte­nir le mou­ve­ment. C’est pour­quoi, dès qu’a écla­té l’affaire la Línea, l’organisation du grand patro­nat a deman­dé et obte­nu la démis­sion de la vice-pré­si­dente. Mais, tout en vou­lant cal­mer l’aspiration popu­laire en obte­nant la démis­sion de Mme Baldetti28, le Cacif a aus­si main­te­nu son sou­tien au pré­sident, sup­po­sé garant d’une rela­tive sta­bi­li­té. Mais, lorsque le 21 août est ren­du public l’enregistrement de la Cicig prou­vant qu’Otto Pérez Molina était à la tête du réseau la Línea, le Cacif demande sa démis­sion. Acculé par les mani­fes­ta­tions heb­do­ma­daires, lâché par le Cacif, le pré­sident vit ses der­niers jours de chef d’État. Dans l’une de ses der­nières inter­ven­tions, il déclare à la télé­vi­sion : « il n’y a pas une « Ligne » ; il y en a deux ! Et, jusqu’à pré­sent, est appa­rue celle qui reçoit, mais pas celle qui paye » (dis­cours pré­si­den­tiel télé­vi­sé du 23 août), rap­pe­lant que, si les cor­rom­pus sont désor­mais connus… les noms des cor­rup­teurs (entre­prises et per­sonnes pri­vées : en tout une cen­taine de noms serait concer­née) n’ont tou­jours pas été révé­lés par la Cicig, qui avait pour­tant pro­mis de le faire dès avril.

Or, là se trouve un des enjeux majeurs d’une crise poli­tique dont l’échec aura consis­té à des­ti­tuer des pan­tins cor­rom­pus, à défaut de s’orienter contre leurs ven­tri­loques de l’oligarchie, c’est-à-dire faute de s’être conver­tie en lutte de classe. Car la deuxième « Ligne » dénon­cée par le pré­sident, celle des cor­rup­teurs, est consti­tuée d’entreprises liées aux acti­vi­tés d’import-export et vou­lant échap­per à l’impôt. Or, ce type d’entreprise appar­tient à divers membres de l’oligarchie, dont le Cacif est le lob­by principal.

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Hillary Clinton – © AP Photo/Charlie Neibergall

« La crise poli­tique risque de s’avérer un échec pour n’avoir pas su défi­nir l’ennemi et s’attaquer aux struc­tures mêmes du sys­tème éco­no­mique et politique. »

Comme ses voi­sins d’Amérique cen­trale, le Guatemala est his­to­ri­que­ment un pays de très faible niveau d’imposition29, effet d’une action orga­ni­sée de l’oligarchie pour que l’État favo­rise l’accumulation du capi­tal et, au besoin, socia­lise les pertes. Comme l’analyse un cher­cheur de l’Icefi dans un livre paru cette année30, un des « objec­tifs des élites centre-amé­ri­caines a consti­tué à influen­cer et mani­pu­ler la poli­tique fis­cale pour pour­voir aux frais de son expan­sion, de sa trans­for­ma­tion ou de sa moder­ni­sa­tion, afin de s’insérer avec les condi­tions les plus avan­ta­geuses pos­sibles au sein de l’économie mon­dia­li­sée, dans les meilleurs cas. Dans d’autres cas, lorsque les élites centre-amé­ri­caines ont subi des pertes, elles ont cher­ché à mani­pu­ler la poli­tique fis­cale afin d’y pour­voir avec les res­sources publiques, trop de fois issues de régimes fis­caux régres­sifs ». À tel point que la secré­taire d’État Hillary Clinton, guère mar­xiste-léni­niste, pou­vait décla­rer en 2011, lors de l’annonce d’un prêt de 40 mil­lions de dol­lars contre le nar­co­tra­fic, que « les riches de chaque pays doivent payer des impôts justes ; ce n’est pas aux pauvres de finan­cer la sécu­ri­té »31.

Plus encore que les faits de cor­rup­tion ou détour­ne­ments des res­sources de l’État de plus ou moins grande enver­gure, c’est la fis­ca­li­té qui explique à la fois la médio­cri­té des infra­struc­tures, de l’éducation, des équi­pe­ments de san­té, de la jus­tice, de la police – et toutes leurs gra­vis­simes consé­quences. Or, si divers incul­pés font par­tie de l’élite et devraient être condam­nés, la crise poli­tique risque de s’avérer un échec pour n’avoir pas su défi­nir l’ennemi et s’attaquer aux struc­tures mêmes du sys­tème éco­no­mique et poli­tique d’un pays par­mi les plus inéga­li­taires du continent.

« L’incidence du sec­teur entre­pre­neu­rial dans la conduite du Plan Alliance pour la pros­pé­ri­té, sous influence des think tanks des États-Unis et du Guatemala, est déterminante. »

Le sou­tien des États-Unis au ren­for­ce­ment ins­ti­tu­tion­nel des États centre-amé­ri­cains dans le cadre du PAPTN n’apporte, de fait, aucune menace struc­tu­relle à la domi­na­tion de l’oligarchie. Pour cette der­nière, elle appelle seule­ment à pen­ser une nou­velle stra­té­gie dans ses rap­ports à l’État, qui ne consti­tue qu’un moment dans une conti­nui­té his­to­rique où « la ques­tion n’est pas si l’État a dis­pa­ru, mais bien plu­tôt le type d’État que le contexte de la mon­dia­li­sa­tion est en train de créer », explique Aaron Schneider dans Construcción del Estado y regí­menes fis­cales en Centroamérica. Il pré­cise aus­si que l’ini­tia­tive du bas­sin des Caraïbes ou l’accord de libre-échange d’Amérique cen­trale, qui ont ouvert l’accès aux mar­chés état­su­niens, ont conduit « les entre­prises d’Amérique cen­trale à s’intéresser aux nou­velles acti­vi­tés d’exportation et atti­ré dans la région les inves­tis­seurs des États-Unis et des tiers pays, fomen­tant la créa­tion et le ren­for­ce­ment des élites émer­gentes qui ont pu s’allier avec eux pour avan­cer dans les pro­ces­sus de pro­duc­tion trans­na­tio­nale »32.

D’après le jour­na­liste Luis Solano, « [l]e rôle cen­tral [dans la conduite du Plan Alliance pour la pros­pé­ri­té] revient à la Fondation pour le déve­lop­pe­ment (Fundesa), le prin­ci­pal think tank de l’élite entre­pre­neu­riale gua­té­mal­tèque [lié au Cacif, ndr] et lien prin­ci­pal avec les think tanks état­su­niens […] [L]’incidence du sec­teur entre­pre­neu­rial dans la conduite du Plan Alliance pour la pros­pé­ri­té, sous influence des think tanks des États-Unis et du Guatemala, est déter­mi­nante »33. Et c’est un fait que l’élite gua­té­mal­tèque se pré­pare au lan­ce­ment de ce plan régio­nal. Ainsi, le 9 octobre 2014, Fundesa consa­crait son annuel sym­po­sium34 à la ques­tion de la sécu­ri­té. Au fil de la jour­née, dans le cadre de laquelle était inter­ve­nu l’ancien maire de New York connu pour sa poli­tique de la « main dure », Rudy Giuliani, il fut ques­tion de ren­for­ce­ment de l’État en matière de jus­tice, de sécu­ri­té et d’éducation, mais aus­si de trans­pa­rence et de lutte contre l’impunité.

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Manuel Baldizón – (DR)

Dans ce contexte, les inté­rêts du grand patro­nat convergent avec les exi­gences de réforme de la socié­té civile, en par­ti­cu­lier la réforme de la loi élec­to­rale et des par­tis poli­tiques (LEPP), devant don­ner une indé­pen­dance réelle au Tribunal suprême élec­to­ral, évi­ter la migra­tion de par­ti à par­ti durant une même man­da­ture ou per­mettre une trans­pa­rence réelle des finan­ce­ments de par­tis ou du patri­moine des élus. Le pré­sident du Cacif, Jorge Briz Abularach, a d’ailleurs décla­ré : « Le sens de faire aujourd’hui une réforme poli­tique, c’est de répondre à l’appel des Guatémaltèques à mettre fin à une struc­ture de clien­té­lisme dans le sys­tème des par­tis poli­tiques au Guatemala. Toute réforme doit tour­ner autour de mesures spé­ci­fiques et concrètes qui assurent la trans­pa­rence et le ren­for­ce­ment de la démo­cra­tie »35. C’est que, enga­ger un grand ménage dans les ins­ti­tu­tions publiques, sur­tout en matière de lutte contre la cor­rup­tion, de jus­tice et d’efficacité fis­cale, convient aux inté­rêts de l’oligarchie. Outre qu’elle offre les garan­ties atten­dues par les États-Unis pour le finan­ce­ment du Plan Alliance pour la pros­pé­ri­té, elle encou­ra­ge­rait une chasse aux cor­rup­teurs et cor­rom­pus qui, à terme, pour­raient for­mer une nou­velle élite éco­no­mique, enri­chie par la mise à sac de l’État et les conflits d’intérêt non-péna­li­sés, et qui pour­rait repré­sen­ter une menace à ses inté­rêts bien gardés.

« Avec des bas coûts de main d’œuvre et la proxi­mi­té géo­gra­phique, les pays d’Amérique cen­trale se sont conver­tis en zones franches. »

Joe Biden énon­çait que le PAPTN a pour objec­tif d’« aider l’Amérique cen­trale à deve­nir par­tie pre­nante de l’essor remar­quable que connait l’hémisphère Ouest – et non pas une excep­tion à la règle »36. Mais la véri­té est à cher­cher plus sûre­ment sous le dis­cours de Jorge Briz, selon qui il s’agit de « conver­tir la région en un pôle de déve­lop­pe­ment, qui encou­rage les meilleures poten­tia­li­tés que pos­sède chaque pays en par­ti­cu­lier ». Un dis­cours qui, expri­mé d’une façon plus lim­pide par Aaron Schneider, se tra­duit ain­si :  « avec des bas coûts de main d’œuvre et la proxi­mi­té géo­gra­phique, les pays d’Amérique cen­trale se sont conver­tis en zones franches, impor­tant les maté­riaux pour l’assemblage et la réex­por­ta­tion, sou­vent en direc­tion des États-Unis. Les entre­prises de la région ont iden­ti­fié des oppor­tu­ni­tés dans les pro­ces­sus trans­na­tio­naux, qui incluent la manu­fac­ture d’assemblage pour l’exportation, l’agriculture non tra­di­tion­nelle, le tou­risme et les ser­vices finan­ciers et autres ser­vices, en plus d’absorber les envois d’argent [reme­sas] des Centre-Américains qui vivent hors de l’isthme mais envoient de l’argent aux leurs. »37

Tel est l’objectif 2.10 du PAPTN, pré­voyant la créa­tion de « zones éco­no­miques spé­ciales où l’on offri­ra un trai­te­ment dif­fé­ren­cié aux nou­veaux inves­tis­se­ments ». Objectif dont la réa­li­sa­tion res­semble à l’action auto­ri­taire de l’État ces trois der­nières années, qui a mili­ta­ri­sé sa réponse aux mobi­li­sa­tions contre les méga­pro­jets capi­ta­listes, notam­ment miniers, et les a cri­mi­na­li­sées, tout en créant des zones franches « avan­ta­geuses ». C’est dire que l’Icefi a rai­son de s’inquiéter de ce que « les grandes lignes de ce plan ne se pro­posent pas d’agir pour que dans le Triangle Nord soient atteints des stan­dards pour assu­rer l’accès à un tra­vail décent, avec une rému­né­ra­tion juste, une cou­ver­ture et des pres­ta­tions de sécu­ri­té sociale »38. En décembre 2014, le pré­sident Pérez Molina inau­gu­rait trois zones franches où les salaires étaient abais­sés à 1500 Quetzales par mois (en deçà, donc, du mini­mum légal de Q2600, déjà faible)39. Précédemment, il s’en était fal­lu de peu que le Honduras voi­sin essuyât les plâtres du rêve anar­cho-capi­ta­liste de « villes libres »40. Mais le même péril libé­ral-liber­ta­rien conti­nue à tour­ner au-des­sus de la région. Et le man­dat du nou­veau pré­sident du Guatemala, Jimmy Morales Cabrera, acteur comique popu­laire et sans aucune expé­rience de la poli­tique (il doit sa vic­toire pré­ci­sé­ment au fait d’être quelqu’un de « vierge » de toute cor­rup­tion), entou­ré d’ex-militaires, d’oligarques et de liber­ta­riens, pour­rait repré­sen­ter un pas en avant, à mi-che­min de l’anarcho-capitalisme et de l’autoritarisme militaire.

Élu dimanche 25 juillet haut la main (près de 70 % des scru­tins, mal­gré un taux d’abstention dépas­sant les 50 %), sa vic­toire est très pro­ba­ble­ment due, davan­tage encore qu’à sa popu­la­ri­té, à sa vir­gi­ni­té poli­tique (n’ayant exer­cé aucune fonc­tion, il ne peut être cor­rom­pu) et au rejet mar­qué de la cor­rup­tion qu’ont accu­sé les mani­fes­ta­tions popu­laires. Sa cam­pagne, d’ailleurs, a lar­ge­ment insis­té sur la volon­té de lut­ter contre la cor­rup­tion. Reste à voir ce que peut faire un pré­sident dont le par­ti ne dis­pose pas d’appui au Parlement et qui devra donc négo­cier des alliances. Lorsque les inté­rêts du grand capi­tal et de l’oligarchie sont mena­cés, l’armée n’est jamais loin. Elle en a fait très sou­vent la démons­tra­tion à tra­vers l’histoire centre-amé­ri­caine et le coup d’État au Honduras en 2009 l’a assez rap­pe­lé, de même que la tue­rie de mani­fes­tants indi­gènes de Totonicapán (Guatemala) en octobre 2012. Le ter­ro­risme d’État demeure un res­sort réel, der­rière les faux-sem­blants de répu­blique par­le­men­taire et la farce de la « démo­cra­tie libé­rale », cet oxymoron.

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Jimmy Morales Cabrera – © Luis Soto/AP/SIPA

La lutte des classes n’aura pas lieu

Semblable à la sur­prise que cau­sèrent les Printemps arabes, le sou­lè­ve­ment de foules de citoyens contre la cor­rup­tion a pro­vo­qué un enthou­siasme et une admi­ra­tion qui ont excé­dé les fron­tières natio­nales41. Pour le pays, qui semble n’exister dans la géo­gra­phie men­tale de la presse que pour ses taux d’homicide extrê­me­ment éle­vés, ces mani­fes­ta­tions ont été l’occasion de ren­ver­ser le sen­ti­ment de dépos­ses­sion poli­tique. Mais, pas­sé le temps de l’ivresse et des démis­sions, le bilan se pose, alors que le pays vient d’élire un nou­veau pré­sident… dont le pro­fil des col­la­bo­ra­teurs laisse à pen­ser que l’action poli­tique de la nou­velle man­da­ture res­sem­ble­ra à la précédente.

« Si le mou­ve­ment popu­laire a contri­bué à redon­ner une fier­té popu­laire bafouée, il a échoué à consti­tuer en enne­mi la classe qui est à la source des maux du pays : l’élite économique. »

Comme le résume l’éditorial de Plaza Pública paru à la veille du second tour de la pré­si­den­tielle, « le Guatemala a chan­gé… mais pas nous [les Guatémaltèques] ». Car, si le Guatemala a été tra­ver­sé depuis des années par de pro­fondes muta­tions éco­no­miques, sociales, poli­tiques, qui vont y com­pris jusqu’à favo­ri­ser l’émergence de nou­velles élites deve­nant mena­çantes pour l’oligarchie éta­blie, « dans quelle mesure a chan­gé éga­le­ment la façon que nous avons de pen­ser et voir les choses ? Selon le Projet d’opinion publique en Amérique latine, entre 2012 et 2014, le nombre de Guatémaltèques qui croient que l’État ne doit pas réduire l’inégalité entre riches et pauvres a aug­men­té de 7 %. Quelque 66,2 % pensent qu’il doit le faire. Le chiffre le plus bas de l’étude, si l’on excepte les États-Unis, le Venezuela et le Panama. Se sont éga­le­ment appro­fon­dis notre pas­sion auto­ri­taire, notre mépris pour la démo­cra­tie et ses ins­ti­tu­tions et notre into­lé­rance poli­tique »45.

Si les mani­fes­ta­tions ont sou­vent exi­gé des réformes, elles ont sur­tout été orien­tées contre cer­taines « figures du mal » et des maux du pays : les deux figures prin­ci­pales de l’exécutif (la vice-pré­si­dente Baldetti et le pré­sident Pérez Molina), les dépu­tés, le can­di­dat à la pré­si­dence Manuel Baldizón, favo­ri au début de l’année… et qui n’a pas accé­dé au second tour, se ren­dant pathé­tique en recou­rant au Tribunal suprême élec­to­ral46. Ce fai­sant, même si le mou­ve­ment popu­laire a contri­bué ample­ment à la fois à redon­ner une fier­té popu­laire bafouée et à poli­ti­ser un grand nombre de citoyens, il a échoué à consti­tuer en enne­mi la classe qui est à la source des maux du pays : l’élite éco­no­mique, c’est-à-dire l’oligarchie tra­di­tion­nelle et une classe crois­sante issue de négoces licites et illi­cites, qui a émer­gé depuis le pro­ces­sus de démo­cra­ti­sa­tion du pays, puis la paix. Un ensemble social plu­riel, dont il reste à déter­mi­ner dans quelle mesure il a su orga­ni­ser une conscience de classe et une stra­té­gie de cohé­sion pour affron­ter l’ancienne élite oli­gar­chique, ou s’y inté­grer. Et c’est peut-être un des enjeux clés du main­tien de la Cicig et du PAPTN, que de consti­tuer un outil de lutte entre élites émer­gentes et élites établies.

Dans l’immédiat, les quatre mois de mani­fes­ta­tions paraissent donc un échec poli­tique et stra­té­gique, même si l’adoption éven­tuelle de cer­taines réformes pour­rait en limi­ter la gra­vi­té, voire appor­ter de super­fi­cielles amé­lio­ra­tions struc­tu­relles (réformes). En outre, si les orga­ni­sa­tions indi­gènes et rurales se sont jointes au mou­ve­ment, celui-ci a d’abord eu pour moteur une classe urbaine, édu­quée et métisse (les Ladinos), tra­di­tion­nel­le­ment raciste à l’encontre des indi­gènes et qui ne rejoignent pas ceux-ci dans leurs luttes contre le grand capi­tal, en par­ti­cu­lier contre les méga­pro­jets miniers. Cette ligne de frac­ture d’un racisme pro­fond, his­to­ri­que­ment et cultu­rel­le­ment enra­ci­né, marque une divi­sion carac­té­ris­tique du pays et un frein poli­tique à la conver­gence des reven­di­ca­tions. Il est pos­sible – et même sou­hai­table – que ces mois de débats, de ren­contre, de cir­cu­la­tion d’idées, auront éveillé de nom­breux esprits, engen­dré des ini­tia­tives de soli­da­ri­té, per­mis de faire fleu­rir diverses actions insuf­flant de la poli­tique dans son sens le plus lit­té­ral, serait-ce à une échelle locale. À titre d’exemple, dans la seconde ville du pays, Quetzaltenango, les mobi­li­sa­tions qui dénon­çaient aus­si la très cor­rom­pue admi­nis­tra­tion muni­ci­pale de Jorge Rolando « Mito » Barrientos ont réus­si à mettre celui-ci en échec pour un qua­trième mandat.

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Rigoberta Menchú Tum, Prix Nobel de la Paix 1992, participant à une manifestation – © Reuters

« Impossible de dire si le mou­ve­ment aura été essen­tiel­le­ment l’éclatement d’une révolte d’« indi­gnés » sans suite ou bien s’il y a là le ferment de mou­ve­ments futurs. »

Mais les maux qui frappent le pays sont nom­breux, pro­fonds et, avec le temps, ont fini par deve­nir un éche­veau com­plexe que le can­cer géné­ra­li­sé de la cor­rup­tion aggrave. La puis­sance crois­sante du nar­co­tra­fic, d’une bureau­cra­tie et d’une fonc­tion publique cor­rom­pues à tous les niveaux, l’extrême vio­lence de la délin­quance (dans un pays où, après la guerre, des dizaines de mil­liers d’armes sont en cir­cu­la­tion et où l’on peut acqué­rir un pis­to­let au mar­ché noir pour quelques dizaines de dol­lars), la puis­sance poli­tique des élites, la fai­blesse orga­ni­sée des res­sources fis­cales de l’État et une sou­ve­rai­ne­té natio­nale déli­bé­ré­ment affai­blie : voi­là les maux qui affligent le pays.

À ce stade des évé­ne­ments, il est impos­sible de dire si le mou­ve­ment aura été essen­tiel­le­ment l’éclatement d’une révolte d’« indi­gnés » sans suite ou bien s’il y a là le ferment de mou­ve­ments futurs réel­le­ment mar­qués par une pen­sée idéo­lo­gique et une stra­té­gie poli­tique. Mais il est cer­tain que, dans un pays où le vote des misé­rables s’achète contre quelques tôles ondu­lées, t-shirts ou sacs de nour­ri­ture, et où les par­tis ren­floués par le blan­chi­ment d’argent ou l’appui de l’oligarchie peuvent convoyer ceux-ci par bus entiers jusqu’au bureau de vote, l’adversité semble trop forte pour tout mou­ve­ment réfor­miste et léga­liste. À plus forte rai­son encore, en l’absence de figures cha­ris­ma­tiques capables d’incarner et cris­tal­li­ser les aspi­ra­tions de la multitude.

Le rap­port de forces étant net­te­ment favo­rable aux élites – oli­gar­chiques et émer­gentes –, l’avenir semble plu­tôt pen­cher de ce côté que de celui des aspi­ra­tions expri­mées dans la rue. Surtout, la socio­lo­gie des mani­fes­tants, essen­tiel­le­ment urbaine, édu­quée, occi­den­ta­li­sée, pour­rait conti­nuer de se mon­trer indif­fé­rente au sort des ruraux (en majo­ri­té indi­gènes au Guatemala) et à l’aggravation de ses condi­tions d’existence, à la source de la plu­part des maux. Sans pré­tendre dire ici la véri­té, toute la véri­té, au sujet de cette crise poli­tique pas­sée presque tota­le­ment inaper­çue en France, nous tâche­rons dans les mois à venir d’y appor­ter quelques élé­ments d’interprétation à tra­vers des entre­tiens. Car, en ana­ly­sant les évé­ne­ments qui s’y sont dérou­lés, l’objectif est moins d’ajouter un sur­croît d’« infor­ma­tion » à un Internet qui en sur­abonde que de com­prendre les enjeux réel­le­ment uni­ver­sels de la lutte poli­tique dans ses rap­ports à l’État , des erreurs stra­té­giques d’autres mou­ve­ments, de la lutte de classes et des stra­té­gies de l’oligarchie. Au-delà de ses nom­breuses par­ti­cu­la­ri­tés irré­duc­tibles, le Guatemala est un cas d’école de vio­lence his­to­rique de classe et de néo­li­bé­ra­lisme, éclai­rant en ceci les enjeux des luttes du temps.


NOTES

1. Guatemala, Honduras et Salvador sont com­mu­né­ment réunis sous l’appellation de « Triangle Nord (de l’Amérique centrale) ».
2. Le finan­ce­ment plu­ri­par­tite pré­voit une par­ti­ci­pa­tion de la Banque inter­amé­ri­caine de déve­lop­pe­ment et des États-Unis. D’un mon­tant de 5 mil­liards de dol­lars (un mil­liard par an), ce finan­ce­ment repré­sente 20 % du total, le reste reve­nant aux par­te­naires cen­tra­mé­ri­cains : les gou­ver­ne­ments, la banque mul­ti­la­té­rale de déve­lop­pe­ment et le sec­teur pri­vé entrepreneurial.
3. Fiche Wikipedia de la Comisión Internacional Contra la Impunidad en Guatemala.
4. Superintendencia de la admi­nis­tra­ción tri­bu­ta­ria, (SAT).
5. Il s’agissait du « réseau Moreno », du nom d’Alfredo Molina Moreno, qui le cha­peau­tait. Celle-ci était consti­tuée d’anciens mili­taires de haut rang (géné­raux et colo­nels), magis­trats du minis­tère public, avo­cats, notaires, comp­tables, poli­ciers, etc.
6. La vie de M. Monzón, ex-mili­taire ren­voyé de l’armée, est émaillée de faits de délin­quance et de cor­rup­tion. En moins de trois ans, sa for­tune a dépas­sé les Q20 mil­lions (envi­ron 2 mil­lions d’euros), incluant véhi­cules de luxe et biens immo­bi­liers. Lire à ce sujet « La for­tu­na de Juan Carlos Monzón », enquête El Periódico, 6 octobre 2015.
7. Comité des asso­cia­tions com­mer­ciales, indus­trielles et finan­cières (Cacif). Constituée des repré­sen­tants du grand capi­tal, ce lob­by jouit d’un pou­voir consul­ta­tif et déci­sion­naire cen­tral dans la vie poli­tique et éco­no­mique du Guatemala. Il est com­pa­rable au Medef en France.
8. « Pérez apues­ta por depu­rar gabi­nete frente a crí­ti­cas », Paola Albani, Siglo 21, 16 mai 2015.
9. Lire à ce sujet « Luis Mendizábal y la bou­tique de las conspi­ra­ciones », Sebastián Escalón, Plaza Pública, 24 mai 2015.
10. Le scan­dale ren­du public par la Cicig conduit à l’arrestation de seize membres du conseil d’administration de l’Institut gua­té­mal­tèque de Sécurité sociale (IGSS). En cause : un contrat frau­du­leux de 116 mil­lions de quet­zales avec l’entreprise PISA ayant entraî­né la mort de 15 patients. Celle-ci a obte­nu le contrat à la condi­tion de payer une com­mis­sion de 15 ou 16 % aux fonc­tion­naires de la Sécurité sociale.
11. Solidarité de classe oblige, le Cacif a émis le 21 mai un com­mu­ni­qué selon lequel ses repré­sen­tants au sein des diverses ins­ti­tu­tions ont tou­jours été choi­sis d’après leur com­por­te­ment éthique. La Chambre de l’agriculture, le jour sui­vant, a rap­pe­lé les charges exer­cées par Max Quirín, au sein de diverses ins­ti­tu­tions du com­merce du café, natio­nales et inter­na­tio­nales. Le 23 mai, l’Association des expor­ta­teurs de café (Adec) a publié à son tour un com­mu­ni­qué louant la pro­bi­té de M. Quirín. Tous convergent en une défense de son inno­cence et en appellent à un exer­cice de la jus­tice res­pon­sable et sérieux. Source : « Caso IGSS : se tocó al poder econó­mi­co », CMI Guate, 23 mai 2015.
12. Pour les grandes lignes de l’affaire, consul­ter la fiche Wikipedia Caso Redes en Guatemala.
13. Voir la fiche Wikipedia El finan­cia­mien­to de la polí­ti­ca en Guatemala.
14.  #NoTeToca, soit #CestPasTonTour, en réac­tion à son slo­gan de cam­pagne Guatemala, te toca (soit « Guatemala, c’est ton tour »).
15. « Guatemala : Cae exfun­cio­na­rio por eva­sión de impues­tos a tien­das del Aeropuerto », EstrategiaYNegocios.net, 31 juillet 2015.
16. Le 4 mai, la juge Carol Patricia Flores, qui s’était mon­trée favo­rable à l’ancien géné­ral Efraín Ríos Montt lors de son pro­cès pour géno­cide, est mise en cause par la Cicig pour enri­chis­se­ment illicite.
17. Le 4 mai, la nar­co­tra­fi­quante Marllory Chacón Rossell, dite « la Reine du Sud », en pro­cès en Floride, signale des liens avec Roxana Baldetti et le finan­ce­ment, avec de l’argent du nar­co­tra­fic, de la cam­pagne pré­si­den­tielle de 2012 du Parti patriote au pou­voir de 2012 à 2015. Les liens avec l’argent du nar­co­tra­fic ont été signa­lés par ailleurs, en par­ti­cu­lier d’Otto Pérez Molina avec le par­rain Joaquín « El Chapo » Guzmán : « Otto Pérez reci­bió sobor­no de “El Chapo”, tam­bién lo trai­cionó », Gladys Ramírez, Guatevision.com, 8 sep­tembre 2015. L’ex-président avait éga­le­ment recon­nu en 2007 avoir été en rela­tion avec les frères Mendoza, eux aus­si nar­co­tra­fi­quants au cœur d’une struc­ture déman­te­lée par la Cicig : « El final del proyec­to polí­ti­co del Partido Patriota », Martín Rodríguez Pellecer, Nómada. 17 avril 2015.
18. « Alejandro Maldonado : el anti­co­mu­nis­ta pru­dente », Sebastián Escalón, Plaza Pública, 12 octobre 2015.
19. Classé 115e(sur 175 pays) par Transparency International en 2014, selon son indice de per­cep­tion de la cor­rup­tion. Source : https://www.transparency.org/country/#GTM
20. Mario López Estrada, pro­prié­taire de la com­pa­gnie télé­pho­nique Tigo, fai­sait son entrée le 2 mars 2015 dans le clas­se­ment des 290 nou­veaux riches dont la for­tune per­son­nelle excède le mil­liard de dol­lars. Source : « El pri­mer cen­troa­me­ri­ca­no en la lis­ta de “billo­na­rios” es gua­te­mal­te­co », Otto Ángel, Guatevision.com, 3 mars 2015.
21. Déclaration de Thelma Aldana, à l’occasion d’Enade 2014.
22. « Il y a une nou­velle forme de colo­nia­lisme, où il n’y a pas besoin de troupes ou de manœuvres mili­taires. Il suf­fit de désor­ga­ni­ser, de fomen­ter la conflic­ti­vi­té dans un pays pour le pla­cer dans une situa­tion telle que celle que nous tra­ver­sons ou telle que celle du Honduras depuis un moment », Gustavo Porras, inter­view pour Plaza Pública (« EE.UU. y su nue­va for­ma de colo­nia­lis­mo en la que no hay nece­si­dad de tro­pas »), 17 juin 2015.
23. « Lineamientos del Plan de la Alianza para la Prosperidad del Triángulo Norte, Plan Regional de El Salvador, Guatemala y Honduras », Banque inter­amé­ri­caine de déve­lop­pe­ment, sep­tembre 2014.
24. « ¿Una revo­lu­ción de colores ? », La Hora, 18 sep­tembre 2015.
25. Citons en par­ti­cu­lier l’Alliance du Pacifique. Lire « La Alianza del Triángulo Norte ¿Acaso hay agen­da ocul­ta ? », Javier Suazo, ALAI.net, 24 février 2015, et « Le libé­ra­lisme revient en force en Amérique latine », Anne Denis, Slate.fr, 5 jan­vier 2015.
26. Mission de sou­tien contre la cor­rup­tion et l’impunité au Honduras (Misión de Apoyo contra la Corrupción y la Impunidad en Honduras).
27. « GUATEMALA.- ¡¡Que renun­cie YA el gobier­no del Partido Patriota!! », El Socialista cen­troa­me­ri­ca­no, 29 avril 2015.
28. Il faut, pour s’imaginer ce qu’a repré­sen­té la vice-pré­si­dente Baldetti Elías, conce­voir une per­sonne dont l’amour pour l’argent et le luxe, l’arrogance, le par­ler vul­gaire et l’omniprésence exhi­bi­tion­niste média­tique com­binent ces aspects que les Français ont connu chez Nicolas Sarkozy, Rachida Dati et Nadine Morano tout à la fois.
29. Les impôts repré­sen­taient, d’après l’OCDE, un peu plus de 10 % du PIB du Guatemala en 2010 et, d’après la Banque mon­diale, 10,8 % en 2012. Une rela­tive constante his­to­rique. À titre indi­ca­tif, l’imposition moyenne des 30 membres de l’OCDE était de 35,9 % du PIB en 2005 et celle de la France de 44,2 % en 2006.
30. Política fis­cal : expre­sión del poder de las élites cen­troa­me­ri­ca­nas, Icefi/Center for Latin American & Latino Studies, édi­tions F&G, février 2015, p. 12.
31. « Clinton pide a empre­sa­rios de C.A. que paguen impues­tos », El Faro, 23 juin 2011.
32. Construcción del Estado y regí­menes fis­cales en Centroamérica, Aaron Schneider, édi­tions F & G, avril 2014, pp. 58-59.
33. « Un proyec­to de la elite empre­sa­rial », Luis Solano, Plaza Pública, 6 mars 2015.
34. Rencontre natio­nale des entre­pre­neurs, 2014 (Encuentro nacio­nal de empre­sa­riosENADE 2014).
35. « CACIF : Proyecto de refor­mas a Ley Electoral no resuelve la cri­sis », Virginia Contreras, La Hora, 21 octobre 2015.
36. A Plan for Central America, tri­bune de Joseph R. Biden, Jr., dans New York Times, 29 jan­vier 2015.
37. Construcción del Estado y regí­menes fis­cales en Centroamérica, op. cit., p. 24.
38. « Posición ante el Plan de la alian­za para la pros­pe­ri­dad del Triángulo Norte », Icefi, mars 2015.
39. « En Guatemala se reduce el sala­rio bási­co en cua­tro muni­ci­pios », El Universo, 23 décembre 2014.
40. Lire à ce sujet « Villes pri­vées dans la jungle », Maurice Lemoine, Le Monde diplo­ma­tique, juin 2011 ; « Honduras : Le para­dis néo­li­bé­ral des « villes modèles » ne ver­ra pas le jour », Guillaume Beaulande, Le Monde diplo­ma­tique, 29 novembre 2012 ; « “Libertarios” están detrás de “ciu­dades mode­lo” », ElHeraldo.hn, 18 sep­tembre 2012 ; « Los liber­ta­rios capi­ta­lis­tas y la nue­va colo­ni­za­ción de Honduras », Otramérica, 2 août 2012. Sans sur­prise, les fana­tiques du site Contrepoints, qui vivent face aux idées davan­tage que face au réel et ignorent tout du Honduras, se sont enthou­sias­més pour le pro­jet : « Villes libres au Honduras », 19 jan­vier 2011, et « Le Honduras lance le Hong Kong du 21e siècle ». Lire aus­si « Los liber­ta­rios capi­ta­lis­tas y la nue­va colo­ni­za­ción de Honduras », Otramérica, 7 sep­tembre 2011.
41. Les mani­fes­ta­tions ont pro­vo­qué un écho régio­nal et des com­men­taires élo­gieux des pays voi­sins : le Mexique, le Salvador, le Honduras, où des citoyens ont défi­lé pour deman­der l’installation d’une com­mis­sion anti-cor­rup­tion sur le modèle de la Cicig. Cela a été par­ti­cu­liè­re­ment fort au Honduras.
42. « #GuateYaCambió (pero noso­tros no) », édi­to­rial de Plaza Pública, 24 octobre 2015.
43. Manuel Baldizón, dont la richesse est d’autant plus sus­pecte que le dépar­te­ment dont il vient (Petén) est un cou­loir d’accès du nar­co­tra­fic, a mul­ti­plié les irré­gu­la­ri­tés et vio­la­tions à la loi, notam­ment – comme les autres can­di­dats – en fai­sant cam­pagne hors de la période légale, s’est ridi­cu­li­sé en dénon­çant de pos­sibles irré­gu­la­ri­tés au scru­tin et en fai­sant appel au Tribunal suprême élec­to­ral. Outre l’implication démon­trée par la Cicig de son vice-pré­sident Edgar Barquín dans le blan­chi­ment d’argent au pro­fit du par­ti qu’il dirige, Lider, des témoi­gnages pho­to­gra­phiques démontrent que son par­ti a affré­té des bus pour convoyer des misé­rables depuis des zones recu­lées pour voter en sa faveur, en l’échange de biens maté­riels. Des enre­gis­tre­ments audio témoignent de ce qu’il a encou­ra­gé ce type de pra­tiques sur le ter­rain de la part des élus de son parti.

Mikaël Faujour

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