Texte inédit pour le site de Ballast
La France se plaît à rappeler que l’ère moderne débuta sur son sol. La Révolution française vit naître un clivage politique dont nombre de systèmes politiques portent encore les traces : la gauche et la droite. Le 11 septembre 1789, les débats de l’Assemblée constituante portent sur le droit de veto accordé au roi. Les députés se lèvent et se réunissent par affinités politiques — à la droite du roi, les partisans de la monarchie et du veto royal ; à sa gauche, les révolutionnaires défendant la souveraineté des représentants élus. En réalité, les acteurs politiques ne se définiront par ces deux coordonnées spatiales qu’à partir de la fin du XIXe siècle, à la suite de l’affaire Dreyfus : la gauche sera le parti du progrès et la droite celui du conservatisme. L’histoire du XXe siècle est remplie de tentatives politiques pour s’émanciper de ces deux identités — au premier rang desquelles le communisme et le gaullisme. Qu’en est-il aujourd’hui ? Vu de loin, un ensemble de discours convergent pour l’enterrer : Emmanuel Macron qui souhaite « dépasser la gauche et la droite », Marine Le Pen qui se dit « ni de gauche, ni de droite » ou Jean-Luc Mélenchon qui « refuse ce jeu d’étiquettes ». Pourtant, rien ou presque ne les rapproche : le premier entend éteindre les conflits sous l’expertise et la morale, la seconde les canaliser dans un registre ethnique quand le troisième les radicalise par une opposition entre le peuple, les gens du commun, la majorité sociale et l’oligarchie, la caste, le petit monde des importants.
Si l’on demande à un Français, en 2016, de donner une représentation du paysage politique, il est fort à parier que le résultat serait le suivant : une sorte de frise horizontale allant de la gauche à la droite. Cinq grands blocs aux frontières poreuses se dessineraient : extrême gauche, gauche, centre, droite, extrême droite. Pour les plus au fait de la vie politique française, se superposeraient des partis à ce schéma horizontal gauche-droite : Lutte ouvrière et le NPA probablement à l’extrême gauche, le Parti socialiste et le Parti communiste à gauche — EELV quelque part entre les deux —, le Modem et l’UDI au centre, Les Républicains à droite et le Front national à l’extrême droite.
Rappelons une évidence : cette manière de se représenter le paysage politique1 n’est pas naturelle, ni inscrite dans une table des lois politiques, ni une essence révélée par la modernité. Elle est une construction historique, culturelle et contingente. Elle est une carte pour s’orienter dans les discours, les organisations, les politiques publiques, les conflits. Mais les géographes ne cessent de le répéter : les cartes sont des représentations de la réalité autant qu’un enjeu de pouvoir. Non, l’Europe n’est pas le centre du monde, seulement celui de la mappemonde que nous étudions à l’école. Les cartes centralisent des choses, en omettent d’autres, rejettent dans la périphérie le reste. Ainsi, la carte mentale gauche-droite est un ordre politique : il ordonne des positions, distribue des places, fabrique un centre, trace des frontières, délimite ses bords. Agencement de structures certes (des lois électorales favorisant le bipartisme, des subventions publiques aux grands partis, des assemblées et plateaux de télévision où les places reproduisent l’axe horizontal2) ; mais c’est surtout un agencement symbolique qui favorise des groupes particuliers. Ceux installés dans ce partage agréable du réel entre gauche et droite : eux sont au centre, les autres sont à l’extrémité, « aux bords de la politique » pour reprendre une formule du philosophe Jacques Rancière. Tout ordre politique se constitue par l’exclusion de revendications, de groupes, d’identités, de pratiques ; le dedans, légitime, contre le dehors, illégitime.
« La carte mentale gauche-droite est un ordre politique : il ordonne des positions, distribue des places, fabrique un centre, trace des frontières, délimite ses bords. »
Mais l’ordre est toujours instable et sujet à redéfinition puisqu’il cristallise, à un moment donné, les rapports de force dans une société. Cet ordre gauche-droite vacille aujourd’hui : s’il perdure grâce à l’inertie des institutions, son récit — sa part symbolique — entre en crise. Parler de crise des partis traditionnels, au-delà du marronnier médiatique, c’est rappeler que les identités politiques servent à signifier le conflit entre groupes sociaux et visions du monde. Les métaphores gauche et droite sont efficaces tant qu’elles renvoient à un ensemble de choses contradictoires et irréconciliables : salaires contre profits, progrès social contre conservatisme, droits collectifs contre privilèges, souveraineté populaire contre expertise de quelques-uns, entre autres choses. Disparition de la conflictualité et crise des identités politiques traditionnelles sont les deux faces de la même pièce. Comme le rappelle Íñigo Errejón, secrétaire politique de Podemos, « Les moments de crise ne sont jamais des moments de clarification des camps politiques en présence, mais de fragmentation et d’effondrement des identifications traditionnelles3 ». Il n’y a pas de clarification : la fausse gauche ne laisse pas la place à la vraie ; idem à droite : l’authentique et la forte ne remplace pas la modérée. Il y a effondrement des coordonnées mêmes de l’ordre. Lorsque les métaphores disponibles — gauche et droite — n’expriment plus le conflit, émerge alors un vide symbolique que des forces jusque-là subalternes tentent de remplir.
Logique, dès lors, que les exclus de ce grand partage, qui ne correspondent pas à l’un des deux pôles monopolisés par les insiders, veuillent le subvertir. Remettre en question le clivage gauche-droite est un préalable pour tout outsider — eu égard au contenu de ladite subversion. Cela appelle à questionner la stratégie de toute une gauche « radicale » et d’une « extrême gauche » qui, acceptant l’ordre et le terrain façonné par l’adversaire, se complaisent dans la place inoffensive que ce dernier lui a taillée : positionnées qu’elles sont de leur propre chef au « bord de la politique », à son extrémité, une simple pichenette les renvoie dans le gouffre de la marginalité. Vu de loin, un ensemble de discours converge pour enterrer le clivage gauche-droite. Emmanuel Macron et son mouvement En marche, rassemblement des « progressistes contre les conservateurs », le Front national et sa ligne de partage « patriotes contre mondialistes » et la candidature de Jean-Luc Mélenchon et son « peuple opposé à l’oligarchie » : tous trois refusent de se positionner sur cette fresque horizontale. Il serait pourtant erroné d’amalgamer ces trois options, comme le premier éditorialiste venu, sous l’étiquette « d’anti-système ». Si la première est une négation de la politique comme activité conflictuelle, la seconde érige une frontière entre un « bon-national » et un « mauvais-extérieur » alors que la troisième conteste l’ordre politique des dominants en les isolant « en haut » pour fédérer « le bas » contre cet ennemi commun ; telle est la seule ligne de crête d’une gauche politique en recomposition.
« Dépasser la gauche et la droite » : l’ère post-politique
« Face aux défis qui sont les nôtres, nous devons dépasser ce clivage », affirme Emmanuel Macron sur TF1 lors du lancement de son mouvement En marche. Il poursuit : « La gauche et la droite telles qu’elles ont construit la vie politique française sont aujourd’hui caduques. » Le message est clair, sans ambages ni louvoiement : il cible ses anciens collaborateurs du gouvernement PS. La réponse ne s’est pas fait attendre. Manuel Valls reproche à son ancien ministre de l’Économie de « céder aux sirènes du populisme », de « représente[r] une forme de populisme light4 ». Les tenants de l’ordre gauche-droite activent la machine à marginaliser avec leurs artifices rhétoriques contre un adversaire susceptible de troubler l’alternance tranquille entre le Parti socialiste et Les Républicains — ou, plus fondamentalement, de troubler leur répartition de place ou de pouvoir. « Dépasser la gauche et la droite » : du populisme ? Non, l’exact inverse. L’offre politique d’Emmanuel Macron est l’incarnation française la plus aboutie du mouvement politique que les sociaux-démocrates anglais ont appelé The Third Way, « la troisième voie ». Il s’agissait, dans les années 1990, de prendre acte de la chute du communisme d’État, de la généralisation de l’économie de marché à la planète entière, de l’inefficacité des politiques économiques interventionnistes dans le contexte de mondialisation pour proposer une « troisième voie » entre capitalisme et communisme, entre néolibéralisme et keynésianisme : Tony Blair en Grande-Bretagne, Gerhard Schröder en Allemagne et la « deuxième gauche » française autour de Michel Rocard.
« Victoire de la mondialisation et de la démocratie représentative ; les mécontents sont appelés à se faire une raison ou, a minima, à faire profil bas. »
Ce courant place les sociétés occidentales face à des défis, des processus, des mutations qui rendraient caduques les anciens conflits politiques du XXe siècle, au premier rang desquels le conflit sur la répartition des richesses (« La lutte des classes n’existe plus »). C’est ce qu’exprime très justement Chantal Mouffe, philosophe belge critique du virage libéral de la gauche : la troisième voie part du « principe selon lequel [nos] sociétés ne sont plus structurées au travers de rapports de pouvoir inégaux5 ». À l’échelle macrosociale, une immense classe moyenne dominerait la société, entourée par deux extrêmes : en haut les hyper-riches et, en bas les exclus, l’extrême pauvreté. À l’échelle microsociale, adviendrait une société d’individus singuliers qui, n’ayant plus de mythes collectifs mobilisateurs (les idéologies fascistes et communistes étant désormais derrière nous), cultiverait ses individualités, cherchant à se réaliser sur un mode autocentré. Nos sociétés seraient alors mûres pour délaisser les identifications collectives au profit d’une émancipation individuelle. Une thèse forte de la troisième voie — l’individualisation des rapports sociaux — décrit le processus contemporain de rébellion des individus contre les rôles, les statuts, les normes, les institutions contraignantes de la « vieille modernité » — l’école autoritaire, la famille patriarcale, le salariat fixe et à vie, le parti politique caporalisé, le syndicat hiérarchique, l’administration bureaucratique, les cléricatures religieuses. C’est pourquoi Emmanuel Macron martèle dans ses longs discours depuis juillet 2016 le lexique de la mutation, du bouleversement, des changements profonds. C’est précisément ici que la rhétorique du « dépassement de la gauche et de la droite » face aux nouveaux défis du monde révèle son caractère antipolitique, c’est-à-dire sa négation de la politique comme activité conflictuelle.
La troisième voie, au-delà de la gauche et de la droite, présente ces défis comme des forces de la nature irréversibles, des processus sans sujets, sans causes, instigateurs ni intérêts, sans gagnants ni perdants : la globalisation financière, la construction européenne, la robotisation du travail, l’omniprésence des NTIC (et bientôt des NBIC) sont là et nous poussent à nous adapter, à réformer notre modèle social. Ce n’est pas le résultat de décisions politiques, l’expression d’intérêts de groupes oligarchiques, de lobbies organisés et actifs ou la vision du monde des secteurs dominants6. Non, ces « défis » abstraits s’imposent à nous, point à la ligne ; qui n’a pas envie de relever d’enthousiasmants défis, de « challenger le réel » ? La troisième voie « vise à éliminer de la politique l’idée d’adversaire7 », conclut Chantal Mouffe, l’idée d’un « nous » confronté à un « eux ». Ainsi, le philosophe canadien Alain Deneault parle-t-il d’« extrême centre8 » pour décrire cette posture : « L’extrême centre, ce n’est pas situer le discours sur l’axe gauche-droite mais l’abolir et présenter son discours comme le seul imaginable. […] L’extrémisme [du centre], c’est l’intolérance à tout ce qui n’est pas soi9. » La politique est réduite à une gestion de problèmes venus de l’extérieur qui n’appellent que des réponses techniques favorisant tout un chacun. Les débats sur la forme de société, le système politique ou l’organisation de la production et des échanges n’ont plus lieu d’être car déjà tranchés par l’Histoire : victoire de la mondialisation et de la démocratie représentative ; les mécontents sont appelés à se faire une raison ou, a minima, à faire profil bas.
La post-politique, cette « idéologie suprême consistant à dire pas d’idéologie !
» que critique le philosophe slovène Slavoj Zizek10, fait un travail sur les mots pour en finir avec les marqueurs qui, à ses yeux, charrient le conflit. Se délester de la gauche et de la droite participe à enterrer un monde, la modernité, fondé sur l’identification collective — « Les Français contre les Allemands » (l’identité nationale abolie dans le mythe européen), « Les ouvriers contre les patrons » (l’identité de classe abolie dans le mythe de la classe moyenne), « Le peuple de gauche contre le peuple de droite » (l’identité politique abolie dans le mythe de la fin des idéologies nationalistes, communistes ou fascistes). Le consensus au centre porté par Emmanuel Macron ou, selon la formule de l’intéressé, « la recomposition politique autour d’un clivage nouveau entre progressistes et conservateurs11 » substituent la réponse technique au combat politique, la vérité des experts à la souveraineté populaire. Les étiquettes gauche et droite « ne construisent plus un vrai consensus, donc une vraie possibilité d’action en matière économique, du travail, de l’Europe12 », poursuit le néocandidat : ce clivage doit être dépassé puisqu’il empêche le consensus nécessaire aux réformes structurelles dont le pays a besoin ; on ne connaît que trop bien cette musique.
« La gauche traditionnelle donnait des droits, Macron et la troisième voie offre des choix ; la politique s’est faite marketing. »
Est-il juste d’affirmer que les tenants du dépassement de la gauche et de la droite refusent tout conflit ? Pas vraiment. S’il perdure, c’est sous deux formes bâtardes. La première met en scène l’opposition entre ceux qui bénéficient des structures protectrices des trente glorieuses (le CDI, le comité d’entreprise de la grosse boîte, le statut de fonctionnaire) et les « exclus » du marché de l’emploi, les entrepreneurs innovants qui cassent les monopoles de la vieille société administrée et ses statuts : les insiders contre les outsiders. D’un côté, l’ouvrier de chez Renault aurait une condition commune avec le haut fonctionnaire de l’inspection générale des Finances (ils sont « installés » et « protégés ») ; de l’autre, l’allocataire du RSA aurait une solidarité cachée avec les « startupers » et les « ubériseurs » sortis des écoles de commerce (ils sont « exclus », « en marge » et « sans filet de sécurité »). C’est pourquoi la solution libérale que propose Emmanuel Macron contre cet état de fait est l’égalité des opportunités : l’objectif n’est évidemment pas l’égalité sociale (par la redistribution des richesses ou des formes de propriété collective) ni l’égalité politique (par des dispositifs de démocratie directe), mais l’égalité des chances (par l’ubérisation de la société). La gauche traditionnelle donnait des droits, Macron et la troisième voie offre des choix ; la politique s’est faite marketing.
La seconde opposition déplace la politique sur le terrain moral. Les bons progressistes ouverts et tolérants mènent un combat contre les méchants conservateurs fermés et xénophobes. Tous ceux qui s’opposent — d’une manière ou d’une autre — aux processus que la troisième voie juge inéluctables (qu’ils soient d’ordre économique ou culturel) sont regardés comme des forces passéistes qui ne saisissent pas le sens de l’Histoire. La technocratie qu’incarne Emmanuel Macron ne peut lire le conflit perdurant dans nos sociétés que comme le surgissement d’une forme d’atavisme populaire d’un âge ancien ou, plus fondamentalement encore, comme l’incompréhension par les basses classes des « réalités du monde ». On retrouve le refrain sur la « pédagogie » et l’interprétation des « votes extrêmes » par le seul prisme du niveau d’études des électeurs. Les contestations d’une majorité populaire ne sont pas l’expression de conflits fondamentaux (la division de la société en classes sociales) mais simplement celle d’incompréhensions qui peuvent être rectifiées par le dialogue et l’éducation : condamnation morale (le « bien » contre le « mal ») et condamnation experte (le « vrai » contre le « faux », le « réel » contre les « sentiments ») sont les deux piliers de l’ère post-politique. En résumé, il faut prendre au sérieux l’offre d’Emmanuel Macron, ne pas se satisfaire d’un — salutaire — rejet instinctif basé sur le parcours du personnage ou la sociologie de ses militants ou soutiens, et l’analyser pour ce qu’elle est : ce n’est ni un populisme de droite, ni « le peuple contre la caste » de Podemos, mais la vieille rengaine d’une social-démocratie à bout de souffle qui consiste à éteindre le conflit de classe sous la gestion des experts d’un côté et des moralistes de l’autre. Appelons-la donc par son nom : l’extrême centre.
« Ni droite ni gauche, français ! » : le conflit ethnique
Marine Le Pen a récemment présenté son slogan « Au nom du peuple » et son symbole pour l’élection présidentielle : une rose bleue, sans épine, à l’horizontale. « Certains verront dans la rose le symbole de la gauche et dans la couleur bleue celui de la droite », commente la candidate frontiste. « Cette vision des choses n’est pas pour me déplaire : c’est bien le rassemblement de tous les Français au-dessus de clivages dépassés, trop souvent stériles, que je recherche13. »Un air de troisième voie à la Macron ? Pas vraiment. Le « ni gauche, ni droite » de l’extrême droite, en dépit de sa proximité formelle avec le « dépassement de la gauche et de la droite » de l’extrême centre, conçoit bien la politique comme une activité conflictuelle avec des frontières antagoniques, des camps, un « nous » qui affronte un « eux » et des identités collectives passionnelles : Slavoj Zizek ira jusqu’à dire, dans le climat post-politique des années 1990, que seul Jean-Marie Le Pen assumait le conflit face au consensus européiste14. L’extrême droite ne se contente pas de refuser les identités politiques traditionnelles (« Ni droite, ni gauche »), elle revendique la sienne : « Français ! », ou dans la version allégée portée par Florian Philippot, « Patriote ! ». Le Front national met en scène une opposition, dans tous les registres, entre un « bon-national » et un « dangereux-étranger ». « Ni gauche, ni droite », car le conflit qui structure la société n’est ni d’ordre politique (la dépossession parlementaire et oligarchique du pouvoir) ni d’ordre économique (la dépossession capitaliste des richesses), mais « français » car il est d’ordre identitaire (la dépossession culturelle d’une manière d’être et de vivre par des éléments « étrangers »).
« Pour l’extrême droite, le permis de gouverner se confond avec la bonne nationalité et le bon statut social : un peuple spectateur guidé par son bon maître ; un maître bien de chez nous. »
Dès lors, « le rassemblement de tous les Français au-dessus des clivages dépassés et stériles » annonce clairement la couleur : serrez les rangs, France d’en haut et d’en bas, pour la réconciliation nationale ; dépassez les « (inutiles) divisions secondaires15 » (entre ceux qui profitent et ceux qui pâtissent) pour communier dans la mystique de la « Nation française » contre l’ennemi extérieur ; l’amour des figures plutôt que celui des siens, la défense de ses couleurs plutôt que celle des autres. Comme le souligne Frédéric Lordon, derrière ce discours abstrait sur la communauté nationale, se cache le pouvoir très concret de « l’homme providentiel » ou toutes ses possibles variantes : « comités de sages, de savants, de compétents ou de quelque autre qualité, avant-gardes qualifiées, etc., c’est-à-dire le petit nombre des aristoi (les meilleurs
) à qui revient légitimement
de conduire le grand nombre16. » Si l’adversaire prend la forme des « élites » ou de la « caste politique française », ce n’est jamais le système reproduisant le pouvoir des gouvernants qui est attaqué. Les élites nationales ont pour le Front national un seul défaut : non pas de cumuler le pouvoir politique et symbolique — le pouvoir économique des entreprises françaises n’est pas un sujet pour ce parti — mais de « trahir la France ». Une bonne élite patriote, alliée aux bons « chefs d’industrie » nationaux, doit remplacer les traîtres mondialistes. C’est pourquoi l’extrême droite n’est jamais aussi à l’aise que lorsqu’elle cible l’élite « étrangère », celle de Bruxelles qui fait de la France un vassal de l’empire européen. L’appel à la souveraineté de la Nation vise simplement à substituer une élite par une autre : « Le souverainisme de droite », poursuit Frédéric Lordon, « n’est donc rien d’autre que le désir d’une restauration (légitime) des moyens de gouverner, mais exclusivement rendus à des gouvernants qualifiés17 ». Pour l’extrême droite, le permis de gouverner se confond avec la bonne nationalité et le bon statut social : tous les pouvoirs aux dirigeants français et tout ira pour le mieux : « Rentrez chez vous, nous dirigeons » tel est le mot d’ordre frontiste. Un peuple spectateur guidé par son bon maître — un maître bien de chez nous.
Le « Ni gauche, ni droite, français ! » joue sur des affects puissants qui traversent les sociétés : « les passions pénultièmes » que le même Frédéric Lordon décrit comme le « désir d’éviter à tout prix la dernière place, de ne pas y rester pour les derniers entrants et de ne pas y tomber pour les autres, en tout cas qu’il y en ait un en dessous
[…] C’est la hantise du bas, une forme de rivalité mimétique inversée où l’on ne se bat non pas pour gagner une certaine position mais pour la repousser18. » Le populisme de droite trace donc une frontière entre le dernier et l’avant-dernier pour s’en faire le porte-parole : le travailleur contre le chômeur, le vaillant chômeur qui cherche contre le mauvais qui truande, le smicard contre l’allocataire du RSA, le bon Français patriote contre les étrangers, les premières vagues d’immigration (Espagnols, Portugais, Italiens et Polonais) contre les secondes (Maghrébins et Sub-Sahariens), l’élite traditionnelle française contre les technocrates de Bruxelles. Si le « Ni droite, ni gauche » est conflictuel, son corollaire « Nous, Français » requiert — comme toute identité collective — un extérieur qui le constitue, un « autre » différent auquel s’opposer, un « eux » à combattre. Le « Nous, Français » de l’extrême droite construit une catégorie socialement encerclée et fermée. Lorsque son peuple n’est pas défini ethniquement par une culture (« saucisson-pinard-gauloiseries »), une religion ou une couleur de peau, il est pris entre trois frontières antagoniques : le « haut » de l’élite politique et médiatique traîtresse, le « dessous » de la condition du dernier à éviter et le « dehors » des immigrés, étrangers et Français musulmans « de papier » ; loin donc de l’appel plébéien et émancipateur au peuple, catégorie vide par excellence, sur laquelle chaque revendication démocratique s’articule pour prendre sens.
Refuser la géographie politique de l’adversaire : le moment populiste
« En quoi le gouvernement et François Hollande ne sont-ils pas assez de gauche ? », demande un journaliste à Jean-Luc Mélenchon, le jour de sa « proposition » de candidature pour 2017. « Ce n’est pas la question. C’est un gouvernement qui est ficelé dans les traités européens et obéit de manière servile dans les traits atlantistes », répond sereinement l’intéressé, poursuivant : « Ce n’est pas une affaire de gauche ou de droite, c’est une affaire d’intérêt général et d’indépendance du pays ; ce n’est pas une affaire personnelle ni d’étiquette19. » On croirait entendre un certain Pablo Iglesias, fondateur et porte-parole de Podemos, sommé de clarifier son positionnement idéologique : « La question n’est pas de savoir si quelqu’un porte un drapeau rouge ou vert […], mais de défendre la souveraineté de notre pays20. » La proximité formelle entre les discours dérange et appelle à clarification. Une preuve que, selon la formule consacrée, les extrêmes se touchent ? La thèse « des populismes ennemis de la démocratie » ne tient pas une seule seconde. « Populisme » : le mot fait peur. Il est sur la bouche de tous les commentateurs pour discréditer un adversaire. Lorsqu’un terme prend une telle charge affective — ici négative —, le dépassionner n’est pas inutile. En revenant sur son histoire d’abord21. En se dégageant, ensuite, de l’insulte médiatique afin d’en faire un concept pour penser la politique22. Mais même ces deux pas de côté — par l’histoire d’un mot et par la science politique — sont insuffisants pour décider s’il faut revendiquer une filiation populiste ou s’il faut renier l’appellation. Le débat ne se situe pas à ce niveau-là. Avant tout, « populiste » désigne un moment historique particulier : comme l’affirme très justement Pablo Iglesias, « le populisme ne définit pas les options politiques, mais les moments politiques23 ». Et il est difficile de nier que ce moment est sous nos yeux.
« Refuser le clivage gauche-droite, dans ce moment populiste, c’est revendiquer la politique comme art stratégique, art de produire des effets en pariant sur le sens commun politique d’une époque. »
Les moments populistes ont deux caractéristiques principales. D’abord, le conflit et les demandes populaires n’ont plus la possibilité de s’exprimer dans le cadre de la démocratie élective et des institutions traditionnelles. La cause est à chercher dans le rapprochement idéologique entre centre-gauche et centre-droit et la « révolte des élites » qui en résulte. Íñigo Errejón parle d’« offensive oligarchique » pour décrire ce processus où l’équilibre social de l’État-providence est attaqué « non par le surgissement de luttes populaires et démocratiques, mais par une offensive de secteurs privilégiés24 ». Les moments populistes ont par conséquent une dimension conservatrice fondatrice : les secteurs déclassés par la gestion néolibérale de la crise n’expriment pas leur contestation sur un mode révolutionnaire — « renverser la société bourgeoise » — mais conservateur — « ne pas perdre des droits ». Il s’agit de conserver un pacte social qui intégrait les demandes et revendications populaires : c’est une demande d’ordre qui s’exprime ; « ordre » au sens de rééquilibrage dans la distribution inégale du pouvoir. Ainsi, la contestation s’accumule « en dehors des identités politiques et des canaux narratifs qui existaient auparavant pour les intégrer25 ». Un « système » homogène est rejeté par une majorité sociale : la caste, les élites, l’UMPS. Dans ce cadre, une latéralisation simplificatrice structure les représentations collectives : tout ce qui n’est pas du système est contre lui, donc avec « nous ». La seconde caractéristique du moment populiste réside dans une société fragmentée. D’une part, les mouvements sociaux et leurs relais institutionnels sont faibles ou discrédités par leur proximité avec le pouvoir. D’autre part, les secteurs appauvris se retrouvent dépourvus de référents culturels — dissous par des années de valorisation des parcours individuels ; le « nous » des touchés par la crise se cherche, comme les revendications cherchent leur drapeau, leur slogan, leur chant ou leur leader.
C’est pourquoi, dans les moments populistes, la construction du politique se fait nécessairement du « dehors », par un refus des lignes de partage dont se revendiquent les acteurs politiques installés. Refuser le clivage gauche-droite, dans ce moment populiste, c’est revendiquer la politique comme art stratégique ou, dit autrement, comme art d’affecter, de produire des effets en pariant sur un moment, une conjoncture, le « sens commun politique » d’une époque ; à la différence d’un art de la morale (la pureté religieuse de celui qui ne s’est jamais sali) ou de la vérité (la pureté scientifique de celui qui ne s’est jamais trompé). Car l’adversaire, lui, a une stratégie dont il use et abuse : enfermer toute contestation dans les marges du terrain qu’il a façonné, la décrédibiliser, la stigmatiser26. Son terrain, le clivage gauche-droite, permet de renvoyer toute critique dans les recoins invisibles et peu attractifs (les extrêmes, la gauche de la gauche, les communistes). Poser la question, c’est y répondre : « Qui se sent à l’aise avec la dispute politique et symbolique gauche-droite ?17 » Cette stratégie du pouvoir est si efficace que les forces contestataires revendiquent, parfois même avec fierté, une distribution d’étiquettes à leur désavantage : la gauche protestataire contre la gauche de gouvernement, la gauche révolutionnaire contre la gauche réformiste, la gauche radicale contre la gauche modérée, l’extrême gauche contre la gauche. Le piège se referme sur ceux qui mènent le combat des gauches (pour mieux démasquer la fausse au pouvoir) : l’extrême droite mène alors seule le combat pour la construction du « peuple ». Quand la « gauche » devient un stigmate monopolisé par le PS (avec son gouvernement, ses politiques, ses leaders et sa primaire), une stratégie laïque à l’encontre des identités politiques s’impose : le mot « gauche » n’est plus un condensateur efficace des revendications démocratiques et sociales ; ce « canal narratif » comme dit Íñigo Errejón — « Vous souffrez, c’est normal, une fois la (vraie) gauche au pouvoir, tout changera ! » — est définitivement bouché et inopérant dans notre conjoncture politique.
Dans ce moment populiste, refuser le clivage gauche-droite ne revient pas à nier que la société est traversée par des conflits mais à ne pas se laisser enfermer dans une géographie politique perdante ; on ne peut mieux le résumer que par cette formule de Pablo Iglesias : « Ce jeu qui divise l’échiquier politique entre centre-gauche et centre-droit, et où faire de la politique serait se placer à l’extrême de je-ne-sais-qui, ça ne sert qu’à faire gagner la banque. Nous disons : il existe une majorité sociale ; ceux d’en bas contre ceux d’en haut. » En effet, ce rapprochement entre centre gauche et centre droite — toutes les grandes coalitions à l’œuvre entre partis sociaux-démocrates et conservateurs pour « sauver les meubles » — ouvre un espace politique nouveau, un moment d’exceptionnalité politique : non pas en concurrençant « sur leur gauche » les « traîtres socialistes » afin de s’arroger le qualificatif de « vraie » gauche mais pour signifier le conflit dans sa radicalité de principe : gens du commun contre puissants, peuple contre oligarchie, France d’en bas contre France d’en haut, gens ordinaires contre caste de privilégiés. Resignifier le conflit selon des coordonnées plus directes, plus efficaces, qui interpellent et invitent chacun à se positionner sur un axe où les dominants sont perdants à tous les coups — ce sont désormais eux qui deviennent minoritaires, isolés en haut, marginalisés dans leur condition privilégiée, stigmatisés dans leur déconnexion d’avec la vie réelle : « Poser la discussion politique dans des termes qui peuvent être gagnants et situer ceux d’en haut en condition minoritaire », conclut Errejón.
« Le nom propre, désormais référent collectif, devient un signal visible, un point d’appui pour des luttes sectorielles. »
Refuser l’ordre gauche-droite n’a aucun rapport avec la recherche d’un improbable centre politique, tiède mélange de « meilleur de ce que proposent la gauche et la droite », d’un entre-deux consensuel qui ménage la chèvre et le chou. La politique populiste, loin d’éteindre les conflits entre groupes sociaux, les radicalise en supprimant les médiations institutionnelles et parlementaires qui les euphémisent, les intègrent, les divisent, les rationalisent en leur donnant un débouché législatif : elle « dépouille la politique de ses atours parlementaires », comme le dit Pablo Iglesias sur le moment Trump, les donne à voir dans leur radicalité crue. Le clivage bas-haut ou peuple-caste parasite le jeu parlementaire (l’hémicycle circulaire de gauche à droite) et médiatique (les débats autour d’une table que l’angle de la caméra coupe de gauche à droite). Il oblige — et c’est, triste mérite, ce que réalise avec habileté un Florian Philippot — les garants de l’ordre gauche-droite à révéler leur proximité en les isolant comme un tout, une caste homogène qui, lorsqu’il est question de l’essentiel (l’austérité, la construction européenne, le remboursement de la dette publique) n’a que faire des étiquettes et fait littéralement corps pour faire front commun.
À gauche, seul Jean-Luc Mélenchon fait sien les ressorts du moment populiste qui traverse nos sociétés : refus de se positionner « à gauche du Parti socialiste », volonté de représenter ce « dehors » en se distanciant des appareils satellites de « la gauche », iconographie, vocabulaire et mots d’ordre délestés des marqueurs traditionnels. La personnalisation de la campagne et du mouvement La France insoumise est souvent renvoyée à un ego surdimensionné ou à un désir d’être sur le devant de la scène ; bref, un ensemble d’énoncés sur la psychologie d’un personnage — cette éternelle boîte noire. L’analyse politique engagée se penche, elle, sur les raisons stratégiques et laisse la cure sur divan aux journalistes du petit écran. Mettre en avant une figure, un nom propre, un personnage s’explique par le moment populiste. L’absence de référents communs (chants, drapeaux, symboles, etc.) ou d’identité collective facilement reconnaissable empêche que les revendications et demandes fragmentées puissent se représenter comme équivalentes les unes des autres, comme participant d’un même mouvement. C’est alors une personne concrète, un nom propre se convertissant en nom commun, qui pallie ce vide. Le nom propre, désormais référent collectif, devient un signal visible, un point d’appui pour des luttes sectorielles dépourvues de représentation.
Les discussions à gauche gagneraient à délaisser quelques réflexes idéologiques — « En France, quelqu’un qui dit qu’il n’est ni de droite ni de gauche
est immanquablement de droite, ou finira à droite » tranche Frédéric Lordon27 — pour évaluer quelles identités collectives peuvent encore avoir prise dans notre conjoncture politique. Et comme souvent, chacun devra choisir entre les contradictions pratiques de la politique à ambition majoritaire et les réconforts esthétiques de la politique minoritaire.
Photographie de bannière : © AFP / GERARD JULIEN
- L’expression « paysage politique » porte idéalement son nom : le mode d’affichage s’oriente à l’horizontal (à la différence du mode « portrait »).[↩]
- Ce n’est pas un hasard si le groupe parlementaire Podemos, en Espagne, a refusé de se placer sur les sièges à la gauche du Parti socialiste ouvrier espagnol pour choisir le centre de l’hémicycle : entre le PSOE et le Parti populaire.[↩]
- « Podemos à mi-chemin », publié dans la revue CTXT et traduit pour Ballast, 23 avril 2016.[↩]
- « Valls accuse Macron de
céder aux sirènes du populisme
», Le Monde.fr, 13 juillet 2016.[↩] - L’Illusion du consensus, Albin Michel, 2016, p. 95.[↩]
- Sur la globalisation financière, voir Rawi Abdelal, Capital rules : the construction of Global Finance, Harvard University Press, 2007 ; Rawi Abdelal, « Le consensus de Paris : la France et les règles de la finance mondiale », Critique internationale, 2005 (n° 28) ; Henri Sterdyniak et Catherine Mathieu, « La globalisation financière en crise », Revue de l’OFCE, 2009 (n° 110).[↩]
- L’Illusion du consensus, op. cit, p. 74.[↩]
- Alain Deneault, La Médiocratie, Lux, 2016.[↩]
- Interview avec Frédéric Taddeï dans l’émission « Hier, aujourd’hui, demain », France 2, 15 décembre 2016.[↩]
- Entretien avec le journal L’Humanité, 4 janvier 2006.[↩]
- Entretien avec les journalistes de Mediapart, 2 novembre 2016.[↩]
- Interview au journal de TF1, 30 août 2016.[↩]
- Inauguration de son QG de campagne, 16 novembre 2016.[↩]
- Plaidoyer en faveur de l’intolérance, Climats, 2007, p. 63.[↩]
- Frédéric Lordon, « Ce que l’extrême droite ne nous prendra pas », La pompe à phynance, blog du Monde Diplomatique, 8 juillet 2013.[↩]
- Ibid.[↩]
- Ibid.[↩][↩]
- Les Affects de la politique, Le Seuil, 2016, p. 55.[↩]
- Interview au 20h de TF1, 10 février 2016.[↩]
- Interview à TVE, 5 décembre 2014.[↩]
- Au XIXe siècle, « les populistes » désignaient les membres d’un mouvement paysan russe contre le régime tsariste, et d’un mouvement américain contre les élites de Wall Street ; dans les années 1920, le populisme était un courant littéraire français dont les œuvres étaient ancrées dans la vie des milieux populaires.[↩]
- Selon le politiste argentin Ernesto Laclau, le populisme est une forme de construction du politique par la « dichotomisation [la division] de l’espace social en deux camps antagonistes » — le bas contre le haut. Une telle définition ne présage donc rien du contenu idéologique (réactionnaire ou progressiste) que la forme populiste peut prendre. Cette définition renvoie à une méthode de constitution des identités politiques. Une méthode qui suit quatre règles minimales : la constitution d’un « nous-peuple » et l’édification d’une frontière conflictuelle avec un « eux », le refus des lignes de fracture qui euphémisent ou dissimulent le conflit bas-haut, la revendication par l’identité « nous, le peuple » d’une légitimité politique, fondatrice de tout pouvoir, en dehors des institutions.[↩]
- « Trump et le moment populiste », blog de Mediapart, publié en espagnol le 9 novembre 2016 sur Publico.[↩]
- Construir pueblo. Hegemonia y radicalizacion de la democracia, Icaria Editorial, 2015, p. 19.[↩]
- Ibid., p. 29.[↩]
- Íñigo Errejón, intervention à l’université d’été de Podemos (24 juillet 2015) : « Un pouvoir hégémonique n’est pas un pouvoir qui gouverne seulement, mais qui est aussi capable d’imposer à tous ceux qui désirent le défier de le faire selon ses propres termes et règles : un acteur politique bon joueur de basketball oblige ses adversaire à le défier au basketball. Il s’assure ainsi que la dispute va se jouer dans des conditions favorables pour lui. »[↩]
- Entretien pour Reporterre : « Il faut cesser de dire ce que nous ne voulons pas pour commencer à dire ce que nous voulons », 14 avril 2016.[↩]
REBONDS
☰ Lire notre article : « L’émancipation comme projet politique », Julien Chanet, novembre 2016
☰ Lire la contre-tribune de membres d’Anticapitalistas : « Nous ne sommes pas encore assez populistes » (traduction), mai 2016
☰ Lire la tribune d’Íñigo Errejón : « Podemos à mi-chemin » (traduction), mai 2016
☰ Lire notre article : « Gauche & Droite, le couple des privilégiés », Émile Carme, février 2016
☰ Lire notre entretien avec Razmig Keucheyan : « C’est à partir du sens commun qu’on fait de la politique », janvier 2016
☰ Lire l’entretien de Pablo Iglesias : « Faire pression sur Syriza, c’est faire pression sur Podemos » (traduction), mai 2015
☰ Lire notre série d’articles : « Que pense Podemos ? », Alexis Gales, avril 2015
☰ Lire notre série d’articles : « Mélenchon, de la Gauche au Peuple », Alexis Gales, mars 2015