Texte inédit | Ballast
« Canicule et Covid : les liaisons dangereuses », indiquait un titre de presse en 2022. On s’inquiétait alors des effets sanitaires de la conjonction des deux phénomènes. Cet été-là, la canicule a causé la mort de plus de 60 000 personnes en Europe. Parmi les victimes, on s’en doute, ce sont les plus pauvres, les plus mal logés, les plus isolés qui ont été touchés en premier lieu. En somme : les plus vulnérables. Si les conséquences conjointes de la pandémie et des épisodes de forte chaleur ont parfois été évoquées, peu de cas a été fait de leurs racines communes, des inégalités que ces phénomènes trahissent et des leviers d’action collectifs afin de se protéger. Pour tenter de reprendre la main face à des catastrophes désormais planétaires, l’auteur de ce texte propose, à l’issue d’une analyse matérialiste méthodique, un « communisme du désastre ». Ses principes : une « solidarité radicale » et l’« autodéfense sanitaire ». ☰ Par Brissenden
« on apprend à vivre sur le volcan »
jef klak, n° 7, « Terre de feu »
Près de 170 000 depuis 2020 et plus de 33 000 depuis 2014. Ce sont les chiffres des personnes mortes, en France, des suites du covid et de la canicule. Aucun sensationnalisme ici : les rappeler ne suffit pas à contrevenir à l’apathie générale, à l’oubli qui frappe les mort·es et l’abandon qui pèse sur les personnes vulnérables. Plus encore que celles et ceux qui en sont décédé·es, il y a celles et ceux qui sont mis·es en danger, qui doivent se débrouiller avec des corps éprouvés, des quotidiens ébranlés, des milieux devenus invivables. Le collectif communiste Out of the Woods définit la catastrophe environnementale et climatique comme « la destruction socialement différenciée des moyens de notre subsistance1 ». Cette perspective prend une force particulière en temps de pandémie et de canicule, marqués par une destruction intensifiée, ravageuse, de nos conditions de subsistance. Une telle destruction n’a rien d’une simple possibilité : elle est déjà à l’œuvre dans le fonctionnement du capitalisme racial et hétéropatriarcal, produisant des dégradations différenciées, bien inégales, selon les conditions de classe, de genre et de race. Partir de la définition que propose Out of the Woods permet de développer une analyse matérialiste des logiques et des atteintes de la pandémie et de la canicule.
Si de nombreux points communs apparaissent entre les deux phénomènes, il ne s’agit pas seulement de relever des ressemblances, en se limitant à leurs manifestations, mais de rendre compte de mécanismes similaires. Pour ce faire, il n’est pas suffisant d’identifier des parallèles pour avancer que les menaces sur la santé et la catastrophe environnementale sont liées — tout cela est devenu une évidence. C’est aux croisements de leurs logiques qu’il faut s’intéresser, pour caractériser les structures communes de la provenance, de l’incidence et du traitement de la pandémie et de la canicule : leurs différences n’empêchent pas de les prendre ensemble, c’est même un geste nécessaire pour comprendre ce qu’il se passe et agir contre.
Conséquences proches, peines multiples, cibles communes
« Il faut caractériser les structures communes de la provenance, de l’incidence et du traitement de la pandémie et de la canicule. »
Tant la pandémie que la canicule sont des effets d’un ravage déjà ancien (exploitation et prédation du vivant, urbanisation et artificialisation galopantes, altération et destruction des milieux). Mais elles causent des ravages tout aussi importants, mortels, avec des conséquences similaires. Contracter le covid provoque une fatigue intense, des douleurs respiratoires, des courbatures, des maux de gorge et de tête. Cette liste s’étend et devient interminable au fil de l’avancée de la pandémie : le virus expose aussi à de nombreux problèmes cardiovasculaires, neurologiques et immunitaires2. Dans le cas de la canicule, le système de thermorégulation est perturbé, l’organisme souffre de fatigue intense, le risque de choc cardiovasculaire s’accroît dangereusement, des difficultés respiratoires apparaissent. Surtout, l’hyperthermie et la déshydratation condamnent les personnes qui ne sont pas prises en charge à temps à la mort.
Chacune attaque et affaiblit les organismes avec une intensité grandissante à mesure que les occurrences se répètent. Une contraction du covid rend la prochaine davantage dangereuse et favorise la contamination à d’autres maladies infectieuses3. Plus encore qu’une erreur scientifique, la croyance en une immunité renforcée constitue un mensonge meurtrier. De même, la progression des températures aboutira à une chaleur agressive même en dehors des épisodes caniculaires : la durée des épisodes s’accroît, leur fréquence s’intensifie et leurs conséquences deviennent toujours plus néfastes. Une logique du pire s’enclenche, les dégâts de l’une rencontrent, s’additionnent et se mélangent avec ceux de l’autre. Il était clair que le risque de pandémie ne faisait que s’accroître avec la progression du désastre en cours : là où les conspirationnistes croient déceler une habile manipulation des masses, il n’y a en réalité qu’une hypothèse toujours plus probable à cause de la dévastation des milieux. Rien n’exclut, dès lors, qu’un nouvel épisode pandémique apparaisse prochainement, bien au contraire4. Pareillement, les canicules seront plus fortes, plus longues et plus nombreuses (deux fois plus d’ici quelques décennies d’après le GIEC5). Nos étés sont ceux d’un monde transformé en étuve : « le temps qu’il fait permet d’éprouver et de rencontrer l’épaisseur de la catastrophe climatique6 ». Davantage que des événements extraordinaires, les canicules composent une « nouvelle normalité », pour reprendre les termes du géographe Mike Davis7.
Surtout, pandémie et canicule ont des cibles similaires. Si tout corps est vulnérable à leurs effets, ce sont essentiellement des personnes pauvres, âgées et fragiles qui les subissent. Sous un régime capitaliste, raciste et hétéro-patriarcal, la santé a pour vérité première d’être une affaire d’inégalités. Ce n’est pas un hasard si le covid et les fortes chaleurs ont des conséquences désastreuses dans les quartiers populaires. D’emblée, le covid y fut dévastateur. Quantité d’activités laborieuses supposent d’être au contact de nombreuses autres personnes, accroissant le risque d’attraper le virus. À cela s’ajoutent la santé déjà dégradée des personnes pauvres et racisées ainsi qu’une plus faible disponibilité des équipements de soin dans les régions qu’elles habitent. Or, le covid a d’autant plus de chance de se développer et d’avoir une incidence grave qu’il trouve des corps fatigués et abîmés, avec une prévalence plus importante des comorbidités (obésité, diabète, maladies respiratoires). Au printemps 2020, le département de la Seine-Saint-Denis comptait la surmortalité la plus importante de la région Île-de-France : il comporte une densité de population 64 fois supérieure à la moyenne nationale et un taux d’équipement hospitalier quatre fois inférieur à celui de Paris8.
Les conséquences de la canicule sont elles aussi bien plus accablantes dans les quartiers populaires que dans les lieux de vie des classes aisées, que ce soit à Marseille, Lille, Paris ou ailleurs9. Des isolations défaillantes, le règne du béton ainsi que l’absence d’espaces verts et de points de fraîcheur provoquent des étés infernaux. C’est ce qui pousse des adolescent·es à ouvrir des bouches à incendie sous le soleil assommant pour faire couler l’eau et se rafraîchir. À chaque fois, ces actions provoquent une panique morale avec une flambée de commentaires racistes par des individus qui, loin d’être dérangés par le maintien de populations entières dans des espaces de vie indignes et séparés, crient au désordre dès qu’ils constatent amèrement que les populations en question trouvent les moyens de survivre à la chaleur. Fatima Ouassak a montré comment l’espace public dans les banlieues était construit pour rejeter les habitant·es et encore plus les enfants et adolescent·es10 — un espace qui leur est d’autant plus hostile au cours des étés caniculaires.
« Canicule et pandémie frappent plus violemment des lieux qui concentrent les vulnérabilités face aux risques et, par conséquent, les dégâts se cumulent. »
Canicule et pandémie frappent plus violemment des lieux qui concentrent les vulnérabilités face aux risques et, par conséquent, les dégâts se cumulent. C’est le cas par exemple des prisons, des aires d’accueil pour Voyageurs ou encore des maisons de retraites et autres établissements pour personnes âgées. On retient dans ces lieux séparés du reste de la société des populations jugées dangereuses, excédentaires ou improductives. Du fait de la difficulté de maintenir des distances nécessaires pour empêcher des contaminations et de la faiblesse des moyens de protection, souvent inexistants voire interdits (par exemple, les masques étaient prohibés en prison), le covid y a immédiatement fait des ravages. Chaque été, la vie dans de telles institutions de contrôle devient insupportable : l’eau potable peut manquer, les infrastructures et l’absence de ventilation produisent de véritables fournaises. Pire encore, face aux catastrophes, les prisonnier·es sont mis·es à profit comme main d’œuvre corvéable, ici pour fabriquer des masques au début de la pandémie, aux États-Unis pour aller combattre les incendies — rappelant la nécessité, comme l’écrivent Gwenola Ricordeau et Joël Charbit, de « trancher le nœud qui lie capitalisme, prison et destruction de la planète11 ».
Il en va de même pour les aires d’accueil et les maisons de retraite. Pour les personnes qui expérimentent au quotidien l’exclusion de l’antitsiganisme, le confinement fut particulièrement difficile12. Plus qu’ailleurs, les aires d’accueil sont terribles pendant l’été, avec des terrains recouverts de bitume, sans espaces ombragés sous lesquels s’abriter, le plus souvent situés à côté d’installations polluantes dont la nocivité devient redoutable sous forte chaleur13. Enfin, au cours de la canicule de 2003, trois quarts des plus de 15 000 mort·es avaient plus de 75 ans : les personnes âgées ne sont plus utiles au capital, leurs liens sociaux se désagrègent avec l’isolement (la situation des femmes âgées pauvres est d’autant plus grave). Face à cette hécatombe, l’eugénisme et le validisme ont joué à plein. Ce n’était qu’un avant-goût de la pandémie, où dirigeants et éditorialistes ont fourni quantité d’efforts pour minimiser la gravité du virus étant donné qu’il tuait et tue surtout des personnes âgées. Que les moyens de protection collective aient cruellement manqué dans les maisons de retraites et les hôpitaux à cause de l’incurie de la préparation pré-pandémique et de sa gestion n’a pas semblé déranger tant de monde. Sans oublier que les personnes âgées à l’extérieur de ces établissements ont aussi à subir une exclusion de l’espace public, du fait d’une peur légitime d’attraper un virus dont on explique qu’il ne serait dangereux que pour elles.
Des lieux rassemblant quotidiennement des masses de personnes sont autant d’espaces dangereux : les transports, les écoles ou encore les lieux de travail. Il suffit de prendre le métro, le RER ou un bus du mois de juin à septembre pour vivre un calvaire, une situation évidemment pire sous canicule. Concernant le covid, le résultat est identique du fait de conditions similaires : d’un côté, l’absence de contrôle, de ventilation et de purification de l’air, qui ne circule pas et se remplit de toutes sortes de pollution ; de l’autre, la concentration de grandes quantités de personnes rapprochées dans des endroits clos. Pareillement, du fait d’une isolation précaire et de matériaux défectueux, les bâtiments scolaires sont nombreux à être de véritables passoires thermiques. C’est paradoxalement en considérant les enfants comme insensibles au covid qu’on les a d’autant plus exposé·es à ses dangers : à l’opposé de ce qu’ont affirmé les idéologues soucieux que les parents continuent d’aller au travail, le covid a des effets graves sur les plus jeunes. C’est encore pire pour ce qui concerne les établissements des quartiers populaires dont les salles et les cours sont pleines de pollution atmosphérique, parce que situées directement à proximité des voies de circulation où passent des dizaines de milliers de véhicules et des établissement industriels qui tournent à plein. À terme, les écoles ont ainsi fini par devenir un des principaux foyers de propagation du virus14.
Contrairement à ce qu’osait affirmer une ministre il y a quelques années, le travail continue de tuer les prolétaires : plus de 700 morts en 2019, près d’un millier en 2021. Si le lien entre Covid et travail est ténu, il importe de rappeler que le confinement n’a pas eu lieu pour tout le monde puisque des pans entiers du prolétariat ont dû continuer de travailler : le personnel soignant, les caissières ainsi que les ouvrier·es du BTP. Par conséquent, les espaces de travail ont considérablement contribué à la transmission du virus, du fait de la concentration des travailleur·euses et de la faiblesse des mesures de protection prises par les entreprises (30 % des contaminations hors foyer15). Malgré cette réalité épidémiologique, le patronat a obtenu de l’État la restauration des jours de carence des arrêts de travail pour covid et la fin de l’obligation de ne pas aller travailler pendant et après une infection. De même, le travail ravage en temps de canicule. Au mois de septembre, pas moins de six personnes sont mortes des suites de l’exposition à la chaleur pendant qu’elles travaillaient pour les vendanges. Plus largement, que ce soit dans des bureaux, dans des entrepôts et plus encore dans des usines et des chantiers, le travail en période caniculaire pousse l’organisme dans ses ultimes limites. Ce ne sont pas les quelques gorgées d’eau, quand il est possible de prendre des pauses, qui changent grand-chose à la situation.
Santé, virus et chaleur : la négation et l’abandon
« De nombreuses personnalités des sphères covido-négationnistes ont passé leur été à propager l’idée selon laquelle la canicule serait inexistante, recyclant les mêmes discours et méthodes. »
À la fin de l’été dernier, Florian Philippot insinuait que les mort·es pendant les vendanges sous canicule proviendraient en réalité des effets secondaires des vaccins anti-covid. Sa déclaration combine trois éléments abjects : désinformation sur la pandémie (les vaccins tuent), négation du dérèglement climatique (la canicule n’est pas dangereuse), défense du patronat et de la production (ce n’est pas à cause des conditions de travail si des gens meurent au travail). De nombreuses personnalités des sphères covido-négationnistes ont passé leur été à propager l’idée selon laquelle la canicule serait inexistante, recyclant les mêmes discours et méthodes qu’ils utilisent depuis plus de trois ans face au virus16. Il y a des liens très forts entre celles et ceux qui se moquent de la pandémie et celles et ceux qui prennent à la légère la catastrophe environnementale : c’est autant le fait de structures communes dans l’argumentation, avec des objectifs et des récits identiques, que, très concrètement, parce que ce sont souvent directement les mêmes personnes qui livrent de tels propos, avec des intérêts convergents17.
Mais, s’il est facile de s’en prendre aux propos tenus par quelques fascistes, la critique ne peut se faire comme le font le gouvernement et ses soutiens, tout contents d’avoir des adversaires si affreux. À vrai dire l’extrême droite n’est pas une exception monstrueuse, séparée du reste des forces politiques d’une société se trouvant dans un processus de fascisation avancée, avec ses structures réactionnaires, autoritaires, racistes mais aussi darwinistes et eugénistes — autant de caractéristiques mortifères qui désignent très bien le traitement par le pouvoir de la pandémie comme de la catastrophe environnementale. Ce qui semble évident pour l’écologie vaut tout autant pour la pandémie : jamais on ne pourra attaquer le pouvoir en reprenant des mots d’ordre issus de l’extrême droite. Il ne faut pas non plus limiter les gouvernants et l’extrême droite au camp de l’ignorance puisque, si leurs inepties doivent être démontées, leurs arguments et projets s’ancrent dans des rationalités particulières, visant à garantir l’exploitation et la domination. Alors ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer répétait que le covid ne se propageait pas à l’école, méprisant la réalité épidémiologique à laquelle il avait évidemment accès. De même, l’aérosolisation du virus ainsi que, par conséquent, la nécessité des masques et d’une aération des lieux clos n’ont cessé d’être minimisées voire tout bonnement niées par le gouvernement. C’est dans une logique similaire qu’à la fin du mois d’août dernier, un député du Rassemblement national s’en est pris au GIEC : en pleine journée caniculaire, il affirmait que, si les questions climatiques et écologiques deviennent une préoccupation de son parti, il ne faudrait pas céder au catastrophisme18. Qu’importe si le ministre de la Transition écologique l’attaqua ensuite pour « flagrant délit de déni climatique », les autorités ne cessent d’émettre les mêmes appels au calme pour maîtriser la situation, c’est-à-dire la faire perdurer. Croyant s’occuper des problèmes, leur principale réponse consiste à gérer la catastrophe par la responsabilisation individuelle propre à l’eugénisme capitaliste — soit l’exposition de la population aux maladies, blessures et une plus forte mortalité du fait de la faible valeur qui est accordée à la vie des individus, jugés utiles pour leur seule force de travail19.
Pour la canicule autant que pour la pandémie, il s’avère nécessaire de distinguer l’image que le pouvoir veut donner de ses actions et la réalité tangible des dégâts. Se limiter à la première revient à accepter la fiction qu’il propose. Croire que l’État puisse jouer un rôle neutre, voire bienveillant, face aux méchants capitalistes relève d’une idée saugrenue, invalidée depuis longtemps par son rôle de protection de l’ordre, de la propriété et du marché ainsi que son traitement structurel des populations pauvres, racisées, malades et déviantes20. Surtout, ses quelques interventions vont avec un abandon, qui est la modalité principale de sa gestion. Actions et non-actions : les deux doivent toujours être prises ensembles, les premières étant souvent autoritaires, les secondes blessant et tuant par négligence et oubli. C’est d’autant plus le cas pour la pandémie que les mesures ont maintenant pris fin. Pareil pour la canicule, les personnes fragiles ont été et continuent d’être délaissées, chaque individu mort étant un « sacrifié de l’indifférence » selon les mots du journaliste Jean Stern21. Comme l’avance Eric Klinenberg dans son autopsie sociale de la canicule qui frappa la ville de Chicago en 1995, les épisodes caniculaires sont « des assassins silencieux et invisibles de personnes silencieuses et invisibles22 » (ou plutôt : réduites au silence et rendues invisibles). Une telle négligence n’est pas un état de fait fortuit mais s’inscrit dans des intérêts particuliers qui guident les politiques publiques et les décisions économiques. Cela relève alors d’un abandon organisé, selon l’expression forgée par la géographe Ruth Wilson Gilmore pour décrire le système carcéral états-unien et qui paraît particulièrement efficace pour décrire, plus largement, le traitement qui est fait des désastres pandémique et climatique23.
S’il est souvent dit que tout pouvoir repose sur la peur, une de ses activités essentielles consiste aussi à contredire, disqualifier et apaiser les peurs populaires24. Il faut rester calme face à ce qui nous assaille : une chaleur effrayante devient une occasion de profiter de la plage tard dans le mois de septembre, un virus ravageur ne doit pas être synonyme de désordre ou d’inquiétude. Il n’y a qu’à voir la légèreté avec laquelle les pics de température exceptionnels de fin d’été ont été traités, exactement comme l’a été la recrudescence des contaminations au mois de septembre. Ce n’est pas seulement de la désinformation : il y a dans ce détournement du regard, qui vient masquer la gravité du réel en le présentant sous des traits tranquilles, l’essence même de la gestion des catastrophes, une politique de la terre brûlée sous couvert d’une maîtrise paisible. À l’été 2022, quand il annonçait la mise en place d’un numéro vert réservé aux épisodes caniculaires, François Braun, alors ministre de la Santé, suivait la ligne : « Il faut apprendre à vivre avec le Covid. La canicule, il faut aussi apprendre à vivre avec25 ».
« La bourgeoisie dispose de protections efficaces lui permettant d’atténuer le danger et de protéger sa santé, avec de nombreux moyens alloués à une prévention à la pointe de la technologie. »
Il importe de rappeler, enfin, que la bourgeoisie dispose de protections efficaces lui permettant d’atténuer le danger et de protéger sa santé, avec de nombreux moyens alloués à une prévention à la pointe de la technologie. Pendant la canicule, il lui est possible de supporter la chaleur en restant au frais et au calme dans des habitations climatisées, tout en allant se rafraîchir ailleurs, dans les maisons secondaires et autres gîtes et hôtels à la montagne ou à la plage. Ce fut la même chose au printemps 2020, les membres des classes aisées s’échappant des métropoles pour passer un printemps paisible, au vert, à l’abri du virus. Face au Covid, le contrôle de la qualité de l’air est de plus en plus développé, avec des équipements qui garantissent l’atmosphère saine des espaces de vie, de loisirs et de travail de la bourgeoisie, alors même qu’on répète aux autres que la pandémie est terminée (il n’y a qu’à voir les mesures prises au dernier forum de Davos26). À elle seule, la qualité de l’air révèle les structures qui hiérarchisent la société27. Tandis que les masques FFP2 sont de moins en moins trouvables dans les commerces, avec des prix prohibitifs pour beaucoup, la masse doit se contenter de masques chirurgicaux qui s’avèrent moins efficaces — de toutes façons, n’étant plus obligatoire, le masque n’est quasiment plus porté.
S’organiser face au danger
Réduire l’ampleur de futures pandémies et canicules suppose de mettre un terme, le plus vite possible, au ravage écologique, c’est-à-dire à l’exploitation et à la dévastation à tout-va des milieux. Rien de nouveau. Du côté des syndicats, des appels ont été émis pour exercer le droit de retrait en période caniculaire pour cause de mise en danger des travailleur·euses, alors que le code du travail ne prévoit pas de température maximum28. Il y a aussi eu des prises de position, plus rares, mais d’une grande valeur, à l’encontre des mesures gouvernementales laissant le virus prospérer29. Bien que nécessaires, la lutte ne se résume pas à l’expropriation et au démantèlement des industries et infrastructures destructrices et polluantes, mais doit intégrer la nécessité de rendre habitables nos espaces de vie. Il ne s’agit pas de valoriser l’adaptation, mais de relever des actions ayant vocation, dans une perspective révolutionnaire, à s’en prendre à la fois aux sources et aux manifestations des dangers.
Face à la radicalisation des risques pandémiques et caniculaires, l’urbanisme et l’architecture sont loin d’être innocents. Dans l’espace de la métropole où le soleil frappe si fort et l’air devient si pesant, l’aménagement des infrastructures participe à accroître la menace : les bâtiments, leurs matériaux et leur concentration doivent être modifiés pour restreindre les îlots de chaleur ; les modes de transports requièrent d’être repensés à la fois contre la voiture et contre l’entassement ; l’artificialisation et la bétonisation effrénées doivent être arrêtées30. Il ne suffira pas de construire quelques points de fraîcheur ici et là, le plus souvent accaparés par la bourgeoisie, mais des espaces populaires multipliés, étendus, réappropriés : des équipements collectifs, ouverts et gratuits, des lieux ombragés et rafraichissants, des points d’eau, des quais, des jardins, des parcs, ainsi que des centres sociaux, d’accueil, de loisir et de soin pour ne pas subir la chaleur fatale. S’en prendre à la propriété privée de ces lieux ainsi qu’au scandale écologique de leur utilisation restreinte constitue aujourd’hui une étape fondamentale. Ce n’est qu’alors qu’il deviendrait possible de passer les semaines suffocantes de l’été un peu à l’abri.
Ces questions d’aménagement prennent aussi toute leur importance en ce qui concerne la pandémie, puisque la manière dont nos lieux de vie sont concrètement occupés influe grandement sur la progression du virus. Parce que les particules aérosols se propagent surtout au sein d’endroits clos où l’air ne circule pas, l’organisation matérielle de l’espace est fondamentale : « il s’agit moins de patients supercontaminateurs que de lieux supercontaminants31 ». Or, cela inverse complètement la perspective retenue par le pouvoir. C’est ce que souligne le Comité pour l’extension des courants d’air, qui appelle à défaire nos espaces fermés et entassés, mais aussi mal isolés, polluants et pollués. Concrètement, il importe de multiplier les courants d’air, d’ouvrir les lieux étanches et séparés, de faire circuler l’air que nous inhalons : « Le point de vue des courants d’air adopté, c’est le monde entier plongé dans la pandémie qui apparaît comme un monde catastrophique et clos. […] La ville serait ingérable si les courants d’air comme les gens entraient et sortaient de partout32 ». Depuis plusieurs mois, l’Association pour la réduction des risques aéroportés (ARRA) se charge d’informer sur la transmission aéroportée du virus et, surtout, de partager des purificateurs d’air, des équipements essentiels pour rendre les lieux clos moins hostiles.
« Il y a un enjeu de première nécessité à refuser l’action policière, qui s’étend d’abord et surtout dans les quartiers populaires. »
À partir de là, tout pointe vers la nécessité d’« une écologie qui cherche à casser les murs33 » — à entendre et appliquer au sens propre. Alors que les ressources économiques venaient à manquer cruellement pour beaucoup au début de la pandémie, des grèves de loyer ont été lancées, une pratique qui s’est développée à des échelles variables en Italie, en Espagne, aux États-Unis mais aussi en France34. Ce serait une réponse efficace de la part des locataires d’appartements mal isolés dans lesquels la température monte dangereusement en été. S’organiser collectivement en temps de catastrophes implique aussi de faire contre et sans la police, alors que la répression et la surveillance s’accroissent encore. Il y a un enjeu de première nécessité à refuser l’action policière, qui s’étend d’abord et surtout dans les quartiers populaires. Au début de la pandémie, l’Observatoire de l’urgence sanitaire a renseigné la manière dont le maintien de l’ordre policier et l’autoritarisme gouvernemental relevaient directement d’une généalogie coloniale et militaire et portaient une fonction contre-révolutionnaire35. Il n’est pas difficile d’imaginer qu’au cours des épisodes caniculaires qui seront de pire en pire, la question se posera urgemment : à moins d’en être empêchée par des résistances collectives, la police étendra son quadrillage et sa brutalité. Durant l’été 1995 à Chicago, la police a ainsi été mobilisée pour protéger l’ordre raciste et capitaliste dans une ville désorganisée : des services entiers tournaient dans les quartiers pauvres pour empêcher les habitant·es de se rafraîchir avec les bornes à incendie tandis que d’autres surveillaient les magasins contenant des biens de première nécessité.
Pour un communisme du désastre
Face à l’une comme à l’autre, la désorganisation des services de soin et plus largement leur appauvrissement organisé obligent à repenser un contrôle populaire des institutions de santé, directement par les travailleur·euses qui y officient et les usager·es qui y sont soigné·es. Se limiter à demander plus d’argent pour la santé publique comporte une impasse : davantage de moyens étatiques ne signifie pas un traitement de la santé efficace, gratuit et émancipateur. S’il importe de continuer de combattre les politiques d’austérité, nous disposons aussi d’autres possibilités, qui nécessitent de nous organiser pour veiller tout autrement sur nos proches, nos ami·es, nos camarades, nos voisin·es, nos collègues et les autres, celles et ceux que nous ne connaissons toujours pas alors que nous vivons à leurs côtés. Une veille qui se saisisse des défaillances normales de la gestion étatique et marchande non pour faire œuvre de rafistolage, mais pour viser directement aux structures qui produisent les afflictions et qui empêchent de bien les prendre en charge, par la constitution d’un large et dense contrôle populaire.
Ces pratiques de solidarité radicale sont à la fois le moyen et la fin de toute action révolutionnaire, ce à quoi elle aspire autant que ce par quoi elle peut s’étendre et perdurer. Aussi, elles ne sont pas des solutions réservées à quelques-un·es, comme une simple fuite, mais constituent le ciment d’une lutte contre le désastre en cours, pour une émancipation collective : « Il ne suffit pas de construire un paradis en enfer : nous devons travailler contre l’enfer et le dépasser. Nous avons besoin de plus que des communautés du désastre. Nous avons besoin d’un communisme du désastre36 ». Il importe alors de revaloriser des actions d’entraide, dont la plupart constituent déjà un tissu de sécurité essentiel au maintien d’une vie qui ne soit pas trop dégradée, de les étendre et les multiplier. Les personnes qui meurent pendant une canicule meurent le plus souvent directement à cause de l’isolement. Plutôt que de le suppléer, l’autodéfense sanitaire se déploie comme une intervention pour défaire un tel abandon organisé37. C’est ce pour quoi s’étaient organisées les brigades de solidarité populaire au printemps 2020 dans quelques métropoles38.
On nous a présenté les mesures de prévention comme contradictoires : la climatisation et la ventilation contre la chaleur font circuler les particules aérosols du virus, tandis que l’aération en ouvrant les fenêtres laisse entrer la chaleur. Comme des ARS l’ont affirmé, il faudrait choisir : agir contre l’une ou contre l’autre. Il est pourtant possible de sortir de ce dilemme infernal. D’abord, en continuant de faire valoir le port du masque dans les lieux clos, en faisant de la qualité de l’air un sujet politique, en aménageant des espaces de fraicheur aérés mais aussi en étendant et renforçant la solidarité face au danger. Prendre soin des autres passe par ne pas mettre en danger les personnes seules, fragiles et malades, se protéger pour les protéger et vice-versa. Soit en un mot : mettre au centre une perspective communiste.
Alors que l’écriture de ce texte prend fin, au moment où l’immonde loi immigration est en train d’être acceptée et que la fascisation du pays s’accélère, les mots et les actions des gilets noirs au printemps 2020 ont d’autant plus de force. Face à l’abandon et la répression régnant dans les foyers où le virus progressait, le collectif s’organisait : « On n’a pas attendu la répression sanitaire pour s’organiser et se défendre. Nous avons mis en place une cagnotte et organisé un réseau de ravitaillement des foyers pour se protéger de la maladie. À l’aide de nos camarades des Brigades de solidarité populaire qui soutiennent cette auto-organisation, nous sillonnons les foyers pour distribuer du matériel. Ils se fichent de nous : c’est nous-mêmes qui nous protégeons39 ! »
Illustrations de bannière et de vignette : Hans Hartung
- Out of the Woods est un collectif de recherche international qui pense l’écologie « dans une perspective communiste, décoloniale, féministe et queer ». Collectif Out of the Woods, L’utopie maintenant ! Perspectives communistes au désastre écologique, Toulouse, Présence(s) éditions, 2023, p. 32.[↩]
- Mélanie Meloche-Holubowski, « Les maladies post-infection, comme la COVID longue, plus fréquentes qu’on ne le pense », Radio-Canada, 8 décembre 2023.[↩]
- Benjamin Mateus et Evan Blake, « Les réinfections au COVID-19 augmentent considérablement le risque de décès et de COVID long », World Socialist Web Site, 12 novembre 2022 .[↩]
- Sebastián Escalón, « Pandémies : l’éternel retour », CNRS Le Journal, 11 juillet 2023.[↩]
- AFP, « Canicules : des régions entières vont devenir invivables au cours des prochaines décennies », Franceinfo, 10 octobre 2022.[↩]
- Quentin Hardy, « Battre l’enfer quand il est chaud », Terrestres, 15 juin 2022.[↩]
- Mike Davis, « Écologie du feu et apocalypse : la seconde nature de la Californie », Agitations, 1er octobre 2020.[↩]
- Didier Fassin, Les mondes de la santé publique. Excursions anthropologiques. Cours au Collège de France 2020–2021, Seuil, Paris, 2021, p. 340.[↩]
- Voir l’étude cartographique précise réalisée par Mickaël Correia, Donatien Huet et Cédric Rossi, « Inégalités climatiques : comment les riches accaparent les espaces verts », Mediapart, 12 août 2023.[↩]
- Fatima Ouassak, La puissance des mères. Pour un nouveau sujet révolutionnaire, Paris, La Découverte, 2020.[↩]
- Gwenola Ricordeau et Joël Charbit, « États-Unis : les prisonniers face aux catastrophes écologiques », Ballast, 22 mars 2019. Voir aussi les textes initialement parus au sein du journal anticarcéral L’Échappée explorant l’abrasion sensorielle que constitue la prison, en détaillant la diversité et l’intensité des violences qu’elle fait aux corps, notamment avec la chaleur et la coronavirus : La Brèche, Un peu de bon sens, que diable !, Toulouse, niet!éditions, 2022.[↩]
- La Voix des Rroms, « L’antitsiganisme court toujours », Bondy Blog, 15 mai 2020.[↩]
- « Antitsiganisme, poussières et chaleur suffocante. Quand vient l’été pour les habitants d’une aire d’accueil polluée », lundimatin, 6 juillet 2023, #390.[↩]
- Stéphane Korsia-Meffre, « Transmission de la Covid-19 : le rôle central des enfants et des écoles confirmé », VIDAL, 1er juin 2023.[↩]
- Voir le dossier consacré au travail en temps de pandémie par Cabrioles : « Travail », Cabrioles, 13 février 2023.[↩]
- William Audureau, «
Canicule asymptomatique
: le nouveau sarcasme approximatif des covidosceptiques », Le Monde, 9 août 2023.[↩] - Voir la série « COVIDeniers : Anti-Science Coronavirus Denial overlaps with Climate Denial » par le collectif DeSmog.[↩]
- À propos de l’écologisation du fascisme, voir l’ouvrage d’Antoine Dubiau, Écofascismes, Caen, Éditions Grevis, 2022.[↩]
- Daniel Sarah Karasik, « Combattre l’eugénisme capitaliste », Cabrioles, 21 juin 2022.[↩]
- « L’État contre le capital ? », Agitations, 27 avril 2022.[↩]
- Jean Stern, Canicule. En souvenir de l’été 2003, Montreuil, Libertalia, 2020, p. 12. Il n’est pas anodin que ce soit au printemps 2020 que Jean Stern délivra le témoigne personnel de son hospitalisation à l’hôpital en août 2003, pile au moment où les services se remplissaient des corps agonisants à cause de la canicule.[↩]
- Eric Klinenberg, Canicule. Chicago, été 1995 : autopsie sociale d’une catastrophe, Lyon, Éditions deux-cent-cinq et École urbaine de Lyon, 2021, p. 75.[↩]
- Ruth Wilson Gilmore, Golden Gulag : Prisons, Surplus, Crisis and Opposition in Globalizing California, University of California Press, 2007, p. 178.[↩]
- Cette fonction n’a rien d’une nouveauté, elle est au cœur de la législation du début du XIXe siècle qui libéralise la production industrielle à l’encontre des protestations qui s’inquiètent de ses effets sur les milieux et la santé. Jean-Baptiste Fressoz, L’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Seuil, 2012.[↩]
- Benjamin Sportouch et Léa Stassinet, « Canicule : François Braun annonce la mise en place d’un numéro vert », RTL, 13 juillet 2022.[↩]
- Benjamin Mateus, « Les milliardaires de Davos se protègent du COVID-19, tout en déclarant la pandémie
terminée
pour les travailleurs », World Socialist Web Site, 23 janvier 2023.[↩] - John Kazior, « Contrôle de la qualité de l’air », Cabrioles, 21 août 2022.[↩]
- « Canicule : mesures de protection et droit de retrait », SNPEFP-CGT, 20 juillet 2023, « Canicule : se protéger toutes et tous, s’engager dans le reconversion écologique », Sud-éducation, 13 juin 2022.[↩]
- « Politique sanitaire : communiqué de la CNT-SO », CNT-SO, 11 janvier 2022, « Organisons notre autodéfense sanitaire », Solidaires étudiant·e·s, 5 avril 2022, « Fiche pratique Covid-19 — Autodéfense sanitaire », Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo, 10 janvier 2022.[↩]
- Désurbanisme, Détruire les villes avec poésie et subversion, Le monde à l’envers, 2022.[↩]
- Christian Lehman, Tenir la ligne. Chronique d’une pandémie, Éditions de l’Olivier, 2022, p. 174.[↩]
- Comité pour l’extension des courants d’air, « Pandémie sans fin : Covid-19 et déni des courants d’air », Paris luttes info, 16 mars 2022.[↩]
- Fatima Ouassak, Pour une écologie pirate. Et nous serons libres, La Découverte, 2023, p. 28.[↩]
- Stefano Portelli, « Covid-19, la grève des loyers comme immunité collective », jef klak, 1er avril 2020.[↩]
- Ses recherches et rapports sont essentiels pour élaborer une critique de ce qu’il se passe depuis le printemps 2020, en lien avec une histoire plus longue : « Observatoire de l’état d’urgence sanitaire », ACTA.[↩]
- Collectif Out of the Woods, L’utopie maintenant !, op. cité, p. 253. Cette partie de l’ouvrage est accessible en ligne sur le site du collectif Agitations.[↩]
- « Seul le peuple sauve le peuple », ACTA, 3 avril 2020.[↩]
- « Une journée avec les brigades de solidarité populaire », ACTA, 9 avril 2020.[↩]
- Gilets noirs, « Autodéfense immigrée : seule la lutte donnera les papiers », Paris-luttes.info, 25 avril 2020.[↩]
REBONDS
☰ Lire notre entretien avec Maïlys Khider : « Enquête sur le système de santé cubain », février 2022
☰ Lire notre entretien : « Santé, vaccin et pass : discussion avec le médecin urgentiste Christophe Prudhomme », octobre 2021
☰ Lire notre entretien avec Thomas, infirmier : « Personne ne veut d’un tel système de santé », mai 2021
☰ Lire notre entretien avec Kali Akuno : « Nous n’allons pas mourir pour les riches », novembre 2020
☰ Lire notre entretien avec le collectif La santé en lutte : « Le délabrement des soins de santé a été préparé », septembre 2020
☰ Lire notre témoignage « On veut être respectés : faire grève en pleine pandémie », avril 2020