L’Espagne rouge et noire de Murray Bookchin


Texte inédit | Ballast

Dans sa pré­face aux Anarchistes espa­gnols, Murray Bookchin rap­pelle « la place consé­quente » que la guerre civile qui s’est dérou­lée dans la pénin­sule ibé­rique de 1936 à 1939 a occu­pé au cours de son ado­les­cence. « Membre des Jeunesses com­mu­nistes, je m’étais por­té volon­taire pour prendre part aux com­bats, mais on m’avait refu­sé en rai­son de mon âge. » Et d’a­jou­ter que « j’ai tout de même fini par en savoir assez sur la situa­tion pour rompre com­plè­te­ment avec les sta­li­niens et com­men­cer à sym­pa­thi­ser avec d’autres mou­ve­ments, d’abord anti­sta­li­niens puis socia­listes liber­taires ». Support d’un tour­nant idéo­lo­gique, la guerre d’Espagne a été un jalon déter­mi­nant dans la vie du théo­ri­cien états-uniens. Son œuvre en porte-t-elle la trace ? Quel héri­tage de l’a­nar­cho-syn­di­ca­lisme chez Bookchin ? C’est ce qu’a­na­lyse ici le phi­lo­sophe Christian Solioz en reve­nant sur la tra­duc­tion récente et inédite, aux édi­tions Lux, des Anarchistes espa­gnols.


L’insurrection mili­taire contre la République les 17 et 18 juillet 1936 pré­ci­pite une révo­lu­tion sociale d’une ampleur insoup­çon­née : auto­ges­tion d’usines et de ser­vices publics, régimes fon­ciers com­mu­naux, sys­tèmes de logis­tique liber­taires, conseils ouvriers et pay­sans, démo­cra­tie directe et déli­bé­ra­tive, fédé­ra­tions de conseils et col­lec­ti­vi­tés. Simultanément, la guerre d’Espagne (1936 –1939) vient de com­men­cer. « Le scan­dale le plus immonde de l’histoire de l’humanité1 » rugit un Thomas Mann, soli­daire de Federico García Lorca et véhé­ment comme Georges Bernanos. Trop sou­vent, la guerre civile a mas­qué la révo­lu­tion sociale et le rôle déci­sif des anar­chistes, tout par­ti­cu­liè­re­ment de la CNT-FAI2. Aux côtés d’autres études qui font auto­ri­té, Les Anarchistes espa­gnols de Murray Bookchin per­met de prendre la mesure de l’importance de l’anarchisme en Espagne.

Dans le labyrinthe espagnol (1868–1936) 

Hommage aux anarchistes espagnols

Bien que Bookchin ne soit pas un his­to­rien his­pa­niste, le mérite de son livre est double : pre­miè­re­ment, il évite l’écueil d’une his­toire évé­ne­men­tielle en retra­çant — atten­tif aux par­ti­cu­la­rismes et régio­na­lismes spé­ci­fiques au pays — les dyna­miques socio-éco­no­miques, cultu­relles et poli­tiques propre à l’Espagne des années 1868 à 1936. Cette approche est d’autant plus indis­pen­sable que « les trans­for­ma­tions struc­tu­relles qui affec­tèrent l’Espagne au cours des trois pre­mières décen­nies du XXe siècle sont la base orga­nique de la crise révo­lu­tion­naire et de la Guerre civile3 » et per­mettent de com­prendre tant les méta­mor­phoses que la mon­tée en puis­sance de la mou­vance anarchiste. 

« Trop sou­vent, la guerre civile a mas­qué la révo­lu­tion sociale et le rôle déci­sif des anarchistes. »

Deuxièmement, en met­tant l’accent sur l’anarchisme espa­gnol, Bookchin contri­bue à une his­toire de la contre-culture des années trente en Espagne, qui intègre les dis­cours et pra­tiques des milieux liber­taires dans un pays où, cas unique, les idées de Bakounine don­nèrent nais­sance en juillet 1936 à un mou­ve­ment de masse et à un pro­ces­sus révo­lu­tion­naire liber­taire. L’approche rete­nue par Bookchin, ins­pi­ré par l’é­cri­vain bri­tan­nique et auteur du Labyrinthe espa­gnol Gerald Brenan, est de pri­vi­lé­gier une pers­pec­tive his­to­rique contex­tua­li­sant cette mou­vance qui ne se limite pas au « bref été de l’anarchie4 » en 19365. Il ne s’agit donc pour l’auteur pas tant d’investiguer le mou­ve­ment spon­ta­né de col­lec­ti­vi­sa­tion dans l’agriculture, l’industrie et les ser­vices publics et la mise en place, les suc­cès et échecs d’un sys­tème d’autogestion rele­vant du conseillisme6, que d’étudier le mou­ve­ment social qui a jeté les bases de ces struc­tures sociales liber­taires : le mou­ve­ment anar­chiste espagnol.

Tout au long de son livre, Bookchin insiste sur « les enjeux orga­ni­sa­tion­nels et sociaux qui ont mar­qué la période où l’anarchisme espa­gnol a connu son essor » et démontre de manière convain­cante que « durant près de trois géné­ra­tions, des tra­vailleurs et des pay­sans ordi­naires sont par­ve­nus à bâtir les orga­ni­sa­tions sur les­quelles allaient repo­ser ces col­lec­tifs » de l’été 1936. Ce sont donc les « années héroïques », cou­rant de 1868 à 1936, pas seule­ment cette der­nière année, qui ont été mar­quées « par un pro­ces­sus fas­ci­nant d’expérimentation de formes orga­ni­sa­tion­nelles, de tech­niques de prise de déci­sion, de valeurs indi­vi­duelles, d’objectifs édu­ca­tifs et de méthodes de lutte ». 

[Hilma af Klint]

Si le livre de Bookchin a le sou­ci de retra­cer les grandes étapes de l’anarcho-syndicalisme espa­gnol, il ne perd jamais de vue sa dimen­sion éthique ni son ancrage dans le quo­ti­dien. Le style de vie pro­mu est gui­dé par la volon­té d’une trans­for­ma­tion radi­cale de l’individu selon des prin­cipes liber­taires : « Les anar­chistes espa­gnols se sou­ciaient des aspects concrets d’une socié­té liber­taire future et dis­cu­taient avi­de­ment de presque tous les chan­ge­ments qu’une révo­lu­tion pour­rait appor­ter à leur vie quo­ti­dienne. Nombre d’entre eux met­taient immé­dia­te­ment leurs prin­cipes en pra­tique, dans la mesure où il leur était humai­ne­ment pos­sible de le faire. Des mil­liers d’entre eux modi­fiaient leur ali­men­ta­tion et renon­çaient à des vices créa­teurs de dépen­dance comme la consom­ma­tion d’alcool ou de tabac. » Outre des liens poli­tiques évi­dents, c’est sur­tout un pro­fond enga­ge­ment per­son­nel qui anime les groupes d’affinité anar­chistes : « S’inscrivant dans un mou­ve­ment qui prô­nait l’action directe, ces groupes pro­dui­saient des indi­vi­dus dotés d’une force de carac­tère et d’une audace excep­tion­nelles. »

Tout au long de son livre, Bookchin envi­sage le mou­ve­ment anar­chiste espa­gnol « comme l’expression des milieux popu­laires espa­gnols eux-mêmes plu­tôt que comme un ensemble de doc­trines liber­taires her­mé­tiques ». Malgré l’échec en 1936, défaite impu­tée à l’irrésolution des lea­ders auto­pro­cla­més, mal­gré l’épouvantable tra­gé­die de la guerre civile, l’éloge de l’idéalisme de celles et ceux qui ont com­bat­tu et sont morts sous le dra­peau rouge et noir s’impose : « Ces morts méritent l’hommage mini­mal qui consiste à iden­ti­fier l’anarchisme à la révo­lu­tion sociale, et non aux concepts à la mode de décen­tra­li­sa­tion et d’autogestion qui coexistent en tout confort avec le pou­voir d’État, l’économie de mar­ché et les mul­ti­na­tio­nales. » En effet, ajoute Bookchin, « les concep­tions de la com­mune, de l’autogestion et de l’innovation tech­no­lo­gique que défen­daient les anar­chistes espa­gnols sont tota­le­ment incom­pa­tibles avec tout sys­tème fon­dé sur le pou­voir d’État et la pro­prié­té pri­vée, et imper­méables à tout com­pro­mis avec la socié­té bour­geoise ».

Premier bilan 

« Malgré l’échec en 1936, mal­gré l’épouvantable tra­gé­die de la guerre civile, l’éloge de l’idéalisme de celles et ceux qui ont com­bat­tu et sont morts sous le dra­peau rouge et noir s’impose. »

Dès la mi-août 1936, la CNT-FAI dis­sout les dif­fé­rents comi­tés révo­lu­tion­naires ain­si que colec­ti­vi­dades et accepte la mili­ta­ri­sa­tion de la milice afin de pou­voir par­ti­ci­per aux deux gou­ver­ne­ments répu­bli­cains : le gou­ver­ne­ment cen­tral ain­si que le gou­ver­ne­ment régio­nal auto­nome de Catalogne. Aux oubliettes la longue tra­di­tion d’antipolitique et d’action directe qui remonte au pre­mier congrès de l’Internationale espa­gnole orga­ni­sé en 1870 à Barcelone7. La rai­son d’être d’un mou­ve­ment his­to­rique s’effondre en deux temps, d’abord le 26 sep­tembre 1936 par l’entrée de trois ministres CNT au gou­ver­ne­ment de la Catalogne, puis le 4 novembre 1936 par la nomi­na­tion de quatre ministres CNT dans le gou­ver­ne­ment du socia­liste Francisco Largo Cabellero, le « Lénine espagnol ». 

Nécessité fait loi, l’urgence était alors de gagner la guerre. « Il fal­lait faire taire les prin­cipes, faire des conces­sions tran­si­toires8 » com­mente le mili­tant anar­co-syn­di­ca­liste Gaston Leval. Après avoir pen­dant la guerre sou­te­nu la par­ti­ci­pa­tion gou­ver­ne­men­tale, Leval s’y oppose fer­me­ment : « Quand on fait le bilan de ce col­la­bo­ra­tion­nisme on arrive à la conclu­sion que la pro­me­nade dans les allées du pou­voir fut néga­tive en tous points9. » Comme le sou­ligne l’historien his­pa­niste François Godicheau, la guerre civile pré­ci­pite le ren­for­ce­ment de l’État et l’institutionnalisation de la mou­vance anar­chiste qui, sur le point de réa­li­ser son « idée », tourne le dos à ses prin­cipes fon­da­teurs10

[Hilma af Klint]

Le bilan que dresse pour sa part Bookchin se fait à l’aune de sa phi­lo­so­phie poli­tique. Il sou­ligne ain­si dans son cha­pitre conclu­sif que l’anarchisme espa­gnol, tout par­ti­cu­liè­re­ment en Catalogne, « pour­rait avoir mar­qué […] la der­nière étape du déve­lop­pe­ment du socia­lisme pro­lé­ta­rien révo­lu­tion­naire avant que ce der­nier ne dégé­nère en variante de l’idéologie capi­ta­liste-éta­tiste ». Si l’auteur rap­pelle les acquis des années héroïques, arguant que « les ouvriers ont pris le contrôle de l’industrie et les pay­sans for­mé des col­lec­tifs libres de ges­tion des terres, mais, en de nom­breux endroits, l’argent a même été abo­li, et des normes com­mu­nistes des plus radi­cales ont été sub­sti­tuées aux concep­tions bour­geoises du tra­vail, de la dis­tri­bu­tion et de l’administration », il n’en est pas moins conscient des limites du syn­di­ca­lisme révo­lu­tion­naire espa­gnol. Même en cas d’une très hypo­thé­tique vic­toire, l’auteur doute qu’une socié­té anar­cho-syn­di­ca­liste aurait pu se déve­lop­per. Cette lec­ture cri­tique ne l’empêche pas de sou­li­gner que « le génie de l’anarchisme espa­gnol rési­dait dans sa capa­ci­té à unir les pré­oc­cu­pa­tions du socia­lisme pro­lé­ta­rien clas­sique à des aspi­ra­tions plus larges et plus contem­po­raines », soit l’aspiration à vivre dans « une socié­té liber­taire non hié­rar­chique […] dont les membres seraient regrou­pés en col­lec­ti­vi­tés libres, pra­ti­que­raient la démo­cra­tie directe et contrô­le­raient plei­ne­ment leur vie quo­ti­dienne ».

Évolution des positions de Bookchin

Au cœur de son œuvre, l’anarchisme espagnol

Bookchin escomp­tait reve­nir dans un second volume sur la période 1936–1939, pro­jet qui ne ver­ra pas le jour. L’auteur men­tionne deux rai­sons : d’une part, à par­tir de la fin de l’été 1936, la direc­tion de la CNT-FAI s’éloigne de ses prin­cipes et, d’autre part, « l’anarchisme et l’anarcho-syndicalisme espa­gnols ont atteint leurs som­mets les plus remar­quables avant 1936 ». On retrouve cepen­dant l’anarchisme espa­gnol au cœur de dif­fé­rentes publi­ca­tions de Bookchin11. Il consacre notam­ment à la révo­lu­tion espa­gnole le qua­trième et ultime volet de son essai sur l’histoire révo­lu­tion­naire. Dans la pré­face à ce volume qui devait être le der­nier publié de son vivant, il sou­ligne que le temps lui a « géné­reu­se­ment accor­dé le pri­vi­lège de tes­ter et de réexa­mi­ner des idées qui, lorsque qu’il était jeune, lui sem­blaient indis­cu­tables12 ». Peu à peu, son appré­cia­tion de la mou­vance anar­chiste espa­gnole prend ses dis­tances des ana­lyses des experts (Peirats, Leval, Brenan et Bolloten) et his­to­riens (Bernecker, Ealham, Broué et Témime) pour pré­sen­ter un nar­ra­tif cri­ti­quant l’anarchisme au nom de la phi­lo­so­phie poli­tique qu’il a for­mu­lé entre temps. 

« Bookchin est conscient des limites du syn­di­ca­lisme révo­lu­tion­naire espa­gnol. Même en cas d’une très hypo­thé­tique vic­toire, il doute qu’une socié­té anar­cho-syn­di­ca­liste aurait pu se développer. »

Si les dis­sen­sions et que­relles internes au « muni­ci­pa­lisme liber­taire » expliquent en par­tie un chan­ge­ment de cap, il faut aus­si prendre en compte que l’auteur a évo­lué et déve­lop­pé sous le terme d’écologie sociale une phi­lo­so­phie poli­tique com­por­tant une cri­tique de l’anarchisme. Encore faut-il pré­ci­ser qu’il s’agit de l’anarchisme dans sa forme contem­po­raine comme l’expose en des termes par­ti­cu­liè­re­ment vifs le texte inti­tu­lé « L’anarchisme : révo­lu­tion sociale ou mode de vie ? ». Il y écrit que « ces pré­ten­dus anar­chistes ont déser­té le ter­rain social, que pri­vi­lé­giaient les anar­chistes de jadis, tant les anar­cho-syn­di­ca­listes que les révo­lu­tion­naires com­mu­nistes liber­taires, pour lui pré­fé­rer des coups de main ponc­tuels — ne néces­si­tant ni orga­ni­sa­tion ni cohé­rence intel­lec­tuelle — et, ce qui est plus inquié­tant, une atti­tude ouver­te­ment égo­tiste ali­men­tée par la déca­dence géné­ra­li­sée de l’actuelle socié­té bour­geoise13. » 

[Hilma af Klint]

Cette cri­tique s’inscrit dans une pers­pec­tive plus large ciblant éga­le­ment le mar­xisme, le syn­di­ca­lisme et le socia­lisme. Autant d’idéologies ayant une com­pré­hen­sion faus­sée de la poli­tique : « aucune n’a […] gar­dé la per­ti­nence qu’elles avaient dans des phases anté­rieures du déve­lop­pe­ment capi­ta­liste et à des périodes révo­lues du pro­grès tech­no­lo­gique. Aucune ne peut non plus espé­rer embras­ser la mul­ti­tude de ques­tions, d’options, de pro­blèmes et d’enjeux que le capi­ta­lisme n’a ces­sé de faire sur­gir au fil du temps14. » Dans un texte consa­cré à « L’avenir de la gauche » édi­té dans le recueil La Révolution à venir, l’auteur reprend son argu­men­ta­tion en insis­tant sur la capa­ci­té d’envisager le futur sans œillères : « En der­nière ana­lyse, l’avenir de la gauche dépend de sa capa­ci­té à accep­ter ce qui est per­ti­nent à la fois dans le mar­xisme et l’anarchisme pour aujourd’hui et demain. […] En fai­sant l’évaluation de la tra­di­tion révo­lu­tion­naire, une gauche rai­son­née doit se débar­ras­ser des tra­di­tions obso­lètes qui, comme Marx nous en aver­tis­sait, pèsent sur les vivants, et s’engager à créer une socié­té ration­nelle et une civi­li­sa­tion épa­nouie15. »

Vers le municipalisme libertaire

Dans les années 1960, Bookchin s’est appli­qué, sur un ton encore conci­liant, à redé­fi­nir l’anarchisme en com­bi­nant anar­chie, éco­lo­gie, démo­cra­ti­sa­tion directe et décen­tra­li­sa­tion16. L’auteur se fait plus mor­dant en 1995 avec la publi­ca­tion d’un livre de com­bat : Changer sa vie sans chan­ger le monde. Bookchin brûle ses vais­seaux, règle ses comptes tant avec la mou­vance anar­chiste dont il était une figure de proue17 que le syn­di­ca­lisme révo­lu­tion­naire, se dis­tan­cie du modèle des groupes affi­ni­taires — forme clas­sique d’organisation des anar­chistes et sou­vent pri­vi­lé­giés dans les milieux de la contre-culture et de la Nouvelle Gauche —, enfin, quitte à se fâcher avec tout le monde, cri­tique les ver­tus sup­po­sées de la spon­ta­néi­té révo­lu­tion­naire pour insis­ter sur l’importance de l’organisation et la néces­si­té d’élaborer des orien­ta­tions stra­té­giques pré­cises. Comme nous allons le voir, ces trois points trouvent leur ancrage dans sa relec­ture de l’anarchisme espa­gnol et mobi­lisent des notions capi­tales de sa phi­lo­so­phie politique. 

« Quitte à se fâcher avec tout le monde, Bookchin cri­tique les ver­tus sup­po­sées de la spon­ta­néi­té révo­lu­tion­naire pour insis­ter sur l’importance de l’organisation. »

Dans Une socié­té à refaire, publié en 1990, l’auteur s’emploie à redé­fi­nir les lignes de force de tout pro­jet révo­lu­tion­naire. Dans la lignées des tra­vaux de l’École de Francfort, la réfu­ta­tion du para­digme de l’ouvriérisme per­met d’« envi­sa­ger l’histoire en des termes d’intérêts plus vastes, comme la liber­té, la soli­da­ri­té, l’amour du sem­blable : le désir, véri­ta­ble­ment, de prendre une part active à l’équilibre de la nature. Ces centres d’intérêt n’étaient plus propres à une classe par­ti­cu­lière, à un sexe, une race ou une natio­na­li­té. Il s’agissait d’intérêts uni­ver­sels, com­muns à l’humanité dans son ensemble. Les pro­blèmes éco­no­miques et les conflits de classes ne pou­vaient certes pas être négli­gés, mais s’y can­ton­ner lais­sait de côté tout un ensemble de sen­si­bi­li­tés et de rela­tions per­ver­ties qu’il fal­lait au contraire affron­ter et cor­ri­ger dans la pers­pec­tive d’un chan­ge­ment social d’une plus grande por­tée18. » 

Pour le dire autre­ment, Bookchin a en vue l’intérêt social géné­ral, le « com­mun » avec pour lieu pri­vi­lé­gié l’espace muni­ci­pal, le « droit à la ville », dirait Henri Lefebvre, dont la créa­tion sup­pose non seule­ment enga­ge­ment dans la durée, mais aus­si réflexion et orga­ni­sa­tion. Impossible en effet pour Bookchin de ne pas prendre en compte les ques­tions de pou­voir, d’institutions sociales et de stra­té­gie poli­tique. La rup­ture avec l’anarchisme — tout par­ti­cu­liè­re­ment avec l’anarchisme indi­vi­dua­liste qua­li­fié de life­style anar­chism — est ici mani­feste. Plus avant, l’auteur déve­loppe une phi­lo­so­phie poli­tique en adé­qua­tion avec l’écologie sociale dont les piliers sont le « muni­ci­pa­lisme liber­taire » et la confé­dé­ra­tion de com­munes éco­lo­giques autonomes. 

[Hilma af Klint]

Non sans un clin d’œil à ce que Hannah Arendt appe­lait le « tré­sor per­du » des révo­lu­tions19, soit l’expérience moderne d’auto-institution démo­cra­tique en réfé­rence aux conseils de sol­dats et conseils ouvriers alle­mands (1918), sovié­tiques (Kronstadt, 1921) et hon­grois (1956), le « com­mu­na­lisme » s’affirme comme nou­velle pers­pec­tive poli­tique. Le « muni­ci­pa­lisme liber­taire » a pour objec­tif de rame­ner l’éthique dans la poli­tique, une éthique fon­dée sur le par­tage et la coopé­ra­tion, et à démo­cra­ti­ser son fonc­tion­ne­ment. En termes opé­ra­tion­nels, il « s’appuie sur des can­di­dats de la gauche liber­taire qui reven­diquent, au niveau muni­ci­pal, un décou­page des muni­ci­pa­li­tés en cir­cons­crip­tions per­met­tant la créa­tion d’autant d’assemblées popu­laires qui donnent aux citoyens les moyens de par­ti­ci­per direc­te­ment à la vie poli­tique. Ayant ain­si œuvré à leur propre démo­cra­ti­sa­tion, les muni­ci­pa­li­tés se confé­dé­re­raient en un pou­voir paral­lèle oppo­sé à l’État-nation20. » 

« Le muni­ci­pa­lisme liber­taire a pour objec­tif de rame­ner l’éthique dans la poli­tique, une éthique fon­dée sur le par­tage et la coopé­ra­tion, et à démo­cra­ti­ser son fonctionnement. »

En bref, l’État est l’intrus et il s’agit de réha­bi­li­ter la démo­cra­tie locale, de recon­fi­gu­rer l’économie au plan régio­nal ; de don­ner donc le pou­voir aux muni­ci­pa­li­tés mise en réseau dans une trame confé­dé­rale. On retrouve ici les idées tant de Lewis Mumford, dont Bookchin était proche, que celles de Léopold Kohr, auteur de L’Effondrement des puis­sances, ain­si que celles de l’écoanarchiste Peter Berg, figure de proue du bio­ré­gio­na­lisme. Ces posi­tions rap­pellent éga­le­ment celles défen­dues par Diego Abad de Santillan — l’une des plus grandes figures de l’anarchisme espa­gnol — qui cri­tique le loca­lisme pour lui pré­fé­rer une fédé­ra­tion de com­munes et conseils21.

Concept-clé pour Bookchin, le « com­mu­na­lisme », conçu comme une cri­tique de la socié­té hié­rar­chique et capi­ta­liste dans son ensemble, sou­ligne « la dimen­sion démo­cra­tique de l’anarchisme, son atta­che­ment à une admi­nis­tra­tion de la sphère publique par la majo­ri­té » ; d’où il res­sort que « la démo­cra­tie et l’anarchisme ne sont pas anti­thé­tiques ; la règle majo­ri­taire et les déci­sions non consen­suelles ne sont, de leur côté, nul­le­ment incom­pa­tibles avec une socié­té liber­taire22 ». Nul doute qu’avec ces pro­pos Bookchin ait en vue les pra­tiques de col­lec­ti­vi­sa­tion, de socia­li­sa­tion et le com­mu­nisme liber­taire expé­ri­men­tés dans l’Espagne révo­lu­tion­naire. Autant d’illustrations exem­plaires des quatre prin­cipes de base de l’au­teur : « une confé­dé­ra­tion de muni­ci­pa­li­tés décen­tra­li­sées ; une oppo­si­tion inébran­lable à l’étatisme ; une croyance en la démo­cra­tie directe ; et sa vision d’une socié­té com­mu­niste liber­taire23. »

Relire la révolution espagnole à l’aune d’une philosophie nouvelle

Différentes ana­lyses por­tant sur les expé­ri­men­ta­tions liber­taires en Espagne légi­ti­ment ce point de vue. Pris glo­ba­le­ment, les réus­sites de la révo­lu­tion sociale furent nom­breuses et « l’action sociale et cultu­relle fut sou­vent remar­quable et le bilan éco­no­mique hono­rable, quoique très divers et par­fois néga­tif dans l’industrie » selon les termes mesu­rés Bartolomé Bennassar. L’historien his­pa­niste tou­lou­sain pré­cise : « La réa­li­té de la révo­lu­tion liber­taire dans les anciens États de la Couronne d’Aragon (Catalogne, Aragon, Valence), en Nouvelle-Castille et dans une par­tie de l’Andalousie inté­rieure ne fait aucun doute. On peut même affir­mer que ce fut la ten­ta­tive de révo­lu­tion la plus pro­fonde et la plus com­plète jamais effec­tuée en Europe. Ce fut un mou­ve­ment mes­sia­nique dont l’ambition poli­tique, éco­no­mique, sociale et éthique, for­mu­lée ou non, était la nais­sance de l’homme nou­veau. Elle visait tout à la fois la nature et les formes de dési­gna­tion des pou­voirs de déci­sion, l’organisation du tra­vail et la répar­ti­tion de ses fruits, l’éducation, la culture et les loi­sirs24. » 

[Hilma af Klint]

L’hispaniste Walther Bernecker pré­sente quant à lui l’une des ana­lyses les plus rigou­reuse et détaillée de la révo­lu­tion. Il passe ain­si au peigne fin les pra­tiques du mou­ve­ment spon­ta­né de col­lec­ti­vi­sa­tion dans les sec­teurs res­pec­ti­ve­ment agri­cole, indus­triel et des ser­vices. Au terme de son étude, il sou­ligne que même si dans le domaine de l’agriculture il est dif­fi­cile d’obtenir des infor­ma­tions pré­cises, le bilan de cer­taines exploi­ta­tions col­lec­tives est « éton­nam­ment posi­tifs » ; dans le sec­teur indus­triel, si les élé­ments struc­tu­rels d’une éco­no­mie de guerre sont pré­sents, les expé­riences menées ont connu un « déve­lop­pe­ment dyna­mique » ; dans le domaine des trans­port publics à Barcelone, démons­tra­tion a été faite « de la capa­ci­té des tra­vailleurs cata­lans à assu­mer la res­pon­sa­bi­li­té de la direc­tion d’une grande entre­prise » et, dans les domaines socio-huma­ni­taire, cultu­rel et édu­ca­tif, ain­si que dans la sau­ve­garde com­mu­nau­taire des moyens de sub­sis­tance indi­vi­duels, l’auteur constate « que les col­lec­tifs ont rem­por­té des suc­cès incon­tes­tables25 ».

Bookchin concentre pour sa part son argu­men­ta­tion sur un point névral­gique de l’anarchisme et un enjeu stra­té­gique quant à l’issue de la révo­lu­tion : la ques­tion du pou­voir. Prenons un texte de 2002 : « C’est parce qu’elles et ils n’avaient pas les moyens d’analyser leur situa­tion que les syn­di­ca­listes (et les anar­chistes) espa­gnols, après avoir vain­cu les forces fran­quistes durant l’été 1936, se sont mon­trés inca­pables d’engager l’étape sui­vante et d’instaurer une forme de gou­ver­ne­ment ouvrier et pay­san26. » L’auteur fait réfé­rence ici au plé­num régio­nal de la CNT cata­lane du 23 juillet 1936. Au lieu de don­ner nais­sance à une « Commune de Barcelone » en chan­geant l’intégralité de l’ordre social comme c’était alors envi­sa­geable, le plé­num refu­sa de s’engager dans cette voie. Bookchin com­mente ce moment clé dans un texte inti­tu­lé « Anarchisme et pou­voir dans la révo­lu­tion espa­gnole » publié la même année : « En refu­sant d’exercer le pou­voir qu’il avait déjà, le plé­num ne l’a pas éli­mi­né en tant que tel — il l’a aban­don­né aux mains de ses alliés les plus per­fides » et de pré­ci­ser : alors que la CNT-FAI avait enfin les moyens de chan­ger la socié­té espa­gnole, « elle est res­tée hébé­tée, désta­bi­li­sée par la réus­site de ses membres ouvriers à atteindre les objec­tifs ins­crits dans sa rhé­to­rique. Il ne s’agit pas là d’un manque de nerf, mais d’un manque de pers­pec­tive théo­rique de la part de la CNT-FAI sur les mesures qu’elle aurait dû prendre pour conser­ver le pou­voir ».

« Bookchin concentre son argu­men­ta­tion sur un point névral­gique de l’anarchisme et un enjeu stra­té­gique quant à l’issue de la révo­lu­tion : la ques­tion du pouvoir. »

Publiée en 1948, l’analyse de Grandizo Munis, trots­kyste ortho­doxe cri­ti­quant toutes les orga­ni­sa­tions de l’Espagne répu­bli­caine, vient cor­ro­bo­rer celle de Bookchin : « le pro­lé­ta­riat espa­gnol pos­sé­dait avec la CNT une orga­ni­sa­tion de fort poten­tiel révo­lu­tion­naire. Elle aurait pu obte­nir la vic­toire à elle toute seule, si elle avait inté­gré la néces­si­té de conqué­rir le pou­voir poli­tique et de créer un État pro­lé­ta­rien. Menée par les idées anar­chistes, elle était condam­née à la défaite, à l’opportunisme et à sa propre ruine27. » Bien enten­du, cette impasse ne ren­voie pas qu’au contexte espa­gnol ; d’une manière géné­rale Bookchin y voit le symp­tôme d’un anar­chisme auquel il manque un « corps théo­rique cohé­rent ». L’alternative, selon lui : « Plutôt que de refu­ser le pou­voir qui lui était don­né par ses propres membres, la plé­nière de la CNT aurait dû l’assumer puis légi­ti­mer et approu­ver les nou­velles ins­ti­tu­tions, qui avaient déjà été créées, de sorte que le pro­lé­ta­riat et la pay­san­ne­rie espa­gnoles puissent main­te­nir leur pou­voir éco­no­mique et poli­tique. » Et de tirer la leçon de cette dou­lou­reuse expé­rience : « au lieu de fer­mer les yeux sur le pro­blème du pou­voir, les révo­lu­tion­naires sociaux doivent se deman­der com­ment lui don­ner une forme ins­ti­tu­tion­nelle concrète et éman­ci­pa­trice28. »

On retrouve la même ana­lyse for­mu­lée par Bookchin en des termes plus sévères dans The Third Revolution publié en 2005 : « Faute de diri­geants com­pé­tents, le pro­lé­ta­riat espa­gnol s’est doté de diri­geants mal ins­pi­rés. Federica Montseny, Juan García Oliver et Diego Abad de Santillán étaient certes idéa­listes et par­fois nobles, mais ils man­quaient cruel­le­ment de com­pré­hen­sion his­to­rique, d’engagement théo­rique et de capa­ci­tés stra­té­giques. Le résul­tat de leur lea­der­ship a été désas­treux : au début des années 1930, période non révo­lu­tion­naire, ces mili­tants influents appellent à des sou­lè­ve­ments et agissent comme si chaque grève signa­lait le début d’une insur­rec­tion. Mais lorsque la situa­tion révo­lu­tion­naire se pré­sente en 1936–1937, ils n’ont pas eu le cou­rage de fran­chir l’épineuse fron­tière qui sépare le capi­ta­lisme du com­mu­nisme liber­taire. » Bien enten­du, outre la logique interne à la mou­vance anar­chiste, l’importance de fac­teurs exo­gènes comme la mon­tée en puis­sance des com­mu­nistes, la mobi­li­sa­tion de la droite espa­gnole et le rôle des grandes puis­sances furent éga­le­ment déci­sifs et sont autant d’éléments invi­tant à nuan­cer les pro­pos de Bookchin.

[Hilma af Klint]

D’autres auteurs ana­lysent en des termes simi­laires les fac­teurs endo­gènes de l’échec de la révo­lu­tion. Outre Bernecker, l’historien Chris Ealham pense que la direc­tion de la CNT-FAI ne savait com­ment réus­sir une révo­lu­tion com­mu­niste liber­taire29. Le bilan de Brenan est quant à lui beau­coup plus cri­tique : « par rap­port à leurs objec­tifs pro­cla­més, mal­gré leurs grands airs révo­lu­tion­naires, les anar­cho-syn­di­ca­listes ne sor­tirent en défi­ni­tive jamais du cabo­ti­nage et de l’infantilisme », avant de de pour­suivre de manière plus nuan­cée : « Inefficace en tant que force révo­lu­tion­naire, l’anarchisme espa­gnol n’a rem­por­té que des suc­cès limi­tés dans la lutte pour l’amélioration des condi­tions de vie des tra­vailleurs, s’est applique à entra­ver l’action de tous les gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs, bons ou mau­vais, pro­gres­sistes ou réac­tion­naires. Cette atti­tude l’amena néces­sai­re­ment à s’allier à maintes reprises à la réac­tion. Néanmoins, il a expri­mé, bien mieux que ne pou­vaient le faire le socia­lisme ou le libé­ra­lisme, les aspi­ra­tions pro­fondes des pauvres, et c’est pour­quoi on ne peut négli­ger son influence morale30. »

Enfin, il est inté­res­sant d’inscrire cette dis­cus­sion dans une pers­pec­tive plus glo­bale. Dans La Démocratie des conseils, le cher­cheur Yohan Dubigeon invite à une com­pré­hen­sion dyna­mique de ces der­niers en tenant compte de leur pos­sible péren­ni­sa­tion. Dubigeon sou­ligne qu’« une construc­tion stra­té­gique favo­rable à l’instauration révo­lu­tion­naire du pou­voir des conseils est une condi­tion néces­saire — mais non suf­fi­sante — à la péren­ni­sa­tion de la démo­cra­tie par en bas31 ». Ceci dit, les cas aus­si bien russe, qu’allemand, hon­grois ou espa­gnol viennent rap­pe­ler que « les expé­riences de démo­cra­tie par en bas sont à la fois rares et instables, sou­vent coin­cées dans une tem­po­ra­li­té et un espace très courts » comme si elles étaient fata­le­ment « inca­pable de dépas­ser la tem­po­ra­li­té insur­rec­tion­nelle de la brèche32 ». Une brèche condam­née à se refer­mer. Le rêve bri­sé, reste le sou­ve­nir : « Peut-être la pre­mière phase d’une révo­lu­tion est-elle tou­jours la plus belle : quand toutes les espé­rances sont per­mises, quand tout semble facile, quand l’opposition entre l’idéal et la réa­li­té s’évanouit, quand aucune rou­tine n’entrave le vol des idées les plus auda­cieuses33. »

« Le mou­ve­ment anar­chiste espa­gnol est deve­nu pour Bookchin à la fois le révé­la­teur, bain d’arrêt et fixa­teur tant de la théo­rie que de la pra­tique liber­taires en chan­tier permanent. »

Si de toute évi­dence cer­taines ana­lyses de l’anarchisme espa­gnol sont fil­trées par la phi­lo­so­phie poli­tique de Bookchin, on peut éga­le­ment affir­mer que cette der­nière est signi­fi­ca­ti­ve­ment influen­cée par la révo­lu­tion liber­taire espa­gnole. Rappelons que la guerre d’Espagne a occu­pé une place signi­fi­ca­tive de sa jeu­nesse : « membre des Jeunesses com­mu­nistes, je m’étais por­té volon­taire pour prendre part aux com­bats, mais on m’avait refu­sé en rai­son de mon âge ». Plus Bookchin en apprend sur le conflit, plus il remet en ques­tion son affi­lia­tion d’abord au Parti com­mu­niste pour finir par « rompre com­plè­te­ment avec les sta­li­niens et com­men­cer à sym­pa­thi­ser avec d’autres mou­ve­ments, d’abord anti­sta­li­niens puis socia­listes liber­taires » avant que, dans les années 1960, cette sym­pa­thie pour le socia­lisme liber­taire devienne expli­ci­te­ment anar­chiste — c’est à ce moment qu’il publie Les Anarchistes espa­gnols. Par la suite, le mou­ve­ment anar­chiste espa­gnol devient pour Bookchin à la fois le révé­la­teur, « bain d’arrêt » et fixa­teur tant de la théo­rie que de la pra­tique liber­taires en chan­tier per­ma­nent. Reste la nos­tal­gie de ces « années héroïques » qui sont pour l’auteur « l’époque […] la plus inou­bliable — une époque où nous brû­lions de pas­sion pour des idéaux pour les­quels il valait la peine de se battre ». 

*

Autre contexte, autres néces­si­tés. S’il convient d’é­la­bo­rer de nou­velles façons d’envisager la socié­té, il importe cepen­dant de « renouer avec un socia­lisme éthique » et de faire montre d’une « une fidé­li­té inébran­lable à une vision ration­nelle de l’actualisation des poten­tia­li­tés humaines […], une fidé­li­té dont fai­saient preuve les mili­tants anar­chistes espa­gnols ».

Une bou­teille à la mer. 


Illustrations de ban­nière et de vignette : Hilma af Klint


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  1. Daté de 1936, ce texte-mani­feste dénonce la poli­tique de non-inter­ven­tion et traite les démo­cra­ties de « capi­ta­listes ». André Gide pré­face et publie le livre de Thomas Mann, Avertissement à L’Europe, (trad. Rainer Biemel), Gallimard, 1937, p. 50.[]
  2. Confédération natio­nale du tra­vail (fon­dée en 1910) — Fédération anar­chiste ibé­rique. Alors que la CNT est dis­soute pen­dant le Directoire d’abord mili­taire (1923–1925) puis civil (1925–1930) de Miguel Primo de Rivera, la FAI est fon­dée dans la clan­des­ti­ni­té en 1927.[]
  3. Grandizo Munis, Leçons d’une défaite pro­messe de vic­toire. Critique et théo­rie de la révo­lu­tion espa­gnole, 1930–1939, Paris, Science mar­xiste, 2017 (1948), p. 29.[]
  4. Expression qui ren­voi au roman de col­lage que Hans Magnus Enzensberger consacre à Buenaventura Durruti, Le Bref été de l’anarchie, Gallimard, 1975. []
  5. Bookchin ne suit cepen­dant pas Brenan lorsque celui-ci pré­sente l’anarchisme espa­gnol comme la relique d’un loin­tain pas­sé et le limite à être un mou­ve­ment pay­san et mil­lé­na­riste.[]
  6. Pour une approche scien­ti­fique, on se repor­te­ra à l’ouvrage de Walther Bernecker, Colectividades y Revolución Social. Anarquismo en la guer­ra civil españo­la 1936–1939, Grijalbo, 1982. Différents ouvrages, par­fois hau­te­ment pro­pa­gan­distes, rédi­gés par des anar­chistes ou anar­cho-syn­di­ca­listes — que Bookchin connais­sait per­son­nel­le­ment — méritent d’être men­tion­nés : Gaston Leval, Espagne liber­taire (36–39). L’œuvre construc­tive de la révo­lu­tion espa­gnole, Éditions du Monde Libertaire, 1983 (1971) ; Frank Mintz, L’Autogestion dans l’Espagne révo­lu­tion­naire, Maspero, 1976 ; Sam Dolgoff (Éd.), The Anarchist Collectives. Workers’ Self-Management in the Spanish Revolution, 1936–1939, Free Life Editions Inc., 1974 ; et José Peirats, La CNT dans la révo­lu­tion espa­gnole. Tome 1, Éditions Noir & Rouge, 2017.[]
  7. Les débats internes à la CNT-FAI sont expo­sés par l’historien anar­chiste, secré­taire de la CNT en exil en 1947, José Peirats, Une Révolution pour hori­zon. Les anar­cho-syn­di­ca­listes espa­gnols, 1869–1939, Éditions CNT-RP & Libertalia, 2013, p. 229–248. Voir aus­si José Peirats, La CNT dans la révo­lu­tion espa­gnole. Tome 2, Éditions Noir & Rouge, 2019.[]
  8. Gaston Laval, « L’Autogestion, l’État et la Révolution », Noir et Rouge, 1961, sup­plé­ment au n° 41, p. 16.[]
  9. Leval, Espagne liber­taire (36–39), op. cit., p. 363.[]
  10. François Godicheau, La Guerre d’Espagne. De la démo­cra­tie à la dic­ta­ture, Gallimard, 2006, p. 28.[]
  11. Murray Bookchin, To Remember Spain. The Anarchist and Syndicalist Revolution of 1936, AK Press, 1994.[]
  12. Murray Bookchin, The Third Revolution. Popular Movements in the Revolutionary Era. Volume 4, Continuum, 2005, p. VIII.[]
  13. Murray Bookchin, Changer sa vie sans chan­ger le monde. L’anarchisme contem­po­rain entre éman­ci­pa­tion indi­vi­duelle et révo­lu­tion sociale, Agone, 2019, p. 12.[]
  14. Murray Bookchin, La Révolution à venir. Assemblées popu­laires et pro­messes de démo­cra­tie directe, Agone, 2022, p. 11.[]
  15. Ibid., p. 279–280.[]
  16. Publié en 1971, Au-delà de la rare­té. L’anarchisme dans une socié­té d’abondance (Écosociété, 2016) ras­semble des essais ini­tia­le­ment parus dans la revue Anarchos dans les années 1960.[]
  17. Rappelons que Bookchin était en 1964 le co-fon­da­teur de la Fédération anar­chiste de New York.[]
  18. Murray Bookchin, Une socié­té à refaire. Vers une éco­lo­gie de la liber­té, Écosociété, 2010, p. 233.[]
  19. Le conseillisme est au cœur de la phi­lo­so­phie poli­tique de Hannah Arendt, Cornelius Castoriadis et Miguel Abensour. Lire Yohan Dubigeon, La démo­cra­tie des conseils. Aux ori­gines modernes de l’autogouvernement, Klincksieck, 2017 ; ain­si que l’ouvrage col­lec­tif, Communistes de Conseils contre le capi­ta­lisme d’État, Eterotopia, 2023.[]
  20. Bookchin, La révo­lu­tion à venir, op. cit., p. 145.[]
  21. Diego Abad de Santillan, « Le socia­lisme liber­taire dans la socié­té de l’avenir », Autogestion et socia­lisme. Études, débats, docu­ments, jan­vier-avril 1972.[]
  22. Bookchin, Changer sa vie sans chan­ger le monde, op. cit., res­pec­ti­ve­ment p. 101 et 102.[]
  23. Ibid., p. 106.[]
  24. Bartholomé Bennassar, La Guerre d’Espagne et ses len­de­mains, Tempus-Perrin, 2006 (2004), res­pec­ti­ve­ment p. 276 et p. 277.[]
  25. Walther Bernecker, Anarchismus und Bürgerkrieg. Zur Geschichte der Sozialen Revolution in Spanien 1936–1939, Graswurzelrevolution, 2006, p. 365.[]
  26. Bookchin, La Révolution à venir, op. cit., p. 16–17.[]
  27. Munis, Leçons d’une défaite pro­messe de vic­toire, op. cit., p. 60.[]
  28. Ibid., res­pec­ti­ve­ment p. 203, p. 204, p. 205 et p. 206.[]
  29. Chris Ealham, « From the sum­mit to the abyss : the contra­dic­tions of indi­vi­dua­lism and col­lec­ti­vism in Spanish Anarchism », dans Paul Preston et Ann L. Mackenzie (dir.), The Republic Besieged. Civil War in Spain, Edinburgh University Press, 1996, p. 140. Du même auteur : Les Anarchistes dons la ville. Révolution et contre-révo­lu­tion à Barcelone (1898–1937), Agone, 2021.[]
  30. Brenan, Le Labyrinthe espa­gnol. Origines sociales et poli­tiques de la guerre civile, Champ Libre, 1984 (1943), res­pec­ti­ve­ment p. 234 et p. 237.[]
  31. Dubigeon, La Démocratie des conseils, op. cit., p. 243.[]
  32. Ibid., res­pec­ti­ve­ment p. 216 et p. 242.[]
  33. Hanns-Erich Kaminski, Ceux de Barcelone, Allia, 2003 (1937), p. 8.[]

REBONDS

☰ Lire les bonnes feuilles « Les anar­chistes espa­gnols », Murray Bookchin, novembre 2023
☰ Lire notre article « Détruire le capi­ta­lisme : Lordon et Bookchin, une dis­cus­sion croi­sée », Victor Cartan, juin 2023
☰ Lire notre article « Le moment com­mu­na­liste ? », Élias Boisjean, décembre 2019
☰ Lire l’abécédaire de Murray Bookchin, sep­tembre 2018
☰ Lire notre entre­tien avec Susana Arbizu et Maëlle Maugendre : « Guerre d’Espagne : la parole aux femmes », juillet 2018
☰ Lire notre tra­duc­tion « Juana Doña, une mémoire de la guerre d’Espagne », décembre 2014


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Christophe Solioz

Philosophe et politologue, il travaille sur l’analyse des processus de transition et de démocratisation, ainsi que la coopération régionale dans les Balkans. Il est notamment l'auteur de Passages à Sarajevo (Georg, 2022) et de Belfast, ville partagée (L'Harmattan, 2024).

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