Fin 1860 : la victoire électorale de Lincoln pousse la Caroline du Sud à faire sécession — bientôt suivie par dix autres États. L’Union (le Nord industriel, protectionniste et majoritairement abolitionniste) et la Confédération (le Sud agraire, libre-échangiste et esclavagiste) vont se livrer bataille durant quatre ans. Des événements suivis en Angleterre comme en France. Karl Marx, qui publiera bientôt le premier volume du Capital, rédige des articles sur le sujet pour la presse européenne ; Élisée Reclus, qui ralliera la Commune la décennie suivante, a séjourné outre-Atlantique après avoir fui le régime de Louis-Napoléon Bonaparte. Dans un ouvrage récemment paru aux éditions Atelier de création libertaire, Les États-Unis d’Élisée Reclus, l’historien Ronald Creagh revient sur les écrits journalistiques du théoricien communiste allemand et du géographe libertaire français consacrés à la guerre de Sécession et à l’esclavage des Noirs : nous en publions quelques pages.
En 1860, Élisée Reclus a 30 ans, Karl Marx en a 45. Nous sommes encore aux lendemains des révolutions de 1848. Elles ont toutes « échoué ». Elles avaient pourtant secoué plusieurs des grandes capitales européennes et surtout le monde intellectuel. Elles ont laissé en héritage une tenace et anxieuse volonté de changement et une masse d’interrogations parmi les réformateurs et les révolutionnaires. Certains se sont enfuis ou sont partis en exil. Ainsi, Marx est à Londres quand éclate la guerre de Sécession, et il est très occupé à rédiger son grand livre, Le Capital. Il se dédie à l’étude de l’économie. Pour lui comme pour Reclus, la grande obsession, c’est de changer le monde. C’est dans cette perspective que tous deux interprètent chaque événement notable. Le philosophe allemand tient son information de la presse londonienne et aussi de lettres de ses correspondants aux États-Unis. Il bénéficiera pendant deux années d’un public beaucoup plus large que celui de Reclus. En effet, il écrit en allemand dans le journal populaire viennois Die Presse, et depuis 1851 en anglais pour le Daily Tribune, le quotidien républicain au plus grand tirage de New York.
« Pour Marx comme pour Reclus, la grande obsession, c’est de changer le monde. »
[…] En 1857, Reclus revient en France en assez piteux état après l’échec de son expérience en Colombie. Il réside à Paris avec son frère Élie et les siens, proches des premiers courants fouriéristes et socialistes de l’époque. […] La situation tendue aux États-Unis sera pour lui l’occasion de commenter les événements de la guerre de Sécession dans la prestigieuse Revue des Deux Mondes. Ce mensuel assez influent fait appel aux articles des anti-esclavagistes. Les informations n’arrivent qu’au compte-gouttes en France, les journaux se copient l’un l’autre, et l’information dont dispose le gouvernement n’est guère diffusée, sauf lorsque celui-ci y voit quelque intérêt1. Mais Reclus n’est pas un théoricien en pantoufles ; il peut se prévaloir d’avoir vécu sur les lieux mêmes de l’esclavage ; il bénéficie du savoir engrangé lors de son séjour en Louisiane. Il lit aussi les ouvrages sur le sujet qui paraissent en France. Et il a ses entrées à l’ambassade des États-Unis. […]
John Brown
La nuit du 16 octobre 1859, un certain John Brown organise un raid dans un village nommé Harper’s Ferry, où se trouve l’arsenal fédéral. Cela se passe dans le Sud, en Virginie, sur la rive où le grand fleuve Potomac croise la rivière Shenandoah. Qui est cet individu ? À l’âge de 12 ans il a vu la violence exercée sur un esclave. Il en a été traumatisé. Depuis, il est anti-esclavagiste et il a fini par décider d’abolir cette institution en suscitant une insurrection de tous les Noirs. Quelque temps plus tôt, l’avocat anarchiste Lysander Spooner lui a envoyé un projet d’affiche pour inviter les esclaves à susciter une insurrection, mais Brown lui a demandé de ne pas la diffuser, car il compte sur l’effet de surprise. Son expédition a été longuement préméditée. Parti avec seize Blancs et cinq Noirs, il attaque l’arsenal militaire fédéral qui compte quelque quatre cents ouvriers. Son but est de s’emparer des armes et de s’enfuir avec ses hommes avant que la nouvelle ne soit rendue publique. Il réussit son coup, mais comme les esclaves n’ont pas été avertis, leur révolte éventuelle ne peut avoir lieu, et la population locale est alertée. Brown est capturé par des hommes de la Marine US. Dix de ses partisans sont tués et lui-même sera condamné et pendu. Les États du Sud se réjouissent de ce que l’expédition ait été relativement minuscule. Ils craignent pourtant d’en voir d’autres se répéter.
[…] Dans les États du Nord, le parti républicain prend ses distances par rapport à John Brown et condamne son équipée. Il le traite de fanatique. L’opinion générale n’imagine pas plus de supprimer l’esclavage que d’abolir le salariat. Elle estime qu’il suffit d’assurer la bonne administration de chaque infrastructure. En fait, l’action de John Brown ne mobilise pour l’instant qu’une petite minorité de Blancs. En Angleterre, Marx souhaite sincèrement l’abolition de l’esclavage mais il attend tout autre chose. Les populations émancipées se joindront à la classe ouvrière et donneront un tour nouveau à la lutte des classes. Il écrit le 10 décembre [1859] à son ami Engels :
Selon moi, l’événement le plus mémorable se déroulant dans le monde aujourd’hui est, d’une part, le mouvement au sein des esclaves, provoqué par la mort de Brown, et le mouvement au sein des esclaves en Russie d’autre part. […] Je viens juste de voir dans la Tribune qu’il y avait un nouveau soulèvement d’esclaves, bien évidemment réprimé. Mais le signal a désormais été donné2.
Le rapprochement de la fin de l’esclavage avec la révolte des serfs en Russie représente une étape en cours dans le développement matérialiste de l’histoire humaine. […] Ce drame a profondément marqué Reclus, mais comme on le verra, il n’en parlera que plus tard. De toute façon, l’intervention de Victor Hugo, personnage prestigieux, a contribué au fait que l’expédition de John Brown en 1859 a eu un grand retentissement en France.
L’élection d’Abraham Lincoln
« Les événements qui se préparent en Amérique, et qui ouvriront une nouvelle période, la dernière peut-être, du débat sur l’esclavage, sont de la plus haute importance. »
Le 6 novembre 1860, les États du Sud, qui ont longtemps tenu les rênes du pouvoir fédéral, sont battus aux élections présidentielles. Abraham Lincoln, candidat du parti républicain, est élu président des États-Unis avec les voix des seuls États nordistes et il occupera la Maison Blanche le 4 mars 1861.
Ce mouvement de balancier sera fatal. Le rapport de forces vient de changer au sein du système politique : les objectifs de la nation sont désormais fixés par le Nord. Le Sud refuse de reconnaître le nouveau président. Il décide d’assurer militairement son autonomie. Or la souveraineté de chaque État de l’Union américaine a des limites. Et l’Union est indivisible. Ce que le Sud n’accepte plus. La Sécession va être engagée parce que le Sud a perdu la bataille des élections pour la présidence des États-Unis. Tandis que Marx s’attend à un mouvement des esclaves, Reclus, lui, pressent la guerre civile. C’est un point de vue très différent qu’expose le premier article de Reclus qui paraît en décembre 1860, peu de temps avant le début des hostilités. Reclus prédit aux lecteurs de la Revue des Deux Mondes qu’un conflit va éclater et que son enjeu sera la remise en cause de l’institution de l’esclavage :
Les événements qui se préparent en Amérique, et qui ouvriront une nouvelle période, la dernière peut-être, du débat sur l’esclavage, sont de la plus haute importance. Les faits les plus considérables de l’histoire contemporaine de l’ancien monde sont d’un intérêt presque secondaire, comparés à la lutte qui doit précéder sur la terre américaine la réconciliation finale des Blancs et des Noirs. Là sont deux races d’hommes, deux humanités, dirais-je, qui se trouvent enfermées dans la même arène pour résoudre pacifiquement ou les armes à la main la plus grande question qui ait jamais été posée devant les siècles. Car il s’agit d’une conquête de la liberté, sans laquelle on n’a pas même titre au nom d’homme, l’histoire du progrès s’arrête fatalement, les peuples restent voués aux luttes et aux discordes ; les enfants de la même terre continuent à se dévorer les uns les autres, et cette union des hommes entre eux, qui est l’idéal de l’humanité, trompera toujours nos espérances3. […]
Deux nations ?
[…] Les impacts géopolitiques
[…] Les journaux londoniens qui, dans toute guerre, ne manquent jamais d’en relever les aspects économiques, expliquent la guerre civile par la question du libre-échange que le Sud endetté veut imposer au Nord. Karl Marx doit tenir compte de l’opinion anglaise mais aussi de ses lecteurs américains. Et sa tournure d’esprit l’entraîne à resituer le conflit dans le contexte européen, essentiellement celui des réactions britanniques. Son premier article en anglais paraît le 11 octobre 1861. Son titre : « La question américaine en Angleterre4. » Il critique les commentateurs de presse qui accusent l’Union du Nord d’avoir déclenché les hostilités. Selon lui, c’est tout le contraire. Il soutient que le bombardement de Fort Sumter était une provocation à la guerre, ce qui reste discutable. Il relève le risque de voir le pays se disloquer d’une manière définitive et former deux nations. La séparation entre les deux sections est-elle une solution viable pour le Sud ? Celui-ci peut-il se lancer dans une guerre ? Peut-il la gagner ? Peut-il exister comme une nation à part entière ?
Marx répond le 25 octobre 1861 dans un article intitulé « La Guerre civile américaine » qui paraît dans Die Presse5. Il note bien un grand clivage entre les deux sections, mais il juge que la Confédération sudiste ne constitue pas un vrai pays, elle n’est qu’un cri de ralliement :
De fait, si le Nord et le Sud étaient deux pays aussi nettement distincts que l’Angleterre et le Hanovre, par exemple, leur séparation ne serait pas plus difficile que celle de ces deux États. Mais il se trouve que, par rapport au Nord, le « Sud » ne forme ni un territoire géographiquement bien délimité, ni une unité morale. Ce n’est pas un pays, mais un mot d’ordre de bataille.
« La population s’accroît plus vite, les manufactures et le capital se sont concentrés, les voies de chemin de fer et les écoles sont plus nombreuses et le commerce plus imposant. »
Bien évidemment, Marx ne se cantonne pas à cette question. Il affirme que si le Sud remporte la victoire, ou si le pays se scinde définitivement en deux nations, le monde de l’économie et les milieux de la politique prendront une tout autre direction. Le modèle démocratique proposé au monde ne sera plus accompagné de la bannière étoilée. De l’autre côté de la Manche, la France a respecté sa déclaration de neutralité et n’a pas forcé le blocus. Mais l’opinion est profondément divisée. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles cette guerre civile d’outre-Atlantique n’a laissé que quelques souvenirs scolaires plus ou moins oubliés. […] Reclus, lui, s’est déjà rendu compte durant son séjour en Louisiane que les États-Unis sont constitués par l’association de deux régions bien différentes. Le Sud, où l’esclavage est légal, est engagé dans la culture du coton. Ses notables ont longtemps réussi à maintenir au Sénat un équilibre fragile, ce qui leur a souvent permis de faire élire un président qui défendait leurs intérêts. Le Nord, en revanche, jadis peuplé de cultivateurs et d’artisans, mène à bien la plus grande production agricole du pays et cette région agro-industrielle est maintenant dominée par la grande bourgeoisie du commerce et de l’industrie. La population s’accroît plus vite, les manufactures et le capital se sont concentrés, les voies de chemin de fer et les écoles sont plus nombreuses et le commerce plus imposant. Bref, l’institution de l’esclavage incarne un régime économique différent du système industriel. Telle est encore la situation des États-Unis après le retour en France d’Élisée Reclus. Écrivant en géographe, il juge qu’il n’existe pas de frontières naturelles : la disparité entre les deux blocs régionaux ne les rend pas autonomes ; au contraire, elle joue en faveur du Nord. La divergence d’intérêts est telle, le rapport de force est si grand, que le Sud ne peut vivre sans le Nord. Son article paru avant le déclenchement des hostilités militaires laisse planer le doute sur la possibilité d’une guerre. Il affirme qu’une scission serait catastrophique, et donc improbable, pour les États du Sud sans l’aide de ceux du Centre, le Kentucky, le Maryland et la Virginie6.
L’analyse est perspicace : l’esclavagisme a placé les États du Sud dans une impasse. L’équilibre entre les deux sections du pays est instable et la fin de « l’institution particulière » est une nécessité pour le Sud, sous peine de déchéance et de ruine absolue7. Pourtant, les prévisions à court terme de Reclus sont erronées. Il est vrai que l’opinion louisianaise était très partagée au sujet de la sécession et que La Nouvelle-Orléans y était hostile. De plus, les Sudistes se sont lancés dans cette aventure périlleuse sans l’aide d’appuis extérieurs. Ceux-ci arriveront pourtant, mais une fois que les hostilités ont été entamées. En fait, l’impasse dans laquelle se trouve la Confédération entraîne ses dirigeants à prendre des solutions irrationnelles. La guerre leur apparaît comme la réponse, parce qu’ils disposent d’un atout magique, le coton. Ils peuvent le vendre ailleurs qu’aux États du Nord. Néanmoins, le diagnostic de Reclus sera justifié à plus long terme. La Confédération perdra la guerre et sera envahie par le Nord. Et quel est le poids réel du coton sudiste ?
Le coton roi
James Henry Hammond, sénateur démocrate de la Caroline du Sud a lancé le défi : « Ne vous risquez pas à faire la guerre contre le coton. Aucune puissance sur terre ne peut lui faire la guerre. Le coton est roi. » En Angleterre, le patronat et les ouvriers des fabriques suivent les événements dans le désarroi car les stocks de coton diminuent et les importations se sont arrêtées. D’autres enjeux, nationalistes et cruciaux, préoccupent les dirigeants politiques et les sociétés financières. Marx passe en revue les projets des groupes politiques, les causes et les effets de la guerre civile. Et il s’attaque à la question du coton. N’est-ce pas à partir de cette plante que l’industrie anglaise a pris son essor ? En France, le pays est sans doute ému par la condition des esclaves. Surtout, l’impact de la guerre sur la production du coton se fait moins sentir qu’en Angleterre. Néanmoins, les industries de Lyon et de Saint-Étienne ont été affectées, entraînant un chômage et une misère plus grande encore qu’en Angleterre ; les filatures françaises risquent de fermer. […] Reclus, lui, choisit de ne pas traiter directement de cette situation. En janvier 1862, il aborde la question du coton avec optimisme, en dépassant le cadre européen pour considérer le jeu économique international. Son article « Le coton et la crise américaine » explique aux lecteurs que la guerre de Sécession a modifié l’ordre transnational. Le roi coton qui régnait sur les plantations des États sudistes entretenait la révolution industrielle du Royaume-Uni. Sur l’échiquier mondial, il damait le pion à l’Égypte et au continent indien. Reclus essaie d’anticiper la réaction des industriels britanniques et l’impact éventuel de la guerre sur le commerce international. Il conclut que les événements offrent une opportunité à l’Égypte et à l’Inde qui, par leurs plantations de coton, pourront accéder au commerce international. Ainsi Reclus
met en évidence les solidarités économiques qui existent entre les États du Nord et ceux du Sud, entre ces deux derniers et la Grande-Bretagne, entre la Grande-Bretagne et le reste du monde et met au jour les enjeux d’un capitalisme florissant. Les pages qu’il écrit alors préfigurent les analyses économiques et géopolitiques que l’on retrouvera, cinquante ans plus tard, dans L’Homme et la Terre8. […]
Le débat sur l’esclavage
[…] En Angleterre, Marx et le milieu abolitionniste
« Une nombreuse population ouvrière anglaise est affectée par la crise du coton, notamment dans le Lancashire et la ville de Liverpool. »
Une nombreuse population ouvrière anglaise est affectée par la crise du coton, notamment dans le Lancashire et la ville de Liverpool. Mais contrairement aux idées reçues, elle sympathise plutôt avec les États du Nord, peut-être parce qu’ils représentent pour elle une image de la démocratie. Et après la déclaration de Lincoln sur l’émancipation des esclaves, elle se ralliera plus ouvertement, comme aussi les autres classes sociales où le sujet prendra enfin une place majeure dans les débats. Les positions abolitionnistes, fort peu présentes au début du conflit, entraîneront progressivement le pays à regarder les États-Unis sous l’angle de la question raciale. Ce n’est pas le point de vue de Marx. Il ne cherche pas à dépeindre la vie concrète des Noirs, dans ses détails : c’est le phénomène global de l’esclavage qui l’intéresse et dont il espère l’abolition. Les Blancs du Nord devraient-ils obéir à des esclavagistes qui considèrent aussi les ouvriers comme des esclaves ?
De fait, l’oligarchie des trois cent mille esclavagistes n’utilisa pas seulement l’assemblée de Montgomery pour proclamer la séparation du Sud d’avec le Nord, mais l’exploita encore pour bouleverser la constitution interne des États esclavagistes et compléter l’asservissement de la partie blanche de la population, qui entendait conserver encore quelque indépendance sous la protection et la constitution démocratique de l’Union. Déjà entre 1856 et 1860, les porte-parole politiques, les juristes, les autorités morales et religieuses du parti esclavagiste n’avaient pas tant cherché à démontrer que l’esclavage des Noirs était justifié, mais que la couleur de la peau n’y faisait rien, la classe ouvrière étant partout née pour l’esclavage9.
En parlant d’oligarchie, c’est-à-dire d’un pays où le pouvoir est détenu par un petit nombre d’individus, Marx projette sur les États-Unis l’analyse de classe qu’il a faite à partir de l’Angleterre. Il ne voit pas à quel point l’idéologie sudiste était unifiante. Quand la sécession fut proclamée, la plupart des gens du Sud se rallièrent frénétiquement à la position de la Confédération10. Mais selon lui, la marche de l’histoire ne suit pas les idéologies ; elle se fait selon le changement du mode de production. Le conflit aux États-Unis entre le Nord et le Sud est interprété par Marx comme l’opposition entre deux modes de production. Il y a d’une part la structure féodale et esclavagiste du Sud, d’autre part le système industriel du Nord-Est, avec sa finance, ses usines et son salariat.
Comme on le voit, tout le mouvement reposait — et repose encore — sur la question des esclaves. Certes, il ne s’agit pas directement d’émanciper — ou non — les esclaves au sein des États esclavagistes existants ; il s’agit bien plutôt de savoir si vingt millions d’hommes libres du Nord vont se laisser dominer plus longtemps par une oligarchie de trois cent mille esclavagistes, si les immenses territoires de la République serviront de serres chaudes au développement d’États libres ou d’États esclavagistes, si, enfin, la politique nationale de l’Union aura pour devise la propagation armée de l’esclavage au Mexique et en Amérique centrale et méridionale11.
La guerre ne s’engage donc pas pour supprimer l’institution de l’esclavage mais parce que ce système rend la société sudiste incapable de rivaliser avec le Nord industriel. L’opposition se joue à partir de la configuration économique, qui est l’influence déterminante au sein de la République américaine :
L’actuelle lutte entre le Sud et le Nord est donc essentiellement un conflit entre deux systèmes sociaux, entre le système de l’esclavage et celui du travail libre. La lutte a éclaté, parce que les deux systèmes ne peuvent pas coexister plus longtemps en paix sur le continent nord-américain. Elle ne peut finir qu’avec la victoire de l’un ou de l’autre12.
[…] Les modes de production
« Le conflit aux États-Unis entre le Nord et le Sud est interprété par Marx comme l’opposition entre deux modes de production. »
Reclus, comme Marx, met en avant le conflit entre deux systèmes. Sa critique morale de l’esclavage tient compte des problèmes économiques qu’affrontent les propriétaires d’esclaves. Si des Afro-Américains et certaines tribus indiennes possèdent des esclaves, c’est que l’institution est moins une revendication raciale qu’un atout économique. Mais cela devient de moins en moins le cas du fait de l’endettement. Sur le plan économique, les esclaves coûtent plus cher que les hommes libres et ce n’est pas le seul problème :
Pour subvenir à leurs dépenses, ils obèrent leurs propriétés, empruntent à 10 et 15 pour cent à des banquiers de New York, et peu à peu se trouvent ruinés. Une mauvaise récolte, une épidémie sur leurs esclaves, un incendie, un ouragan, les font définitivement tomber dans la classe des petits habitants, ou bien les forcent à s’expatrier pour demander à l’industrie et au commerce une existence que leur refuse l’exploitation de la terre13.
Ces planteurs sont endettés jusqu’au cou et ils peuvent difficilement retenir leurs esclaves. D’ailleurs, ceux-ci ne sont la propriété que d’une infime minorité de Blancs. Si le Sud s’oriente vers une industrialisation, ce progrès se retournerait contre les esclavagistes. Mais Reclus s’intéresse aussi aux personnes. Ce n’est pas un détail de l’histoire : le recensement de 1860 dénombre un peu plus de 3,5 millions d’esclaves ; leurs propriétaires représentent 30 % des familles vivant dans le Sud14. En décembre 1860 et janvier 1861, deux articles signés de Reclus mettent en scène tous les milieux concernés par « l’institution, » les Noirs comme les planteurs15. C’est en effet une étude d’ensemble des plantations du Sud. Tous les échelons de la misère et de la fortune y apparaissent successivement. Tous y passent, depuis les plus malheureux, les esclaves, hommes et femmes, leur personnel d’encadrement, les Noirs libres, et ceux qu’on appelle les petits Blancs, ces planteurs qui constituent la majorité de la population, qui sont pauvres et sans esclaves ; et enfin les grands propriétaires.
« Reclus, contrairement à Marx, juge que les idées d’une société ne sont pas déterminées par ses rapports de production. »
L’objectif majeur de Reclus est de défendre les gens de condition modeste et les opprimés, les Noirs en premier lieu16. Les obstacles sont énormes : comment se fait-il que les petits propriétaires soutiennent les possesseurs de riches plantations ? Pourquoi les esclaves ne se révoltent-ils pas ? Quel est l’intérêt d’une guerre pour supprimer l’institution honnie alors que les collectivités concernées par l’oppression ou celles qui n’y sont pas partie prenante ne s’agitent pas ? On n’est pas là dans les rapports de force mais dans la réflexion sur les mentalités et comment elles peuvent basculer. Reclus, quand il était en Louisiane, avait déjà cherché à disséquer les dispositifs idéologiques des divers milieux du Sud. Il va donc déchiffrer la plaidoirie dans laquelle s’est engagée la Confédération sudiste pour justifier l’esclavage. Il en décrit l’évolution, les contradictions et ses incursions dans les arènes domestiques, religieuses et surtout juridiques.
L’idéologie esclavagiste des Sudistes en crise ?
Reclus, contrairement à Marx, juge que les idées d’une société ne sont pas déterminées par ses rapports de production. Pour lui, c’est le contraire : les peuples s’organisent selon leur vision du monde. Dès le début de l’histoire nationale, des hommes et des femmes s’élevèrent contre cette condition inhumaine, sans doute en raison de leurs convictions religieuses. Ils n’étaient qu’une minorité, à l’écart de l’appareil politique. Il n’en est pas moins vrai que jadis, en Louisiane, la propriété des esclaves était loin d’être justifiée aux yeux mêmes des esclavagistes. Reclus cite l’aveu même de Jefferson, propriétaire d’esclaves : « L’esclavage ne peut exister qu’à la condition d’un despotisme incessant de la part du maître, d’une soumission dégradante de la part de l’opprimé17. » En effet, Thomas Jefferson avait fortement critiqué ce système, mais son texte avait été supprimé de la Déclaration d’indépendance18. Il existe donc une faille idéologique sur cette question de l’esclavage. Selon Reclus, il y a un changement : les Sudistes éprouvent maintenant le besoin de se justifier. N’est-ce pas un signe que leurs certitudes sont ébranlées ?
La légitimation de l’esclavage s’est d’abord appuyée sur les textes sacrés :
En effet, les textes bibliques ne leur manquent point pour justifier l’esclavage. Ils racontent avec onction l’histoire de la malédiction de Cham ; ils prouvent que, dans le Décalogue même, la possession d’un homme par un autre homme est formellement reconnue ; ils établissent sans peine que maintes et maintes fois les législateurs et les prophètes, se disant inspirés de Dieu, ont voué à l’esclavage ou à la mort les Jébusiens, les Édomites, les Philistins et autres peuplades qui guerroyaient contre les Hébreux. Ils affirment aussi, en s’appuyant sur les textes, que l’Évangile sanctionne implicitement la servitude, et ils citent l’exemple de saint Paul renvoyant à son maître un esclave fugitif19.
On a dû ensuite inventer des théories pour justifier la propriété des individus et recourir à toutes sortes d’arguments : le Noir a été créé pour la servitude, son histoire se confond avec celle-ci, il est incapable de se gouverner lui-même, etc. Et maintenant le législateur élabore les codes qui cautionnent ces points de vue. L’institution particulière, une fois créée, pourra assurer sa propre autonomie20.
Reclus décrit l’argumentation des planteurs du Sud des années 1850 :
Sentant tout d’abord le besoin d’établir sur une base solide l’origine de leur domination, ils invoquent les théories inventées pour justifier la propriété en général. En effet, de même que le sol appartient au premier occupant et à sa descendance, de même l’homme appartient avec toute sa race à son premier vainqueur. Quand même la victoire serait le résultat d’un crime, la prescription ne tarde pas à transformer le mal en bien. […] « Le propriétaire d’esclaves, dit un arrêt de la cour suprême de Géorgie, possède son Nègre comme un immeuble ; il le tient directement de ses ancêtres ou du négrier, de même que celui-ci le tenait du chasseur de Nègres21. »
Ces justifications masquent une certaine forme de décadence. Car le principe d’autorité est en déliquescence :
D’abord, les propriétaires d’esclaves se défendent ; donc ils sont vaincus, puisque le principe de l’autorité, c’est d’être indiscutable, elle est parce qu’elle est ; dès qu’elle invoque une raison, même celle du plus fort, elle se suicide. Le bon Dieu s’est foudroyé lui-même quand il a eu la malencontreuse idée d’apparaître sur le Sinaï, environné de tonnerres et d’éclairs. J’ai vu tel maître refusant à son esclave le droit d’avoir une volonté et lui révéler ainsi les droits de l’individualité humaine ; j’ai vu tel journal défendant l’arche sainte de l’esclavage parce que c’est un mal nécessaire, parce qu’il fait une chaleur de 100 degrés en été, et parce que les Nègres seuls savent buter les cannes. C’est beau de voir cette guerre acharnée de la presse, de la discussion, de la causerie du jour, de la nuit, de tous les instants contre ce fantôme insaisissable de la liberté humaine ; pas un Nègre, pas un Blanc qui proteste, pas une ligne n’affirme dans tout le Sud que l’homme est le frère de l’homme, et pourtant, tout journal, tout planteur, toute femme s’acharne sur le silence, écume et rugit sur ce rien, sur ce souffle qui vient on ne sait d’où, que personne n’a poussé et qui menace de balayer devant lui tout ce qui fut22.
Si on remet en cause l’institution, ses défenseurs changent de registre. Ils quittent le terrain rationnel pour s’abriter derrière le rempart des croyances. Ils adoptent une vision figée de l’humanité, ils font appel à une nature immuable : « Le monde a toujours été ainsi » ou encore : « Dieu l’a voulu ». […]
Lincoln et le renouveau de l’abolitionnisme
La dimension mondiale que Marx assigne à la guerre de Sécession apparaît nettement quand le président Lincoln proclame l’abolition de l’esclavage dans les États du Sud : la question des droits civiques finit par s’imposer. La Proclamation d’Abraham Lincoln sur l’émancipation des esclaves ne s’appliquait qu’à ceux des États en sécession. Il s’agissait de susciter un ennemi intérieur — les esclaves — au sein des collectivités dissidentes. Mais la déclaration officielle sera mésinterprétée par le peuple et posera l’émancipation comme un droit de tout individu. Lincoln est réélu en 1864. Le Conseil central de l’Association internationale des travailleurs lui adresse une lettre que Marx a rédigée :
Les ouvriers d’Europe sont persuadés que, de même que la guerre d’Indépendance américaine a inauguré l’époque nouvelle de l’essor de la classe bourgeoise, la guerre anti-esclavagiste américaine en fera de même pour les classes ouvrières. Ils considèrent comme l’annonce de l’ère nouvelle que le sort ait désigné Abraham Lincoln […] pour conduire son pays dans la lutte sans égale pour l’affranchissement d’une race enchaînée et pour la reconstruction d’un monde social23.
Les mentalités françaises
« Reclus va insister sur le succès croissant de ces militants […] [et] pense voir un développement des idées émancipatrices dans les chants des Noirs. »
[…] Reclus ne temporise jamais quand il s’exprime sur les États-Unis. Mais en journaliste expérimenté, il sait, quand il le faut, tenir compte des diverses réactions françaises. Il est attentif aux fluctuations de l’opinion, mais de façon seulement indirecte, peut-être aussi pour respecter les consignes des éditeurs de la Revue des Deux Mondes. Il manie la critique avec prudence, mais toujours avec clarté. Ses positions sont toujours très nettes pour ceux et celles qui veulent bien les comprendre. Par exemple, il met en garde contre une propagande paternaliste. Il prend en exemple Mme Henriette Beecher-Stowe, l’auteure de La Case de l’oncle Tom, dont il perçoit bien les positions. Il avertit le public français que ce serait une erreur de renvoyer les Noirs en Afrique :
La plupart des abolitionnistes, et Mme Beecher-Stowe entre autres, proposent de donner à coloniser et à civiliser ces côtes de Guinée où leurs ancêtres ont été jadis volés par les négriers. Cette solution du problème est tout simplement impossible. Pour exiler ainsi les esclaves libérés du sol de l’Amérique, il faudrait d’abord obtenir le consentement des Nègres, dont les conditions d’hygiène ont été changées par le climat du Nouveau Monde, et qui redoutent à juste raison le climat à la fois humide et torride de l’Afrique tropicale. Si on les transportait malgré eux, on se rendrait coupable d’un forfait semblable à celui qu’on a commis envers leurs ancêtres ; on organiserait sur une échelle gigantesque la proscription en masse de plusieurs milliers d’hommes. Non, puisqu’on a arraché les Nègres à leur première patrie, qu’on les laisse maintenant dans celle qu’on leur a donnée ! Ils sont nés en Amérique, ils y ont passé leur enfance, ils y ont souffert qu’ils puissent enfin y être heureux ! Ils y ont été torturés par des maîtres : qu’ils deviennent citoyens24.
[…] Cependant le cours des événements va bouleverser les idées. En 1862, les deux tiers des membres du Congrès votent l’affranchissement des esclaves présents dans la capitale, Washington ; puis en mai le général Hunter libère près d’un million de Noirs, et enfin le 22 septembre 1862, le président Lincoln lance sa célèbre Proclamation :
Plein du sentiment de son immense responsabilité, [écrit Reclus] il hésita au moment de signer cet acte, qui marquait une nouvelle ère de l’histoire, et lorsque la foule vint le féliciter, il refusa tristement tout éloge25.
On le voit, le ton a changé. Mais Reclus s’est tout de même arrangé pour établir que l’action de Lincoln avait été précédée par d’autres, des généraux, des troupes, et en première instance par l’action militante des abolitionnistes, qui ont réussi à créer la figure légendaire de John Brown. Après la publication de l’extraordinaire « Proclamation d’émancipation », Reclus va insister sur le succès croissant de ces militants […] [et] pense voir un développement des idées émancipatrices dans les chants des Noirs. Les mélodies passent du mineur au majeur et les textes mentionnent maintenant les souffrances auxquelles ils ont échappé, comme aussi de la mort du planteur sur le champ de bataille26. Tout n’est pas gagné pour autant. Son récit a décrit l’avancée des idées, mais il ne manque jamais une occasion de signaler aussi les reculs. La Reconstruction du Sud, au lendemain de la guerre, va en donner de tristes exemples. Reclus suivra l’évolution des rapports sociaux entre les diverses composantes de la nouvelle société. À son second voyage aux États-Unis, plutôt que de retourner en Louisiane, il fera un pèlerinage sur les lieux où a été tué John Brown.
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Il est clair que le philosophe allemand et le géographe français ont tous deux suivi de près les événements et pris fait et cause pour les Nordistes. Ils ne croient pas que la vie puisse être changée tout simplement par les États ou l’économie par le marché. Pour l’un comme pour l’autre, par exemple, le développement ou la dégénérescence de l’État fédéral, le maintien ou non de l’Union, ne sont pas les clés de l’histoire. Ils repèrent et expliquent les mêmes faits marquants, jugent essentiels les mêmes événements ; leurs commentaires souvent se rapprochent. […] Tous deux, en effet, se sentent concernés par le devenir de l’humanité et se situent, par conséquent, dans l’histoire de longue durée. Leur objectif commun est l’émancipation humaine. Mais ces ressemblances ne sont qu’apparentes car elles relèvent de contextes différents : le philosophe et le géographe ne réfléchissent pas de la même manière. […] Marx ne s’intéresse guère à la bataille idéologique entre les deux camps en guerre. Il ne voit que des pantins et des évidences pétrifiées. Le thriller se déroule ailleurs que dans les propagandes et les procès, il est dans la vérification de sa théorie des rapports de production et de l’avènement inéluctable du communisme : le changement social ne s’opère que par une transformation des rapports de production. Selon lui, le monde du travail libre doit inéluctablement remplacer celui de la société sudiste. En somme, c’est le déterminisme économique qui mène l’histoire et se joue des hommes27.
« Leur objectif commun est l’émancipation humaine. Mais ces ressemblances ne sont qu’apparentes. »
Tandis que Marx regarde le monde avec les lunettes de sa théorie de l’histoire, Reclus pense tout le temps à englober l’ensemble de l’humanité. Lui aussi perçoit une dimension mondiale, celle de la fin de l’esclavage et un début de la réconciliation entre les races. C’est une lutte de la plus haute importance qui fait pâlir les révolutions de 1848 et quelques autres. Il s’agit, pour lui, à la fois d’un exemple collectif de ce qu’à l’époque il voit comme « la marche de l’histoire ». Il est encore pour l’instant dans l’illusion du « progrès ». C’est un militant qui veut intéresser son public à l’abolition de l’esclavage, et il lui joue toute la gamme des rapports humains. Son passage en Amérique centrale lui a montré que d’autres formes de sociabilité étaient possibles, et il lutte pour que l’humanité se construise dans la fraternité.
Reclus puise dans le savoir acquis pour interpréter les événements. […] Il n’y a pas un système unique, mais des interactions où la nature et l’individu sont l’une et l’autre des agents. Il s’intéresse concrètement aux effets de la domination sur les hommes, les femmes, les enfants, et même sur les dominants. Il suit donc les diverses associations qui militent pour l’émancipation des esclaves. Son regard s’élargit aux questions raciales ou, comme on le dirait aujourd’hui, aux rapports ethniques et à l’évolution des mentalités. Et il s’efforce de sortir de l’européocentrisme. […] Nous sommes en présence de deux manières d’interpréter les faits : par une théorie générale de l’Histoire dont on examine le déroulement ou par une analyse éthique de la situation des personnes dans le cadre de leur émancipation humaine. Marx pense à la lutte des classes, Reclus à l’abolition de l’esclavage et à ce qu’on nomme aujourd’hui le racisme.
Illustrations de bannière et de vignette : Jacob Lawrence
- « French Newspapers », Putnam’s Magazine (septembre 1868), p. 292–304.[↩]
- Marx Engels Collected Works, vol. 41, p. 4, cité par Kevin B. Anderson, « Sur la dialectique de la race et de la classe. Les écrits de Marx sur la guerre civile, 150 ans plus tard », traduction de Selim Nadi, sur le site Contretemps, juin 2013.[↩]
- « De l’esclavage aux États-Unis. I », art. cit., p. 869 et 870.[↩]
- K. Marx, « The American Question in England », Herald Tribune, New York, 11 octobre 1861.[↩]
- F. Engels et K. Marx, « La Guerre civile aux États-Unis ». Citation tirée du site marxists.org. Les citations qui suivent proviennent de la même source.[↩]
- « De l’esclavage aux États-Unis. II », art. cit., p. 152 et suivantes. De fait, seule la Virginie rejoignit les Sudistes et une portion du nord-ouest de cet État fit sécession et s’unit aux Nordistes.[↩]
- Ibid., p. 140.[↩]
- Soizic Alavoine-Muller, Les États-Unis et la guerre de Sécession, CTHS, 2007, p. 39.[↩]
- F. Engels et K. Marx, « La Guerre Civile aux États-Unis », op. cit.[↩]
- Eugene D. Genovese, « Marxian Interpretations of the Slave South », dans Towards a New Past : Dissenting Essays in American History, Barton J. Bernstein, 1968.[↩]
- K. Marx, « La Guerre civile nord-américaine », 25 octobre 1861.[↩]
- F. Engels et K. Marx, « La Guerre Civile aux États-Unis », op. cit.[↩]
- « Le Mississippi. 2. Le delta et La Nouvelle-Orléans », Revue des Deux Mondes, vol. 22, p. 625.[↩]
- Soit 316 632 sur une population de plus de 3,5 millions, selon le recensement US de 1860. Le pourcentage est calculé d’après les chiffres donnés dans « United States », Encyclopædia Britannica. Encyclopædia Britannica Ultimate Reference Suite, Chicago, 2011, donne à peine 5,79 % de la population blanche du Sud. Ce pourcentage est d’ailleurs discutable car le propriétaire d’esclaves était souvent le père d’une nombreuse famille qui profitait donc aussi de cette situation.[↩]
- « De l’esclavage aux États-Unis », Revue des Deux Mondes (15 décembre 1860, 1er janvier 1861).[↩]
- Alavoine-Müller, op. cit., p. 41–42.[↩]
- « De l’esclavage aux États-Unis. II », art. cit., p. 119.[↩]
- Jefferson accuse le roi chrétien d’Angleterre de faire la traite des esclaves. Papers of Thomas Jefferson, Julian p. Boyd, Princeton, Princeton University Press, 1950, 1 : 426.[↩]
- « De l’esclavage aux États-Unis. II », art. cit., p. 125.[↩]
- Cf. Cornelius Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société, Seuil, 1975, p. 95 et passim.[↩]
- « De l’esclavage aux États-Unis. II », art. cit., p. 120.[↩]
- Correspondance, à Élie Reclus, n. d. [1855], t. 1, p. 96–97.[↩]
- Central Council Meeting, 29 novembre 1864 : « To Abraham Lincoln, President of the United States of America », The Bee-Hive Newspaper, no 169, 7 janvier 1865.[↩]
- « De l’esclavage aux États-Unis. II », art. cit., p. 167.[↩]
- « Les Noirs Américains depuis la guerre. II », Revue des Deux Mondes (15 décembre 1863), p. 705.[↩]
- « Les Noirs Américains depuis la guerre », p. 392.[↩]
- Cornelius Castoriadis commente ainsi la pensée de Marx : « Les hommes ne font donc pas plus leur histoire que les planètes ne
font
leurs révolutions, ils sontfaits
par elle, plutôt les deux sont faits par quelque chose d’autre — une Dialectique de l’histoire qui produit les formes de société et leur dépassement nécessaire, en garantit le mouvement progressif ascendant et le passage final, à travers une aliénation, de l’humanité au communisme. […] Il ne s’agit plus de transformer le monde, au lieu de l’interpréter. Il s’agit de mettre en avant la seule vraie interprétation du monde, qui assure qu’il doit et va être transformé dans le sens que la théorie déduit. » L’Institution imaginaire de la société, op. cit., p. 90.[↩]
REBONDS
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