Texte inédit pour le site de Ballast
On estime à environ quatre millions le nombre de personnes sans-papiers en Europe. Ces deux dernières décennies, des dizaines de lieux d’enfermement d’étrangers, pour raisons administratives, ont été construits à travers le continent. En Belgique, on les appelle « centres fermés », et une personne peut y être détenue jusqu’à 8 mois. De nombreuses révoltes s’y succèdent, à l’instar de celles que l’Italie connaît depuis 2009. La crise sanitaire du Covid-19 les remet au devant de la scène : pour les conditions de détention qui y règnent, l’absurdité du maintien de leur activité alors que les frontières sont fermées (les mesures d’« éloignement » rendues dès lors presque impossibles), mais aussi pour les nouvelles émeutes qui y éclatent, en réaction à cette violence politique et institutionnelle que rien ne semble vouloir suspendre. Les centres fermés, au cœur d’un nouveau marché ? ☰ Par Yanna Oiseau
La pratique d’enfermement d’étrangers en Europe ne date pas des dernières décennies : loin s’en faut. Le XXe siècle abonde en exemples. En France, l’histoire de l’institution de l’enfermement a ainsi connu un tournant avec les camps de réfugiés espagnols, fuyant la guerre civile des années 1930. Cette expérience sera déterminante pour les autorités françaises et leurs pratiques concentrationnaires durant la Seconde Guerre mondiale : les mêmes lieux seront utilisés et les logiques qui y auront été inaugurées — comptage, fichage, gestion —, reprises1. En 1988, alors qu’aucune loi belge n’autorisait ni n’encadrait l’enfermement pour des raisons administratives, des étrangers étaient détenus dans une ancienne base militaire2, tout près de l’aéroport international de Zaventem. La création officielle des « centres fermés » n’aura lieu qu’en 1993.
« En 1988, alors qu’aucune loi belge n’autorisait ni n’encadrait l’enfermement pour des raisons administratives, des étrangers étaient détenus dans une ancienne base militaire. »
On compte aujourd’hui six structures d’enfermement d’étrangers sur le territoire belge, pouvant détenir simultanément 700 personnes derrière des murs doublés de barbelés. 8 000 personnes se verraient ainsi enfermées, chaque année, dans ce pays qui définit la détention non comme une sanction mais un moyen d’exécuter une mesure d’expulsion. Si ces structures n’ont pas le caractère légal d’une prison — l’enfermement n’intervient pas suite à une décision judiciaire mais pour de simples raisons administratives —, elles en ont l’apparence, la logique et le fonctionnement. En 2018, de fortes mobilisations citoyennes et associatives, sous le slogan « On enferme pas un enfant. Point. », avaient permis la fermeture de l’unité familiale nouvellement aménagée afin de réorganiser officiellement l’enfermement d’enfants — une pratique que l’État belge avait abandonnée en 2008 suite à une condamnation de la Cour européenne des droits de l’Homme. En mai 2017, le gouvernement belge a adopté le projet « masterplan de centres fermés » de Théo Francken — un membre du parti nationaliste flamand N‑VA, notamment connu pour ses propos racistes —, alors en poste au secrétariat à l’asile et à la migration, qui prévoyait de doubler la capacité de rétention d’étrangers d’ici à 2021. C’est dans cette perspective qu’un centre fermé non mixte pour femmes a ouvert à Holsbeek, en Flandres, le 7 mai 2019.
Évolution des dispositifs d’enfermement
Les pratiques d’arrestation et d’enfermement, mais aussi de traitement des arrivées d’exilés, de migrants ou de réfugiés — autrement dit de ces nouvelles figures de l’immigré3 —, ne cessent de bouger. Le fonctionnement des centres fermés, tout comme ce qui peut s’y dérouler, est caché à la population : les visites sont très strictement contrôlées (même les avocats n’en voient qu’une partie) ; les téléphones munis d’un appareil photo sont confisqués4, etc. Deux collectifs de lutte contre les expulsions et pour la régularisation de tous les sans-papiers, la Coordination contre les rafles et les expulsions pour la régularisation (CRER) et Getting the Voice Out (GVO), très actifs, permettent d’en savoir plus. La CRER, née en 2001 suite à une grande rafle d’Équatoriens à Bruxelles, vise à apporter un soutien logistique aux luttes menées par les collectifs de sans-papiers. Ce groupe compte aujourd’hui plusieurs dizaines de personnes, lesquelles vont rendre visite à des détenus afin de leur apporter un soutien moral comme matériel. Il concentre ainsi une série d’informations sur ce qui se déroule dans ces lieux. Avec les militants de GVO (dont le site Internet diffuse régulièrement des témoignages de personnes détenues), ils organisent des actions : manifestations, blocages, rassemblements devant les centres fermés, etc. Cette expérience de terrain leur donne une vue sur un temps relativement long et leur permet de témoigner de l’évolution du fonctionnement interne des centres fermés ainsi que des méthodes de répression employées.
Nous avons longuement pu discuter avec deux membres de ces groupes. Ils nous ont fait part des changements de pratiques dans ces lieux, en particulier dans la gestion et la répression des actions de résistance. Tous deux expliquent que des grèves de la faim collectives, par exemple, étaient monnaie courante il y a plusieurs années. Elles avaient le temps de gagner l’aile entière de l’établissement, de se déployer sur plusieurs jours avant d’être réprimées ; les contacts que la CRER entretenait avec les détenus d’alors en attestent. En revanche, nous disent-ils, « maintenant, celui qui ose juste dire qu’il va faire une grève de la faim, ou qu’il veut mettre le feu, est immédiatement mis au cachot ». Les embryons de luttes collectives se voient sans délai étouffés — séparation des groupes, mise en cellule d’isolement, transfert de personnes vers un autre centre fermé —, reléguant toujours plus les personnes vers des stratégies individuelles. Quant aux échecs de tentatives d’expulsion, elles ne semblent plus « cachées » aux autres détenus : « Jusqu’à récemment, lorsque l’expulsion d’une personne depuis le centre fermé échouait — du fait de la résistance de la personne concernée, de son refus d’embarquer, de la mobilisation des passagers du vol ou d’une action de blocage à l’aéroport —, elle n’était pas ramenée dans le même établissement d’enfermement, mais on la transférait dans un autre centre. » L’objectif semblait être de ne surtout pas encourager la résistance des autres, ni leurs espoirs d’empêcher une expulsion par la lutte. Actuellement, en revanche, les personnes seraient ramenées dans le même centre. Cette nouvelle manière de faire est-elle due à une perte de marge de manœuvre liée à un taux d’occupation trop élevé, ou bien relève-t-elle d’un changement tactique ?
« Lorsque les pratiques oppressives échappent au sens, à la compréhension, cela renforce le sentiment que les pouvoirs qui les organisent sont d’une grande puissance. »
Les deux militants de poursuivre : si la mise en cellule d’isolement reste, elle, une pratique courante, son usage bouge lui aussi. « Avant, ils ciblaient beaucoup les leaders ou les personnes supposées telles, et les mettaient en isolement ou les déplaçaient de centre. Aujourd’hui ça ne répond plus à cette logique ; on voit que c’est aléatoire, comme s’ils piochaient dans le groupe sans critère précis. » L’aléatoire peut être une stratégie de gestion propre, efficace à des fins d’intimidation collective, pouvant aller jusqu’à tétaniser toute résistance, voire terroriser, tant la délimitation de la « zone de danger » n’est plus perceptible. Cette technique est courante dans tous les lieux de privation de liberté, où les mauvais traitements sont légion5. Lorsque les pratiques oppressives échappent au sens, à la compréhension, cela renforce le sentiment que les pouvoirs qui les organisent sont d’une grande puissance. Les arrestations, les amendes et les procès pour l’exemple — pour les personnes sans titre de séjour, tout comme celles leur venant en aide — découlent de cette même logique.
L’actualité des procès en Belgique illustre un autre aspect de ces politiques visant à dissuader et décourager toute contestation : ce n’est plus l’acte d’un individu, dans un contexte déterminé et spécifique, qui est condamné, visé, réprimé, mais la potentialité même de s’opposer à une politique gouvernementale. Les procès politiques sur ce sujet sont nombreux, et ceux visant Cedric Herrou, particulièrement médiatisés, ont très rapidement montré la ligne à ne pas franchir… Dès 2017, lors d’un procès en appel, l’avocat général avançait qu’une qualification d’aide humanitaire (soit une non pénalisation) ne pouvait s’appliquer « quand l’aide s’inscrit dans une contestation globale de la loi6 ». Par ailleurs, les témoignages collectés par ces deux collectifs révèlent que les violences, mauvais traitements et sévices perpétrés par la police contre les exilés en précarité de séjour seraient en nette augmentation — avec une systématisation des nuits au cachot avant libération le lendemain.
Dans un article paru en 2016, Olivier Clochard, chercheur au CNRS et membre du réseau Migreurop, fait état des différentes modalités de lutte à l’intérieur de plusieurs lieux de détention pour étrangers, à travers l’Europe. Il écrit ainsi : « Par diverses manifestations, les individus tentent donc de résister à l’assignation à vivre enfermés en commettant différentes actions ou en interpellant autant qu’ils le peuvent les acteurs qui les entourent et ceux situés à l’extérieur (associations, médiateurs, journalistes, chercheurs, etc.), susceptibles de dénoncer et de faire évoluer leur situation, qu’ils considèrent comme injuste. » Faire savoir, mais aussi articuler les luttes, pour décupler leur force. En Belgique, la CRER et GVO organisent régulièrement des actions devant un centre fermé : elles visent non seulement à « faire voir » , en amenant des gens devant ces lieux souvent excentrés, loin des regards ; à manifester un refus contre cette politique d’enfermement ; à démontrer un soutien et une lutte commune avec les personnes enfermées. Et ça n’est pas sans effets sur les détenus7. Depuis quelque temps, ces institutions mettent en place de nouvelles mesures : les détenus sont déplacés d’aile afin de les empêcher de voir la mobilisation depuis leurs fenêtres. « Ils organisent même parfois des tournois de babyfoot, mettent de la musique très fort pour que les personnes dedans n’entendent pas notre présence devant », s’indigne un des deux militants. Les possibilités d’alliances, à l’intérieur de ces espaces comme avec l’extérieur, sont méthodiquement empêchées. Mais si les luttes de l’intérieur semblent toujours plus marquées de désespoir, elles ne cessent de démontrer leur force et leur persévérance — à l’instar des personnes qui parviennent à communiquer avec l’extérieur, témoigner, rassembler des informations, prévenir des expulsions à venir, envoyer des photos de ce qui se produit entre ces murs8…
Moins d’arrivées et plus de camps
Depuis 2016, le nombre de personnes en demande d’asile a considérablement diminué en Belgique, pour revenir aux proportions connues depuis le début des années 2000. Sur les 20 dernières années, 20 à 25 000 demandes d’asile y ont été enregistrées chaque année : seule l’année 2015 (trompeusement appelée « crise migratoire »9 dans toute l’Europe) a vu près de 45 000 personnes y demander protection. En 2017, les demandes d’asile avaient chuté de près de 61 %, à l’instar du nombre d’arrivées dans toute l’Europe, qui avait diminué de moitié10. Plus encore, le nombre de « franchissements illégaux » des frontières européennes est passé de 2,3 millions, en 2015 et 2016, à « 150 114, le niveau le plus bas depuis cinq ans ».
« En 2017, les demandes d’asile avaient chuté de près de 61 %, à l’instar du nombre d’arrivées dans toute l’Europe, qui avait diminué de moitié. »
Mais on ne trouve de cette réalité aucun écho dans les discours et mesures politiques belges. Tous les indicateurs de surface laissent penser le contraire. En premier lieu, l’allongement des délais d’attente pour enregistrer une demande d’asile en 2019 : il faut compter entre quatre à six mois pour pouvoir introduire une demande d’asile ultérieure11 à l’Office des étrangers, soit la toute première étape d’une procédure déjà longue — l’argument avancé étant que l’office est débordé. Les centres d’accueil pour personnes en demande d’asile sont pleins à craquer : « On était déjà six, parfois huit par chambre. Maintenant, ils ont ajouté un étage aux lits superposés, et dans certaines chambres il y a même des lits de camps : c’est du délire », nous révélait un demandeur d’asile au cours d’un échange. Les conditions de vie dans ces lieux étaient pourtant déjà bien difficiles, du fait d’une promiscuité très importante, d’une concentration de personnes sur un mode « ghettoïsation » et d’un contrôle social quotidien stricte et souvent infantilisant12.
Pour ne citer qu’un autre point : la présence toujours plus visible de personnes au parc Maximilien ou autour de la gare du Nord à Bruxelles13 ne manquent pas de donner une sur-visibilité au phénomène. En Belgique comme ailleurs, les regroupements de personnes en des lieux géographiques précis — de par, notamment, les fermetures de frontières ou l’insuffisance organisée de l’« accueil » des demandeurs d’asile — servent de leviers à la mise en scène toujours plus obscène d’un problème construit de toutes pièces : la soi-disant arrivée massive et incontrôlable de migrants14. Les trajectoires d’exil sont devenues plus difficiles au fil des ans, du fait, notamment, de l’augmentation des dispositifs d’enfermement, de police et de blocages aux frontières via l’agence Frontex dont le budget et les attributs ne cessent d’augmenter. Un très grand nombre de personnes ne vivent pas ici leur premier enfermement : elles ont été détenues dans plusieurs camps, plusieurs espaces, tout au long du chemin, où elles ont vécu sévices et mauvais traitements. Qu’il s’agisse de camps d’attente « avant d’être admis sur le territoire » ou « avant d’être expulsé« 15, ils ne cessent d’augmenter, alors que les chiffres d’arrivées, eux, diminuent.
L’enfermement des étrangers : nouveau business ?
« Le marché de l’enfermement, et les gains qui en découlent, ne peuvent que devenir le moteur à l’expansion de ces lieux. »
Le gouvernement de Charles Michel16 avait décidé, en mai 2017, de doubler la capacité de détention en Belgique en construisant trois nouveaux centres fermés d’ici 2021 — portant le total des places à 1 066, réparties sur huit sites. La France avait pour sa part déjà doublé la sienne entre 2003 et 2008. L’argument politique avancé pour justifier l’enfermement d’étrangers est celui d’une mesure de dernier recours, visant à augmenter l’effectivité de l’expulsion du territoire de personnes en situation dite irrégulière17 Dans son rapport « La détention des migrants dans l’Union européenne : un business florissant », en date de 2016, Lydie Arbogast, elle aussi membre du réseau Migreurop, démontre que cela ne se vérifie nullement dans les faits. Non seulement plusieurs États de l’Union européenne auraient systématiquement recours à l’enfermement, mais les chiffres révéleraient un faible taux d’expulsions effectives. Il faudrait également ajouter à cela que bon nombre d’entre elles, en vertu des accords Dublin, se font à destination de l’État européen jugé responsable de la demande d’asile. Concrètement, cela revient à dire que des centaines de personnes sont régulièrement expulsées de la Belgique vers la France (ou inversement), et qu’elles ne manqueront pas de refaire le chemin dans l’autre sens, pour des raisons diverses et légitimes.
La réalité s’avère bien loin des intentions politiques affichées ; pour en avoir un aperçu, cependant, rien d’évident : les chiffres des expulsions demeurent pour le moins opaques18. De même, il existe très peu de communication quant à la dimension financière de ces « politiques de retour forcé » : ce rapport y pallie. Il montre de manière édifiante l’implication grandissante de sociétés privées : « […] de leur construction à leur administration en passant par les activités liées à leur intendance (restauration, blanchisserie, ménage, etc.), les camps d’étrangers représentent une source de profits pour de nombreuses entreprises. » Des milliards d’euros circuleraient dans ces nouveaux marchés. Une différence de gestion public/privé apparaît dans les pays européens : du Royaume-Uni, dont le système de détention est quasi totalement privatisé (sur le modèle carcéral étasunien), à la France ou la Belgique, où la gestion reste sous autorité publique mais avec une sous-traitance conséquente de services et une forte délégation aux ONG de l’accompagnement social et juridique.
En Belgique, la somme forfaitaire allouée par l’État par jour de détention est passée de 40,80 euros en 2007 à 192 euros, 10 ans plus tard19. L’idéologie néolibérale, appelant de tous ses vœux les privatisations, sait exister sous diverses formes ; quoiqu’il arrive, elle porte en elle la logique du « moindre coût réel pour le plus de bénéfices ». Tout cela ne peut que produire plus d’enfermements, dans des conditions toujours plus dégradantes : leurs effets délétères ne feront que s’ajouter à ceux de la privation de liberté. Ces dispositifs de détention ne sont d’ailleurs qu’une partie (sans doute centrale) de ce marché : il faudrait ajouter à cela le business des expulsions20 — un élu de gauche, du Parti du travail de Belgique (PTB), s’étonnait du coût exorbitant de certains tickets d’avion. En 2018, l’État belge a ainsi dépensé 88,4 millions d’euros dans cette politique de retour forcé21. Les parallèles avec l’univers carcéral sont nombreux, en particulier, ici, avec ce qu’Angela Davis appelle le « complexe pénitentiaire industriel ». Le marché de l’enfermement, et les gains qui en découlent, ne peuvent que devenir le moteur à l’expansion de ces lieux — les lois et justifications politiques afférentes ne manqueront pas d’être créées, et leur forme évoluera.
« En Belgique, la somme forfaitaire allouée par l’État par jour de détention est passée de 40,80 euros en 2007 à 192 euros 10 ans plus tard. »
Ce 2 avril 2020, un énième scandale a éclaté en Belgique : alors que des rallongements des délais de justice étaient accordés du fait de l’impact de la crise sanitaire actuelle dans le traitement des dossiers, seules les procédures concernant les étrangers et les détenus étaient exclues de cet accord. Ni les entraves à l’accès réel à la justice en ces temps de paralysie généralisée, ni le faible poids de la question migratoire en des temps de crise globale n’ont eu raison de la perpétuation de ces pratiques racistes. Il y eut bien des appels22 à la libération de toutes les personnes enfermées pour raison administrative, ou encore une demande de suspension des expulsions ; mais aucune n’a abouti. C’est que la machine à produire des sans-papiers ne manque pas de fournir une force de travail des plus asservissables, en ce qu’elle constitue l’archétype moderne d’une « armée de réserve du capital » — en atteste le virage politique drastique italien, où il serait question de régulariser 200 000 personnes afin de relancer la production agricole, fortement impactée par la crise du coronavirus. En Belgique, on estime à 150 000 les personnes en situation de séjour irrégulière, dont un très grand nombre le sont depuis plusieurs années. Une force de travail exploitable à merci, un levier pour exploiter plus encore l’ensemble des travailleurs. Si un marché peut se créer dans l’intervalle, l’occasion ne sera pas manquée. Mais la lutte, elle aussi, se poursuit partout : la semaine passée les collectifs de sans-papiers de Belgique et de France l’ont encore rappelé23.
Illustrations de bannière et de vignette : Monique Schep | https://www.moniqueschep.nl
- Maëlle Maugendre, Femmes en exil. Les Réfugiées espagnoles en France 1939–1942, Presses universitaires François-Rabelais, 2019.[↩]
- Le centre 127, situé sur l’aéroport militaire de Melsbroek.[↩]
- On peut questionner l’intérêt politique de diviser en plusieurs catégories ce qui relève pourtant d’une lutte commune : celle d’obtenir des droits égaux au reste de la population d’un territoire donné, ainsi que des conditions de vie dignes. Voir notamment une interview des gilets noirs en lutte, sur le site acta.zone.[↩]
- Lire le témoignage que nous avons publié d’une personne ayant été plusieurs fois détenue.[↩]
- Si l’on prend la pratique de la torture comme la figure extrême du mauvais traitement, l’ACAT montre que plus de la moitié des pays du monde l’exercent. On ne peut que saisir les proportions de mauvais traitements « moindres » pratiqués au quotidien dans ces lieux.[↩]
- La citation complète est « Quand l’aide s’inscrit dans une contestation globale de la loi, elle n’entre pas dans les exemptions prévues mais sert une cause militante, et non une réponse à une situation de détresse. Ce service constitue, à ce titre, une contrepartie. »[↩]
- Le site de GVO recense, brièvement, de nombreuses réactions.[↩]
- Rappelons qu’en Belgique, tous les téléphones munis d’une caméra sont confisqués au début de la détention, afin qu’aucune image ne puisse sortir.[↩]
- Cette expression, couramment employée, pose au moins deux problèmes : une crise est quelque chose d’inattendu et imprévisible, laissant imaginer que c’est le nombre d’arrivées, exceptionnellement haut, qui aurait fait « crise ». Non seulement ces déplacements de personnes étaient prévisibles et logiques, puisque découlant d’un contexte international de guerres, mais le continent européen a vu arriver sur son vaste territoire de plus de 500 millions d’habitants à peine plus de personnes que n’a accueilli le Liban, petit pays de 4 millions d’habitants.[↩]
- « En 2018, l’Union européenne a reçu 634 700 demandes de protection internationale […] 728 470 demandes en 2017 et presque 1,3 million en 2016. » Chiffres et analyses du Parlement européen.[↩]
- On appelle « ultérieure » toute demande qui n’est plus la première.[↩]
- Carolina Kobelinsky, L’accueil des demandeurs d’asile. Une ethnographie de l’attente, Éditions Le Cygne, 2010.[↩]
- Depuis 2015, ces lieux sont devenus ceux de regroupement des personnes exilées cherchant, pour la plupart, à se rendre au Royaume-Uni mais bloquées en Belgique contre leur gré.[↩]
- Michel Agier, Le couloir des exilés — Être étranger dans un monde commun, Éditions du Croquant, 2011.[↩]
- Plusieurs types de camps d’enfermements existent : ceux dans lesquels les personnes sont retenues avant d’être admises sur le territoire européen pour y introduire une demande de régularisation (en sortir ne revient donc pas à dire qu’elles obtiennent un droit de séjour) ; ceux en attente d’une expulsion ; et une troisième catégorie qui combine les deux fonctions.[↩]
- Entre fin 2014 et fin 2018, le gouvernement fédéral du Royaume de Belgique, de coalition, a été dirigé par le Mouvement réformateur (MR, parti de droite et centre-droit), et dans lequel pour la première fois siégeait un parti nationaliste flamand, la N‑VA.[↩]
- L’enfermement est avancé pour assurer une expulsion en raison d’un « risque de fuite » ou d’une probabilité élevée que « le ressortissant concerné évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ».[↩]
- Il faut croiser plusieurs chiffres, depuis diverses sources officielles, et vérifier ce que chaque terme recoupe. « Refoulements effectifs », « retours forcés », « rapatriements » ne désignent pas la même chose. Les statistiques officielles transmises par l’Office des étrangers en 2017 montrent que sur plus de 30 000 « décisions prises après interception par la police », 15 776 obligations de quitter le territoire (OQT) sont délivrées, 7 105 décisions d’enfermement (premier écrou) deviennent effectives, 5 741 expulsions ont lieu depuis le centre fermé, dont plus de 1 000 concernent des renvois Dublin (donc des déplacements à l’intérieur de l’Europe). Dans ce chiffre des expulsions sont également comptabilisés les cas de plusieurs centaines de ressortissants européens, renvoyés de la Belgique vers leur pays de nationalité, européenne.[↩]
- Voir le compte-rendu des échanges du 5 mars 2018 de la Chambres des représentants de Belgique, p. 425.[↩]
- Lire notre article « Machine à expulser : Brussels Airlines à la manœuvre ».[↩]
- Voir l’analyse du Ciré de décembre 2019.[↩]
- Un nouvel appel en date du 22 avril 2020 a été lancé.[↩]
- Un groupe de sans-papiers a mené une action éclair à Bruxelles ; en France, voir l’appel des gilets noirs.[↩]
REBONDS
☰ Lire notre article « Machine à expulser : Brussels Airlines à la manœuvre », Brussels Airlines Stop Deportations, décembre 2019
☰ Lire notre rencontre « Penser l’immigration : Olivier Besancenot et Danièle Obono », novembre 2018
☰ Lire notre témoignage « Semira Adamu — résister en centre fermé », septembre 2018
☰ Lire notre entretien avec Jacques Bidet : « Marx et l’immigration : mise au point », septembre 2018
☰ Lire notre reportage « Andalousie : la mer de plastique et le fantôme de Juan Goytisolo », Louis Raymond et Ramiro Gonzalez Coppari, décembre 2017
☰ Lire notre témoignage « De réfugié à fugitif », novembre 2017
☰ Lire notre entretien avec le Gisti : « Droit d’asile, ça se durcit d’année en année », novembre 2017