Revenu de base ou salaire à vie ? [2/2]


Entretien paru dans le n° 4 de la revue papier Ballast (mai 2016)

« Face à la détresse de la jeu­nesse, le retour du débat sur le reve­nu uni­ver­sel« , titrait Le Monde la semaine der­nière. Quelques jours plus tard, Europe 1 enfon­çait le cou : « Le reve­nu uni­ver­sel fait son retour dans le débat poli­tique« . L’idée est simple : per­mettre à chaque citoyen de (sur)vivre sans dépendre du mar­ché de l’emploi, et ce par le ver­se­ment d’une somme men­suelle — de 400 à 1 000 euros, selon ses divers défen­seurs. Parmi ses oppo­sants, on compte notam­ment les par­ti­sans du « salaire à vie ». Le reve­nu de base, avancent-ils, fait l’affaire du capi­ta­lisme : or c’est pré­ci­sé­ment lui qu’il s’agit de sup­pri­mer… Pour ce faire, les mili­tants du salaire à vie défendent l’abolition défi­ni­tive du mar­ché de l’emploi via l’instauration de droits sala­riaux atta­chés à la per­sonne et non à un emploi. Les citoyens se ver­raient rému­né­rés sur une échelle de 1 à 41, la pro­prié­té lucra­tive serait inter­dite et les tra­vailleurs s’empareraient de l’ensemble des déci­sions liées à la pro­duc­tion — le tout dans une pers­pec­tive éco­lo­gique. Le pre­mier volet de notre débat don­nait la parole au phi­lo­sophe et éco­no­miste Philippe Van Parijs, sou­tien de longue date du reve­nu de base ; ce second volet la donne à Christine Jakse, membre du Réseau sala­riat et autrice de L’Enjeu de la coti­sa­tion sociale.


[lire le pre­mier volet]


Vous affir­mez que le salaire hors de l’emploi2 — retraite, allo­ca­tions, etc. — que per­çoivent les retrai­tés, les parents ou les chô­meurs, est la recon­nais­sance d’une pro­duc­tion de valeur éco­no­mique de la part de ces per­sonnes. En quoi cela est-il plus éman­ci­pa­teur pour eux de tou­cher un salaire lorsqu’ils sont hors de l’emploi plu­tôt qu’un reve­nu de base ?

Le reve­nu de base défen­du par Philippe Van Parijs — d’autres ver­sions existent : je me pola­ri­se­rai donc sur celle-ci — n’a pas voca­tion à éman­ci­per son béné­fi­ciaire du sys­tème capi­ta­liste. Il peut même, au contraire, l’accompagner ou, pire, le légi­ti­mer. Le fon­da­teur de la socié­té DM-Droguerie Markt, Götz Werner, ne s’y est pas trom­pé : il voit dans le reve­nu de base la pos­si­bi­li­té d’améliorer la pro­duc­ti­vi­té de ses employés… Le salaire à vie, au contraire, a voca­tion à pré­sen­ter une alter­na­tive à ce sys­tème éco­no­mique — et donc à nous en éman­ci­per. En se fon­dant sur l’expérience du salaire socia­li­sé des retrai­tés, des parents, des chô­meurs ou des soi­gnants, le salaire à vie vise à recon­naître la qua­li­té poli­tique de pro­duc­teur des indi­vi­dus à par­tir de 18 ans (ou 16 ans : ce point est, comme l’ensemble de la pro­po­si­tion, à débattre). Or cette recon­nais­sance de la qua­li­té poli­tique de pro­duc­teur dont nous sommes tous por­teurs est déniée dans le sys­tème actuel : qui maî­trise la pro­duc­tion, son conte­nu, sa quan­ti­té, sa qua­li­té, les moyens et condi­tions de sa mise en œuvre, les inves­tis­se­ments néces­saires ? Certainement pas les sala­riés, si ce n’est dans le cadre, par exemple, de coopé­ra­tives. Qui, donc ? Plutôt le conseil de sur­veillance ou le conseil d’administration des entre­prises et les action­naires — qu’on appelle, avec un incroyable aplomb, les « investisseurs »…

« Ce mar­ché, sur lequel on va vendre notre peau, pour reprendre l’expression de Marx, fait de cha­cun de nous une force de tra­vail dont le capi­tal cherche à accroître la productivité. »

Le déni de notre légi­ti­mi­té poli­tique à déci­der s’opère notam­ment parce qu’il y a un mar­ché du tra­vail : une ins­ti­tu­tion clé du capi­ta­lisme. Sans lui, pas de pro­duc­tion de valeur, et sur­tout pas de plus-value : l’ultime fina­li­té du capi­tal. Ce mar­ché, sur lequel on va « vendre notre peau », pour reprendre l’expression de Marx, fait de cha­cun de nous une force de tra­vail dont le capi­tal cherche à accroître la pro­duc­ti­vi­té. Son inté­rêt est de la payer en pro­por­tion de cette pro­duc­ti­vi­té : c’était hier, en France, le salaire à la pièce ou à la tâche et la prime au ren­de­ment ; c’est, aujourd’hui, la prime de résul­tat ou de per­for­mance. Il s’agit là des formes de reve­nus les plus alié­nantes. Les conven­tions col­lec­tives, en inven­tant des grilles en fonc­tion de la qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle ou, mieux, le sta­tut de la fonc­tion publique d’État, en inven­tant le trai­te­ment en fonc­tion de la qua­li­fi­ca­tion per­son­nelle, nous en ont par­tiel­le­ment soustraits.

C’est dire que se débar­ras­ser tota­le­ment du mar­ché du tra­vail pour enfin maî­tri­ser les déci­sions affé­rentes à la pro­duc­tion, tout en se débar­ras­sant du capi­tal, ouvre des pers­pec­tives d’émancipation : le retrai­té qui pro­duit dans son jar­din, sa mai­son, son conseil muni­ci­pal, son asso­cia­tion, le parent qui élève son enfant, le chô­meur qui fait tout ceci en plus de cher­cher un emploi, le soi­gnant qui pro­duit la san­té, sans être évi­dem­ment tota­le­ment affran­chi de toute contrainte, ne subit pas celles d’un employeur pres­sé de pro­duire plus et mieux pour gaver ses action­naires de divi­dendes. Sur le modèle des sala­riés actuels payés par la coti­sa­tion sociale, il s’agirait d’étendre l’expérience à l’ensemble des adultes, de 18 (16) ans jusqu’à la mort. À rai­son d’un salaire net moyen d’environ 2 000 euros (selon une échelle variant de 1 à 4), le total des salaires repré­sen­te­rait 60 % du PIB actuel (2 000 mil­liards d’euros). Autant qu’aujourd’hui, mais avec un écart de 1 à 4.

[Stuart Davis]

La notion de « pro­duc­tion de valeur éco­no­mique » est très pré­sente chez vous. En quoi le salaire à vie peut-il stop­per la déme­sure qu’engendre le capi­ta­lisme en terme de dégâts sani­taires pour les per­sonnes et leur envi­ron­ne­ment ? Ou, dit autre­ment : en quoi serait-il moins pro­duc­ti­viste que le reve­nu de base ?

Le salaire à vie, qui ouvre un droit poli­tique, n’est qu’une par­tie du pro­jet. La seconde clé est la copro­prié­té d’usage des entre­prises par les sala­riés3. Ainsi, les pro­duc­teurs que nous sommes pour­ront maî­tri­ser la pro­duc­tion de valeur éco­no­mique, en lieu et place du capi­tal actuel­le­ment. En sor­tant du capi­ta­lisme, la fina­li­té n’est donc plus l’accumulation de mar­chan­dises pour assu­rer l’accumulation finan­cière. Je vois à cela trois consé­quences du point de vue sani­taire et éco­lo­gique. D’abord, les tech­niques jus­ti­fiant la sur­pro­duc­tion, comme la publi­ci­té qui pénètre jusqu’à nos domi­ciles, la mode ou encore l’obsolescence pro­gram­mée, n’auraient plus de rai­son d’être. Ensuite, l’accumulation de mar­chan­dises n’étant plus jus­ti­fiée, les quan­ti­tés de maté­riaux à retrai­ter et les res­sources non renou­ve­lables consom­mées de façon irré­ver­sible seraient méca­ni­que­ment réduites. Enfin, en confiant aux pro­duc­teurs eux-mêmes la maî­trise des déci­sions rela­tives à la pro­duc­tion, et en leur garan­tis­sant un salaire à vie, on leur donne la pos­si­bi­li­té de fixer des cri­tères gui­dés par d’autres consi­dé­ra­tions que le pro­duc­ti­visme — notam­ment des cri­tères éco­lo­giques et res­pec­tueux de l’être humain. Ces cri­tères pour­ront s’imposer dans l’entreprise elle-même, puisque les sala­riés en sont copro­prié­taires, et donc codé­ci­deurs, ou dans des caisses d’investissement4.

« Le reve­nu de base n’a pas voca­tion à remettre en cause le sys­tème capi­ta­liste, mais bien plu­tôt à se repo­ser sur lui pour assu­rer nos besoins matériels. »

Le reve­nu de base n’ayant pas voca­tion à remettre en cause le sys­tème capi­ta­liste, mais bien plu­tôt à se repo­ser sur lui pour assu­rer nos besoins maté­riels, ce der­nier peut conti­nuer à accu­mu­ler les mar­chan­dises à l’infini — du moins jusqu’à l’épuisement des res­sources : pas­sage obli­gé pour obte­nir de l’accumulation finan­cière… Le reve­nu de base part du constat que le plein-emploi n’est pas attei­gnable. Mais il n’est pas besoin du plein-emploi pour tendre vers l’accumulation infi­nie de mar­chan­dises : la hausse de la pro­duc­ti­vi­té suf­fit, et elle est même recher­chée par le capi­tal ! Dans cette pers­pec­tive, le ralen­tis­se­ment de la déme­sure, ou son arrêt, et les dégâts qu’elle engendre ne peuvent comp­ter que sur la régu­la­tion des États — qui n’en suivent pas le che­min, les inté­rêts des uns se mêlant aux inté­rêts des autres.

Le reve­nu de base est une idée simple, alors que le salaire à vie consiste en un empi­le­ment d’institutions qui sup­pose le ren­ver­se­ment d’un grand nombre de pra­tiques éco­no­miques. Un chan­ge­ment de para­digme qui pren­drait sans doute, au mieux, des décen­nies ! N’est-ce pas trop tard pour l’urgence éco­lo­gique qui est la nôtre ?

Le reve­nu de base est sans doute une idée simple, parce qu’il s’inspire for­te­ment du RMI ou du RSA, mais sur­tout parce qu’il s’inscrit dans des ins­ti­tu­tions connues, domi­nantes, for­te­ment inté­rio­ri­sées, et donc appa­rais­sant comme des évi­dences. Parmi ces ins­ti­tu­tions, citons l’État dans son rôle de garant de la jus­tice sociale — c’est-à-dire de cor­rec­teur des consé­quences du capi­ta­lisme en terme d’inégalités sociales, mena­çantes pour l’ordre social — et le mar­ché du tra­vail, sur les­quels le reve­nu de base s’appuie. Je vous rap­pelle l’accueil très favo­rable qu’une par­tie du patro­nat a réser­vé à cette pro­po­si­tion. Citons aus­si la pro­prié­té lucra­tive et le cré­dit avec inté­rêts, que le reve­nu de base ne remet pas en cause. C’est d’ailleurs parce qu’il accom­pagne le sys­tème capi­ta­liste ou qu’il ne le remet pas en cause que le reve­nu de base est défen­du — avec tou­te­fois des niveaux de mon­tant dif­fé­rents — à la fois par le Parti socia­liste, les par­tis libé­raux, le patro­nat, cer­tains Verts, etc. C’est pour­quoi, me semble-t-il, il « parle » aux gens. Le salaire à vie s’inspire d’une ins­ti­tu­tion qui nous est éga­le­ment fami­lière, la Sécurité sociale. Mais le carac­tère sub­ver­sif de celle-ci lui est dénié — ce qui sup­pose un gros tra­vail pour le voir. L’histoire qui nous est racon­tée depuis plu­sieurs décen­nies à son sujet est celle, au mieux d’une ins­ti­tu­tion de jus­tice sociale, de soli­da­ri­té ; au pire, d’un « trou » abys­sal sans fin, qu’il faut sans arrêt ten­ter de com­bler en rédui­sant la dépense sociale. Son his­toire est même sou­vent igno­rée, quand elle n’est pas pure­ment et sim­ple­ment dévoyée. Beaucoup pensent par exemple que de Gaulle en est le père, quand c’est Parodi qui a signé les ordon­nances, et sur­tout Croizat, avec l’appui de Pierre Laroque. Sans par­ler de la CGT, qui les ont mises en œuvre. De Gaulle y était farou­che­ment oppo­sé, comme le MRP, la Mutualité, la CFTC, etc. Et ils s’y sont atta­qués dès 1945 !

[Stuart Davis]

La pen­sion de retraite, l’allocation fami­liale, l’indemnité chô­mage, l’indemnité jour­na­lière ou le salaire des soi­gnants ne sont pas des pres­ta­tions sociales, mais des illus­tra­tions du salaire à vie, en chair et os si je puis dire, fon­dées sur un prin­cipe unique et simple héri­té de 1945 : un finan­ce­ment par la coti­sa­tion sociale, gérée ini­tia­le­ment par les repré­sen­tants des sala­riés. Ce carac­tère sub­ver­sif, les oppo­sants au salaire à vie l’ont bien sai­si ! Ils ont déci­dé de frac­tion­ner la Caisse et le taux de coti­sa­tion unique pré­vu en 1945 — « divi­ser pour mieux régner » prend ici tout son sens —, d’étatiser une par­tie de la Sécu — notam­ment par la fis­ca­li­sa­tion et les réformes ren­for­çant le pou­voir des direc­tions des caisses, au détri­ment des conseils d’administration —, d’instaurer un strict pari­ta­risme dans la ges­tion, de geler tour à tour les taux de coti­sa­tion. Les oppo­sants à la Sécurité sociale comme ins­ti­tu­tion révo­lu­tion­naire s’ingénient avec suc­cès à par­ler de « charges sociales » ou de « coût du tra­vail » au lieu de « salaire socia­li­sé », et de pas­ser sous silence l’investissement socia­li­sé réa­li­sé dans les CHU depuis les années 1960. On n’est donc pas dans de la science-fic­tion : le salaire à vie n’est pas une pers­pec­tive pour dans des dizaines d’années ou plu­sieurs siècles : il est déjà à l’œuvre !

« On n’est donc pas dans de la science-fic­tion : le salaire à vie n’est pas une pers­pec­tive pour dans des dizaines d’années ou plu­sieurs siècles : il est déjà à l’œuvre ! »

Par ailleurs, le salaire à vie ne s’inscrit pas dans un empi­le­ment d’institutions mais dans la conti­nui­té d’une seule, la « coti­sa­tion patro­nale » (bien mal nom­mée, puisqu’elle est un mor­ceau de la valeur ajou­tée pro­duite par les sala­riés, les petits patrons et les indé­pen­dants — et eux seuls) et, plus géné­ra­le­ment, la Sécurité sociale. Contrairement au reve­nu de base, qui sup­pose une réforme fis­cale (notam­ment de l’impôt sur le reve­nu, de la prime pour l’emploi et du RSA, voire de la TVA), il suf­fit de mettre fin au gel du taux de coti­sa­tion patro­nale pour étendre puis géné­ra­li­ser le salaire socia­li­sé et l’investissement socia­li­sé, et redon­ner le pou­voir aux sala­riés. Bref, il suf­fit d’une déci­sion poli­tique de même nature que celle qui a été prise en 1945. Et nous ne serions pas capables de réen­ga­ger ce pro­ces­sus, blo­qué depuis 1967 pour sa ges­tion et, depuis le milieu des années 1990, gelé en ce qui concerne l’ensemble des taux de coti­sa­tion, quand nos aînés ont mis dix mois pour ins­tal­ler 113 caisses pri­maires de sécu­ri­té sociale et 123 Caisses d’allocation familiale ?

On peut néan­moins pei­ner à voir quelle serait la pro­chaine étape, acces­sible à rela­ti­ve­ment court terme, dans le déploie­ment du salaire à vie… Qu’est-ce que celui-ci appor­te­ra comme béné­fices, en lui-même ?

On réuni­fie le taux et les caisses. On en revient à une ges­tion par les inté­res­sés, comme ins­crit dans le pro­gramme du CNR5 de 1945. Ce point est évi­dem­ment déter­mi­nant — c’est pour­quoi il a été atta­qué le pre­mier. On met un terme au gel des taux de coti­sa­tion sociale, uni­fiés. Ce qui per­met de reprendre le mou­ve­ment de géné­ra­li­sa­tion du salaire socia­li­sé pour les retrai­tés et les chô­meurs qui n’y accèdent pas aujourd’hui, car ils relèvent de l’assistance d’État avec les mini­ma sociaux (qui sont, pré­ci­sé­ment, des reve­nus de base) — des formes éta­tiques de la cha­ri­té. Concernant le salaire socia­li­sé des parents, on met fin aux condi­tions de res­sources de l’allocation fami­liale, qui déplacent la logique du salaire socia­li­sé du parent vers celle d’une allo­ca­tion aux enfants de familles pauvres. S’agissant du chô­mage, on s’inspire du pro­jet cégé­tiste de main­tien du salaire entre deux emplois, selon, éga­le­ment, le prin­cipe d’indemnisation des inter­mit­tents du spec­tacle, qu’ils ont rai­son de défendre bec et ongles. On géné­ra­lise le salaire socia­li­sé des chô­meurs, qu’ils aient ou non tra­vaillé dans l’emploi (c’est-à-dire qu’ils aient ou non « coti­sé »), sans limi­ta­tion de durée de ver­se­ment. Ce ver­se­ment est opé­ré par une Unédic6 désor­mais gérée par les repré­sen­tants des sala­riés, pré­fi­gu­ra­tion de la caisse des salaires. Ainsi, on pour­suit la socia­li­sa­tion de l’indemnité chô­mage amor­cée en 1958 jusqu’au début des années 1980 : l’indemnité est ver­sée pen­dant la durée du chô­mage, selon un pour­cen­tage (taux de rem­pla­ce­ment) du salaire per­du, avec un plan­cher égal au SMIC, pour affir­mer la conti­nua­tion du salaire. Mais, aus­si, on met un terme aux réformes d’« acti­va­tion des dépenses pas­sives ». Suspectant le chô­meur de « fai­néan­tise », la logique d’« acti­va­tion des dépenses pas­sives » fait de l’indemnité du chô­meur non seule­ment une dépense pas­sive (celui-ci étant consi­dé­ré comme non pro­duc­tif puisque hors du mar­ché du tra­vail), mais elle l’oblige aus­si à culti­ver son « employa­bi­li­té » à tra­vers la mul­ti­tude de dis­po­si­tifs de reclas­se­ment, recon­ver­sion, for­ma­tions rare­ment qua­li­fiantes (du type « bilan de com­pé­tences », etc.), et auto­ri­sant l’invraisemblable pos­si­bi­li­té de cumul de situa­tions d’emploi-chômage (ce sont les acti­vi­tés dites « réduites » et, pour les « pauvres », l’« inté­res­se­ment à l’emploi » avec le RSA activité).

[Stuart Davis]

Et s’agissant de la pen­sion de retraite ?

On dimi­nue l’âge de la retraite. Par exemple à 60 ans, puis 55 — sans décote, comme le reven­di­quait la CGT jusque dans les années 2000 (et même la CFDT, dans les années 1970), sans durée de coti­sa­tion anté­rieure puisque, comme pour le chô­mage, on est dans un sys­tème de répar­ti­tion (la coti­sa­tion col­lec­tée aujourd’hui finance la retraite aujourd’hui). Pour la retraite comme pour le chô­mage, on reven­dique qu’ils repré­sentent 100 % du salaire net, et non pas 75 % du brut, pour signi­fier et assu­mer la logique de pro­lon­ge­ment du salaire « direct ». Enfin, on com­mence à ouvrir l’accès au salaire à vie aux jeunes entre 18 et 25 ans. Parallèlement à l’extension du salaire socia­li­sé, on reprend la main concer­nant les inves­tis­se­ments dans les hôpi­taux et on élar­git, par exemple, le prin­cipe de la coti­sa­tion éco­no­mique à la presse, pour aller vers une presse libre — comme l’a très bien détaillé Pierre Rimbert dans son article du Monde diplo­ma­tique de décembre 2014. Bref, on reprend le pou­voir qui nous a échap­pé sur cette par­tie du PIB, aujourd’hui esti­mée à 400 mil­liards d’euros (1,5 fois le bud­get de l’État), demain 700 mil­liards, et après-demain 2 000 mil­liards — le total du PIB.

Mais cette pro­chaine étape ne pour­rait-elle pas être la mise en place d’un reve­nu de base finan­cé par cotisation ?

« Le reve­nu de base ne donne aucun droit poli­tique, aucun droit à déci­der. Il donne un droit à une res­source, a mini­ma. »

Non. D’abord, ce n’est pas une res­source comme les autres, car c’est un salaire. Les autres reve­nus sont des res­sources pour les­quelles le finan­ce­ment est aujourd’hui, soit fis­cal (c’est l’assistance d’État avec le RSA, le mini­mum vieillesse, la prime pour l’emploi, etc.), soit tiré de la pro­prié­té lucra­tive (par pré­lè­ve­ment sur les divi­dendes, inté­rêts, etc.). Le salaire est une construc­tion sociale, fruit d’une négo­cia­tion col­lec­tive dans le sec­teur pri­vé, en France. Il repose aujourd’hui, non plus direc­te­ment sur la pro­duc­ti­vi­té (à la pièce ou à la tâche), mais sur la qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle, que le salaire à vie trans­forme en qua­li­fi­ca­tion per­son­nelle (à l’image de la caté­go­rie et du grade des fonc­tion­naires, qui ne perdent jamais leur trai­te­ment en cas de mobi­li­té fonc­tion­nelle ou géo­gra­phique). Ce qu’introduit la qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle, c’est une décon­nexion rela­tive entre le salaire et le mar­ché du tra­vail. Le sala­rié reçoit son salaire, qu’il ait été plus ou moins pro­duc­tif ce mois-ci, qu’il ait ou non mobi­li­sé telle com­pé­tence ce mois-là ; le défaut majeur, aujourd’hui, de la qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle issue des conven­tions col­lec­tives dans le sec­teur pri­vé est qu’elle est attri­buée au poste de tra­vail, et non à la per­sonne. La consé­quence est que, lorsque le sala­rié perd son emploi, il peut perdre la qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle affé­rente à ce poste : c’est l’enjeu de l’offre rai­son­nable d’emploi, impo­sée et obte­nue par le patro­nat en 2009, qui per­met à un employeur de recru­ter un chô­meur en deçà de la qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle de son der­nier poste au bout de trois refus d’offre.

La qua­li­fi­ca­tion per­son­nelle attri­buée au sala­rié de la coti­sa­tion sociale, quant à elle, recon­naî­tra sa qua­li­té de pro­duc­teur, de ses 18 ans jusqu’à sa mort. Dans l’optique de Réseau sala­riat, ce droit poli­tique lui per­met d’être pro­prié­taire de l’entreprise dans laquelle il tra­vaille — il s’agit là d’une pro­prié­té non pas lucra­tive mais d’usage (un peu comme le pro­prié­taire d’une mai­son ou d’un appar­te­ment qui ne les met pas en loca­tion et les uti­lise pour son propre usage). Il lui per­met aus­si de par­ti­ci­per aux déli­bé­ra­tions des jurys de qua­li­fi­ca­tion, des caisses de salaire, des caisses d’investissement, des caisses de fonc­tion­ne­ment des­ti­nées à finan­cer les dépenses cou­rantes des ser­vices publics. Autrement dit, le salaire à vie est un droit poli­tique, qui ne sépare pas la per­sonne en deux : celle qui serait dans le mar­ché du tra­vail et pro­dui­rait dans le cadre capi­ta­liste, et celle qui ne le serait plus ou pas et qui rece­vrait entre 400 et 1 000 euros d’allocations, comme dans les dif­fé­rents pro­jets du reve­nu de base. Ce der­nier ne donne aucun droit poli­tique, aucun droit à déci­der. Il donne un droit à une res­source, a mini­ma, qui peut être com­plé­tée par un salaire dans le cadre du mar­ché du tra­vail. C’est d’ailleurs pour­quoi ce droit à res­sources démarre dès la nais­sance, alors que le salaire à vie, droit poli­tique, démarre à 18 ans (ou 16 ans).

[Stuart Davis]

Nombre de termes en usage dans les sciences sociales ou en éco­no­mie sont repris par les tenants du salaire à vie, mais en leur don­nant bien sou­vent de nou­velles défi­ni­tions — ou, disons, des nuances impor­tantes. N’est-ce pas prendre le risque d’embrouiller vos lecteurs ?

Sans doute faites-vous allu­sion à des termes comme « salaire » et « sala­riat », « dépenses publiques », « jus­tice sociale », « équi­té » et « soli­da­ri­té », « tra­vail » et « emploi », etc. Derrière votre ques­tion, s’en des­sinent au moins trois autres. La pre­mière est celle-ci : faut-il sup­pri­mer de notre pro­jet des mots qui ren­voyaient hier à une autre réa­li­té, alié­nante ? C’est le cas des mots « salaire » ou « sala­riat », qui ne se confondent plus avec le prix de la force de tra­vail et avec l’exploitation capi­ta­liste. Dans la concep­tion com­mu­niste de la socié­té, l’émancipation du capi­ta­lisme pas­sait effec­ti­ve­ment par l’abolition du sala­riat. Cette concep­tion mar­xienne naît au XIXe siècle dans un contexte où les sala­riés sont alié­nés par un mar­ché du tra­vail qui les broie en les consi­dé­rant comme une force de tra­vail que l’on prend et que l’on jette sans scru­pule, où ils sont payés en fonc­tion de leur pro­duc­ti­vi­té, où ils doivent tra­vailler dans des condi­tions déplo­rables, jusqu’à l’épuisement ; bref, l’ouvrier et l’ouvrière « appen­dice de la machine », nous dit Marx, avec ses expres­sions si per­cu­tantes. Le salaire et le sala­riat ont tou­te­fois chan­gé depuis 150 ou 200 ans, au prix de luttes, par­fois vio­lentes, menées par la classe ouvrière et par les fonc­tion­naires. Ils y ont gagné le code du tra­vail, les conven­tions col­lec­tives, les comi­tés d’entreprise ou d’établissement, le prin­cipe de faveur, la repré­sen­ta­tion obli­ga­toire des syn­di­cats et des sala­riés dans les entre­prises — mal­heu­reu­se­ment, sous condi­tion d’un seuil d’effectifs — et, pour la repré­sen­ta­tion syn­di­cale, son intro­duc­tion en 1946 dans la fonc­tion publique d’État, le conseil des prud’hommes, les 35 heures, la Sécurité sociale, le sta­tut de la fonc­tion publique. Toutes ces conquêtes (la liste n’est pas exhaus­tive), dont la plu­part sont atta­quées et par­fois dépe­cées de leur sub­stance, ont chan­gé la défi­ni­tion du salaire et du sala­riat. Ce n’est pas Réseau sala­riat qui leur donne une nou­velle défi­ni­tion, c’est la réa­li­té des luttes qui en redé­fi­nit les contours. Nier ces évo­lu­tions his­to­riques serait nier ces luttes et ces conquêtes.

« Le salaire et le sala­riat ont tou­te­fois chan­gé depuis 150 ou 200 ans, au prix de luttes, par­fois vio­lentes, menées par la classe ouvrière et par les fonctionnaires. »

Notre pro­pos est donc bien plu­tôt de nous appuyer sur cette his­toire-là, sou­vent igno­rée, pour pour­suivre l’œuvre accom­plie. C’est dans les luttes, pre­nant sou­vent la forme de la maté­ria­li­té des mots, que se situe le rap­port de force. Derrière votre ques­tion, il me semble aus­si lire celle-ci : faut-il lais­ser aux réfor­ma­teurs le soin de tron­quer la réa­li­té par l’utilisation d’expressions idéo­lo­gi­que­ment conno­tées et incom­plètes ? C’est le cas, par exemple, de la notion de « dépenses publiques ». Il faut insis­ter sur le fait que la fis­ca­li­té ou la coti­sa­tion sociale, deux formes de socia­li­sa­tion de la valeur, relèvent avant tout de la pro­duc­tion publique : les ensei­gnants pro­duisent l’éducation, les soi­gnants pro­duisent la san­té, les juges pro­duisent la jus­tice, etc. La deuxième mal­hon­nê­te­té consiste à omettre de dire que la pro­duc­tion pri­vée est aus­si une dépense pri­vée. Autrement dit, pour le public comme pour le pri­vé, il y a tou­jours dépense et pro­duc­tion : c’est méca­nique dans un cir­cuit éco­no­mique ! La troi­sième mal­hon­nê­te­té consiste à dire que la dépense publique est égale à 56 ou 57 % du PIB, sans pré­ci­ser qu’il s’agit d’un équi­valent, c’est-à-dire d’une mesure des­ti­née à don­ner un ordre d’idée (comme on le fait, du reste, avec la dette publique, par exemple). Cet oubli laisse pen­ser que les fonc­tion­naires finan­cés par la fis­ca­li­té et les sala­riés finan­cés par la coti­sa­tion sociale dila­pident allè­gre­ment chaque année 56-57% du PIB (qui plus est, le PIB serait pro­duit par les seuls sala­riés du sec­teur pri­vé) ! La qua­trième mal­hon­nê­te­té consiste à ne pas dire que la dépense pri­vée, valo­ri­sée selon les mêmes moda­li­tés que la dépense publique, équi­vau­drait, d’après les cal­culs de Christophe Ramaux, à 200 % du PIB. Enfin, la cin­quième mal­hon­nê­te­té consiste à ne pas dire que l’enjeu unique de cette obses­sion de la dépense publique, et la rhé­to­rique per­ni­cieuse uti­li­sée à son sujet, est de sub­sti­tuer à de la pro­duc­tion publique de la pro­duc­tion pri­vée, dans la logique du TAFTA.

Enfin, la troi­sième ques­tion que je vois der­rière la vôtre est la sui­vante : faut-il lais­ser les réfor­ma­teurs recou­rir à des notions sou­vent louables et géné­reuses, mais qui dis­si­mulent des pièges, si l’on n’y prend pas garde ? C’est le cas des notions de « jus­tice sociale-équi­té-soli­da­ri­té » pour la Sécurité sociale — toutes ces expres­sions n’étant tou­te­fois pas com­pa­rables —, aux­quelles il faut oppo­ser celle de « salaire et inves­tis­se­ment socia­li­sés ». Considérer la Sécurité sociale comme un outil de jus­tice sociale, et plus par­ti­cu­liè­re­ment d’équité, c’est accom­pa­gner les réfor­ma­teurs, qui n’ont d’ailleurs que ce mot à la bouche. L’équité, cen­sée récom­pen­ser les plus méri­tants, conduit tout droit à la notion de reve­nu dif­fé­ré, qui indem­nise ou alloue une res­source en pro­por­tion de sa contri­bu­tion au mar­ché du tra­vail : on abou­tit, avec l’équité, aux mini­ma pour celui ou celle qui n’a pas contri­bué à la pro­duc­tion de valeur éco­no­mique ; aux filières de l’indemnité chô­mage, depuis 1982 jusqu’à la filière unique en vigueur depuis 2009 (1 jour coti­sé = 1 jour indem­ni­sé, ce pour deux ans maxi­mum) ; à l’augmentation de la durée de coti­sa­tion néces­saire pour une pen­sion pleine (37,5, puis 42, puis 43 annui­tés) et au recul de l’âge de départ à la retraite (62 ans aujourd’hui). Or, on l’a dit, il n’est pas besoin de « coti­ser » pour avoir droit au salaire socia­li­sé : la coti­sa­tion est prise aujourd’hui sur la valeur ajou­tée7. L’enfant qui est malade et soi­gné n’a pas coti­sé. Le veuf ou la veuve qui per­çoit la pen­sion de réver­sion n’a pas coti­sé. Les pre­miers cadres par­tis à la retraite en 1947 ont per­çu la retraite com­plé­men­taire de l’AGIRC8 sans avoir cotisé.

[Stuart Davis]

Dire que la Sécurité sociale opère un trans­fert des actifs vers les inac­tifs, c’est erro­né, éga­le­ment. La coti­sa­tion patro­nale qui finance l’essentiel du salaire socia­li­sé est pré­le­vée sur le PIB dès la répar­ti­tion pri­maire, au même titre que le pro­fit ou le salaire dit « direct » (qui n’est ni plus ni moins direct que le salaire socia­li­sé, lui-même ni plus direct ou indi­rect que le salaire « direct » !) : il ne s’agit pas d’un trans­fert mais d’une pré­emp­tion, aujourd’hui de 20 % du PIB, trans­for­mée en une jour­née par l’ACCOSS9 en salaire socia­li­sé. Par ailleurs, par­ler de la Sécurité sociale comme d’un outil de soli­da­ri­té, c’est ris­quer de se faire pié­ger face aux réfor­ma­teurs. La soli­da­ri­té laisse pen­ser qu’il y a trans­fert entre actifs et inac­tifs (ou entre géné­ra­tions). Mais aus­si, qua­li­fiée de « pro­fes­sion­nelle », la soli­da­ri­té exclut de fait les « non professionnels ».

« La théo­rie du capi­tal humain part du prin­cipe que plus l’individu a inves­ti dans sa for­ma­tion ou sa san­té, plus il aug­mente sa pro­duc­ti­vi­té et plus il sera payé en conséquence. »

Cela conduit tout droit à une autre soli­da­ri­té, la soli­da­ri­té natio­nale, c’est-à-dire l’assistance d’État avec les mini­ma (c’est le minis­tère du Travail et de la Solidarité natio­nale en 1982). Elle ferme donc la porte à l’intégration dans le droit com­mun des per­sonnes qui tra­vaillent hors de l’emploi. Mais aus­si, elle laisse prise au dur­cis­se­ment de la contri­bu­ti­vi­té, puisque la soli­da­ri­té étant pro­fes­sion­nelle, rien n’interdit de cou­pler la durée de la pres­ta­tion à la durée anté­rieure dans l’emploi : c’est la porte ouverte aux filières d’indemnisation du chô­mage depuis 1982, jusqu’à la stricte contri­bu­ti­vi­té en 2009 (un jour coti­sé pour un jour indem­ni­sé) et le pas­sage à 43 annui­tés pour la pen­sion. Ainsi, ados­ser la Sécurité sociale à la notion d’équité ou, sur un registre un peu dif­fé­rent, à celle de soli­da­ri­té, revient à mettre le mar­ché du tra­vail, ins­ti­tu­tion du capi­tal, au cœur du droit à pres­ta­tion et, par consé­quent, à évin­cer la coti­sa­tion comme salaire socia­li­sé. Ces exemples sont pris pour illus­trer que la lutte ne prend pas seule­ment la forme de mani­fes­ta­tions dans la rue, par exemple ; elle est aus­si maté­ria­li­sée dans les mots. Car fina­le­ment, votre ques­tion contient en creux toutes celles rela­tives aux méca­nismes de construc­tion et d’imposition de l’idéologie domi­nante dans le dis­cours, et aux efforts néces­saires des idéo­lo­gies domi­nées pour la déconstruire.

En qua­li­fiant la per­sonne et non plus le poste, com­ment ne pas pen­ser à la théo­rie du « capi­tal humain » déve­lop­pée par l’économiste néo­clas­sique Gary Becker10 ? Plutôt que de tra­vailler à amé­lio­rer notre condi­tion de tra­vail au niveau col­lec­tif, cela ne ren­for­ce­rait-il pas la doxa domi­nante du mana­ge­ment qui aime à favo­ri­ser l’individu ?

Nous sommes à l’opposé de la théo­rie du capi­tal humain déve­lop­pée par Gary Becker — qui a d’ailleurs fait l’objet de cri­tiques sérieuses et solides, du point de vue de sa mesure et des liens qu’elle éta­blit. Mais cette théo­rie reste mal­heu­reu­se­ment domi­nante. Par exemple dans la rhé­to­rique de l’Union euro­péenne : c’est elle aus­si qui conduit à l’invraisemblable endet­te­ment des étu­diants amé­ri­cains, les études étant appré­hen­dées comme un inves­tis­se­ment sur lequel l’étudiant, entré dans la peau d’un petit capi­ta­liste, espère et devrait avoir un retour. La théo­rie du capi­tal humain part du prin­cipe que plus l’individu a inves­ti dans sa for­ma­tion ou sa san­té, plus il aug­mente sa pro­duc­ti­vi­té et plus il sera payé en consé­quence. Sans entrer dans des expli­ca­tions détaillées, la mesure de la pro­duc­ti­vi­té, du capi­tal humain (édu­ca­tion, for­ma­tion, appren­tis­sage) et des trois liens de cor­ré­la­tion (édu­ca­tion > pro­duc­ti­vi­té > salaire) posent de vraies dif­fi­cul­tés. Avec cette théo­rie, on est effec­ti­ve­ment en pré­sence d’une logique indi­vi­duelle dans laquelle la pro­duc­ti­vi­té (ou les com­pé­tences mobi­li­sées à l’instant T) sont cen­trales. Le mana­ge­ment est là pour veiller à son déploie­ment et l’encourager. Notre pro­jet est pré­ci­sé­ment de rompre avec ce mana­ge­ment et avec cette connexion entre pro­duc­ti­vi­té de l’individu à l’instant T et salaire, incar­née par le reve­nu à la pièce/tâche et les primes de per­for­mance. L’encadrement serait là pour orga­ni­ser le tra­vail : pour­quoi ne pas ima­gi­ner un enca­dre­ment tour­nant, avec une élec­tion ou un man­dat, comme cela existe pour les direc­tions de labo­ra­toires de recherche ?

[Stuart Davis]

Quant à la qua­li­fi­ca­tion per­son­nelle, on peut s’inspirer du sta­tut du fonc­tion­naire de l’État. Il ne faut pas confondre la qua­li­té de pro­duc­teur affec­tée à l’individu, expri­mée dans notre pro­jet par sa qua­li­fi­ca­tion per­son­nelle, et la construc­tion de cette vali­da­tion sociale, col­lec­tive. La construc­tion des grilles et des caté­go­ries de fonc­tion­naires a été un pro­ces­sus au cours duquel la confron­ta­tion de plu­sieurs points de vue col­lec­tifs a été omni­pré­sente, jusqu’à abou­tir à un com­pro­mis. C’est cela, la vali­da­tion sociale. En revanche, une fois que les règles ont été éta­blies col­lec­ti­ve­ment, l’affectation du grade a bien été (et est) faite à l’échelle de l’individu. Dans le sec­teur pri­vé, avec le mana­ge­ment actuel, et depuis, notam­ment, 1998 sous la pres­sion du patro­nat11, c’est la com­pé­tence indi­vi­duelle qui pré­vaut et sa défi­ni­tion arbi­traire par un employeur, dans une rela­tion bila­té­rale et dés­équi­li­brée avec l’employé, qui vise à pas­ser outre la qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle et donc les grilles sala­riales, négo­ciées. La force de la com­pé­tence, c’est d’avoir réus­si à s’imposer dans la rhé­to­rique sédui­sante de la ges­tion pré­vi­sion­nelle des emplois et des com­pé­tences, de l’employabilité, de la sécu­ri­sa­tion des par­cours, de la pro­fes­sion­na­li­sa­tion. Nous sommes pour­tant loin de la qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle, de la cer­ti­fi­ca­tion et de la for­ma­tion qua­li­fiante, de la sécu­ri­té sociale pro­fes­sion­nelle pro­po­sée par la CGT ou de son sta­tut du tra­vailleur sala­rié. Dans le pro­jet de Réseau sala­riat, la construc­tion de la qua­li­fi­ca­tion per­son­nelle et de ses niveaux serait aus­si un pro­ces­sus de négo­cia­tion ; quels cri­tères, quels jurys, quelles épreuves, etc. ? Autant de ques­tions qui doivent faire l’objet d’une négo­cia­tion collective.

Si nous deve­nons tous pro­duc­teurs de valeur éco­no­mique, sur une échelle de salaire liée au niveau de qua­li­fi­ca­tion, n’est-ce pas encou­rir le risque de voir l’enseignement prendre un tour­nant concur­ren­tiel (entre les écoles, les uni­ver­si­tés et entre les étu­diants) inte­nable, le niveau de cer­ti­fi­ca­tion pou­vant être pris comme un levier pour accé­der au niveau supérieur ?

« Il ne faut pas confondre la qua­li­té de pro­duc­teur affec­tée à l’individu, expri­mée dans notre pro­jet par sa qua­li­fi­ca­tion per­son­nelle, et la construc­tion de cette vali­da­tion sociale, collective. »

Je pense que vous faites un contre­sens. L’école cer­ti­fie ; elle atteste que nous savons faire tel métier, tel tra­vail concret. Alors que la qua­li­fi­ca­tion atteste que nous pro­dui­sons tel niveau de valeur éco­no­mique : ce qui relève bien plus de l’expérience pro­fes­sion­nelle que du diplôme. La qua­li­fi­ca­tion comme droit poli­tique va, au contraire, sor­tir les per­sonnes de la malé­dic­tion de l’échec sco­laire, et libé­rer l’école de l’obligation absurde de pré­pa­rer les jeunes à satis­faire aux exi­gences du mar­ché du tra­vail, obli­gés qu’ils sont dès le col­lège de faire un stage d’une semaine dans « le monde du tra­vail », tenus de séduire les DRH venus faire leur mar­ché dans les mul­tiples forums de l’emploi, contraints de se livrer à des séances de job-dating où l’on vend sa peau en sept/dix minutes, chro­no en main. À pro­pos de votre inquié­tude sur le « tour­nant concur­ren­tiel » à (et de) l’école, la ques­tion laisse entendre que l’appareil édu­ca­tif actuel ne s’inscrirait pas déjà dans des rap­ports de com­pé­ti­tion. Loin s’en faut, aujourd’hui : il vaut mieux avoir fait les Mines que psy­cho, et finance que cou­ture, pour avoir un poste, d’une part ; et un salaire plus éle­vé, de l’autre. Ce point, qui relève d’un pro­ces­sus de sélec­tion, n’est pas décon­nec­table du sys­tème éco­no­mique actuel. L’école n’est pas auto­nome par rap­port à l’appareil pro­duc­tif. La concur­rence et les effets sélec­tifs qu’elle opère existent pré­ci­sé­ment au sein de l’appareil sco­laire, car la cer­ti­fi­ca­tion est déter­mi­nante dans la hié­rar­chie des métiers. Pour reprendre votre expres­sion, la filière et le niveau de cer­ti­fi­ca­tion sont déjà « des leviers d’accès aux niveaux de qua­li­fi­ca­tion supé­rieurs ».

Mais atten­tion ! s’il s’agit bien d’un levier d’accès à la qua­li­fi­ca­tion (pro­fes­sion­nelle), à ne pas confondre avec la cer­ti­fi­ca­tion, comme je l’ai déjà pré­ci­sé : la qua­li­fi­ca­tion se situe dans la sphère de la pro­duc­tion ; la cer­ti­fi­ca­tion, dans la sphère de l’école, garan­tis­sant une capa­ci­té à pro­duire. Le diplôme qui sanc­tionne cette capa­ci­té à pro­duire consti­tue un cri­tère clé dans un cer­tain nombre de conven­tions col­lec­tives. Il est inté­res­sant, car c’est un cri­tère qui vient d’une ins­ti­tu­tion exté­rieure à l’entreprise (mal­heu­reu­se­ment, de moins en moins auto­nome par rap­port à l’appareil pro­duc­tif), à pro­pos de laquelle la déci­sion poli­tique est cen­trale. En revanche, dans la fonc­tion publique, la qua­li­fi­ca­tion repose qua­si exclu­si­ve­ment sur un niveau de for­ma­tion ini­tiale pour l’accès aux concours. Ici, la com­pé­tence n’entre en rien dans la défi­ni­tion de la qua­li­fi­ca­tion per­son­nelle (la caté­go­rie et le grade) acquise avec la réus­site au concours. Les choses se com­plexi­fient par la suite, avec les évo­lu­tions sur tableau d’avancement qui sont des rémi­nis­cences du prin­cipe de faveur de la royau­té (aujourd’hui du ministre ou de son repré­sen­tant), et qui doivent disparaître.

Stuart Davis

Le constat est donc le sui­vant : plus on s’éloigne de cri­tères liés aux qua­li­tés indi­vi­duelles pour déter­mi­ner le niveau de salaire, qua­li­tés défi­nies comme com­pé­tences (savoir-faire, savoir-être, etc.) mises en œuvre à l’instant T pour pro­duire tel bien ou ser­vice et pour telle quan­ti­té (sur les­quelles s’appuie, par exemple, la prime de résul­tat ou de per­for­mance), plus c’est éman­ci­pa­teur. C’est l’une des carac­té­ris­tiques du trai­te­ment du fonc­tion­naire, attri­bué à sa qua­li­fi­ca­tion per­son­nelle, elle-même construite et déter­mi­née par un concours fon­dé sur le niveau de diplôme, indé­pen­dam­ment de cri­tères de com­pé­tence ou de pro­duc­ti­vi­té. Pour autant, et que je sache, la pro­duc­tion publique des fonc­tion­naires — quand on leur en donne les moyens — est de bonne qua­li­té. Elle a été et est sans doute l’une des meilleures du monde, quoi qu’on en dise. Mais elle est mise en péril par la réduc­tion des moyens au nom de la « dépense publique ». Comme il faut s’inspirer de la Sécurité sociale, il faut tirer les conclu­sions de la qua­li­fi­ca­tion attri­buée à la per­sonne du fonc­tion­naire, s’inspirer de ces expé­riences pour envi­sa­ger une alter­na­tive au sys­tème capi­ta­liste. Dans notre pro­jet, en s’inspirant de la car­rière pré­vue dans les conven­tions col­lec­tives ou, mieux, du sta­tut de la fonc­tion publique, tout le monde se ver­rait attri­buer à sa majo­ri­té un niveau de qua­li­fi­ca­tion au moins de 1, et pour­rait évo­luer au gré d’épreuves pour aller vers les niveaux 2, 3, ou 4. La ques­tion est donc celle des cri­tères d’attribution de ces niveaux de qua­li­fi­ca­tion, ouverte à la négo­cia­tion, comme l’ont été les cri­tères d’attribution des grades des fonc­tion­naires en 1948. Une autre option serait de n’envisager qu’un niveau de qua­li­fi­ca­tion per­son­nelle, droit poli­tique uni­ver­sel — et donc un seul niveau de salaire. Ce point mérite aus­si d’être débattu.

Une der­nière ques­tion. Vous pré­sen­tez le finan­ce­ment du salaire à vie par un redé­cou­page du PIB. Que faites-vous des cri­tiques à l’encontre du PIB12 ? Et com­ment envi­sa­ger que le finan­ce­ment du salaire à vie se fasse sur la base d’un PIB constant, et même évo­lu­tif, alors que le salaire à vie, même dans une pers­pec­tive longue, ren­verse com­plè­te­ment l’organisation de la production ?

« Nous ne par­tons donc pas de rien, et c’est essen­tiel pour mon­trer que notre pro­jet n’est pas une uto­pie inaccessible. »

D’une part, les pro­po­si­tions de salaire à vie et de maî­trise popu­laire de l’investissement, ren­dant pos­sible la copro­prié­té d’usage de tout l’outil de tra­vail, ne mettent cul par-des­sus tête que la pro­duc­tion capi­ta­liste, certes encore majo­ri­taire, mais pas exclu­sive. Une par­tie du PIB est déjà pro­duite par des tra­vailleurs payés à vie et qui ne mettent en valeur aucun capi­tal : les fonc­tion­naires et les sala­riés finan­cés par la coti­sa­tion sociale. Nous ne par­tons donc pas de rien, et c’est essen­tiel pour mon­trer que notre pro­jet n’est pas une uto­pie inac­ces­sible. D’autre part, le PIB n’est pas une mesure comp­table ou sta­tis­tique : c’est un outil poli­tique, qu’il faut se réap­pro­prier et ne pas lais­ser entre les mains d’une poi­gnée d’individus qui en décident tout, de la mesure aux contours en pas­sant par ses limites. Il mesure la valeur éco­no­mique : on ne peut donc pas lui deman­der de mesu­rer le niveau de san­té ou le bon­heur au tra­vail, qui néces­sitent d’autres indi­ca­teurs. Faut-il mesu­rer la valeur éco­no­mique ? Oui, parce que c’est « ce qui vaut » qui déter­mine le pro­duit concret de notre tra­vail : si ce qui vaut en matière de trans­port mesure la pro­duc­tion auto­mo­bile et auto­rou­tière, les cars Macron et les ren­tiers pro­prié­taires de BlaBlaCar ont tout l’avenir devant eux, pas le trans­port fer­ro­viaire. Si ce qui vaut en matière de loge­ment, c’est la pro­prié­té immo­bi­lière lucra­tive, alors les ren­tiers pro­prié­taires de Airbnb sont légi­ti­més, pas la néces­saire sécu­ri­té sociale du loge­ment, qu’il faut pour­tant impé­ra­ti­ve­ment construire.

Or, de ce point de vue, du fait des conflits dont la valeur éco­no­mique est en per­ma­nence l’objet, la mesure du PIB est en per­ma­nente évo­lu­tion, et dans un sens qui est loin de n’être que néga­tif. Une opi­nion reçue, par exemple, veut que le PIB ne mesure que le « pro­duit mar­chand », et qu’il soit inca­pable de mesu­rer une valeur éco­no­mique non moné­taire, et donc d’accompagner la néces­saire mon­tée en charge de la gra­tui­té. C’est tota­le­ment faux. Notre PIB addi­tionne les valeurs ajou­tées des entre­prises mar­chandes, qui donnent lieu à des flux moné­taires, et la pro­duc­tion gra­tuite des ser­vices publics, éva­luée au coût des fac­teurs. Nous sommes déjà en capa­ci­té de mesu­rer une pro­duc­tion non moné­taire, nous prou­vons déjà que le PIB peut enre­gis­trer une part crois­sante de pro­duc­tion gra­tuite, mais avec un coût, d’éducation, de san­té. Continuons par exemple en ajou­tant au PIB la pro­duc­tion des retrai­tés. Il aug­men­te­ra ain­si sans aug­men­ta­tion des flux moné­taires, et en s’enrichissant de tra­vaux peu pol­luants et créa­teurs de liens sociaux, qui seront ain­si valo­ri­sés. On peut faire le même rai­son­ne­ment avec la seconde Journée des femmes : non pas — c’est évident mais cela va mieux en le disant — par l’attribution d’un salaire mater­nel ou par les désas­treuses condi­tions sala­riales et de tra­vail des ser­vices à la per­sonne, mais en met­tant en œuvre un salaire à vie dont les cri­tères de qua­li­fi­ca­tion feront une part aux tâches domes­tiques, que l’on soit un homme ou une femme !


Illustrations de ban­nière et de vignette : Stuart Davis


  1. [Edit] 1 à 3, en 2021.[]
  2. Construit par les conven­tions col­lec­tives comme poste de tra­vail sup­port de la qua­li­fi­ca­tion et du salaire, l’emploi est une ins­ti­tu­tion ambi­va­lente, aujourd’hui vidée de son conte­nu sala­rial (qua­li­fi­ca­tion du poste rem­pla­cée par l’employabilité de son titu­laire par exemple), au béné­fice de sa stricte arti­cu­la­tion au mar­ché du tra­vail. C’est donc une ins­ti­tu­tion déci­sive du déni de la qua­li­fi­ca­tion des per­sonnes réduites à la force de tra­vail et de la conven­tion capi­ta­liste du tra­vail. Il peut être rem­pla­cé par la qua­li­fi­ca­tion per­son­nelle.[]
  3. La pro­prié­té d’usage est un patri­moine que l’on consomme pour son usage per­son­nel et dont on ne tire aucun reve­nu : un appar­te­ment, une voi­ture, des outils, de l’épargne d’usage. À l’inverse, la pro­prié­té lucra­tive est un patri­moine que l’on ne consomme pas per­son­nel­le­ment, pour en tirer un reve­nu sous forme de loyer, de ren­de­ment d’un por­te­feuille finan­cier, de pro­fit tiré d’une entre­prise. C’est le prin­ci­pal obs­tacle à la pro­prié­té d’usage, en par­ti­cu­lier en matière de loge­ment et d’outil de tra­vail.[]
  4. « De quelles caisses s’agit-il ? De sortes de caisses de sécu­ri­té sociale dédiées aux inves­tis­se­ments : rap­pe­lons-nous que la Sécu a finan­cé dans les années 1960 les CHU (Centre hos­pi­ta­lier uni­ver­si­taire) et, aujourd’hui encore, les équi­pe­ments médi­caux des hôpi­taux publics, sans recou­rir au cré­dit. Dédier une par­tie de la coti­sa­tion à d’autres inves­tis­se­ments lourds est donc par­fai­te­ment envi­sa­geable. Il s’agirait de mobi­li­ser 30 % du PIB pour l’investissement — 15 % finan­cés en auto­fi­nan­ce­ment par les entre­prises elles-mêmes et 15 % par les caisses d’investissement gérées, notam­ment, par des pro­duc­teurs ou leurs repré­sen­tants. » Christine Jakse[]
  5. Conseil natio­nal de la Résistance : organe qui diri­gea et coor­don­na les dif­fé­rents mou­ve­ments de la Résistance fran­çaise pen­dant la Seconde Guerre mon­diale. Son pro­gramme pré­voit une liste de réformes sociales et éco­no­miques à appli­quer dès la Libération.[]
  6. Originellement, un acro­nyme pour « Union natio­nale inter­pro­fes­sion­nelle pour l’emploi dans l’industrie et le com­merce » : asso­cia­tion char­gée de la ges­tion de l’assurance chô­mage en France, en coopé­ra­tion avec Pôle emploi.[]
  7. La valeur ajou­tée est la valeur éco­no­mique nou­velle en cours de créa­tion (la valeur ajou­tée nou­velle créée dans l’année est le PIB). Lorsqu’on a ôté du prix d’un pro­duit le coût des consom­ma­tions inter­mé­diaires (éner­gie, matières pre­mières), on obtient la valeur ajou­tée qui, dans la conven­tion capi­ta­liste de la valeur, se par­tage entre pro­fit et salaire. La conven­tion sala­riale, qui s’oppose à la conven­tion capi­ta­liste, l’attribuera en tota­li­té au salaire.[]
  8. Association géné­rale des ins­ti­tu­tions de retraite des cadres.[]
  9. Agence cen­trale des orga­nismes de sécu­ri­té sociale : caisse natio­nale qui coor­donne l’ensemble des orga­nismes par­ti­ci­pant au recou­vre­ment du régime géné­ral de sécu­ri­té sociale.[]
  10. Concept clé de l’économiste néo­clas­sique Gary Becker. Le capi­tal humain est un stock de res­sources pro­duc­tives incor­po­rées aux indi­vi­dus eux-mêmes, consti­tuées d’éléments aus­si divers que le niveau d’éducation, de for­ma­tion et d’expérience pro­fes­sion­nelle, l’état de san­té ou la connais­sance du sys­tème éco­no­mique. Les inéga­li­tés de salaire reflètent l’inégalité de la répar­ti­tion ou des pos­si­bi­li­tés d’acquisition de capi­tal humain.[]
  11. Journées inter­na­tio­nales de la for­ma­tion, octobre 1998, orga­ni­sées par le Medef, avec les com­pé­tences comme thème cen­tral.[]
  12. Selon l’économiste Jean Gadrey par exemple, « si le PIB demeure un indi­ca­teur éco­no­mique per­ti­nent pour juger de l’accroissement de la pro­duc­tion dans un pays, il pré­sente de nom­breuses limites intrin­sèques, qui en font un indi­ca­teur inadap­té pour juger de l’état de bien-être ou de pro­grès d’une socié­té ».[]

REBONDS

☰ Lire notre entre­tien avec Bernard Friot : « Je pra­tique à la fois chris­tia­nisme et com­mu­nisme », juin 2019
☰ Lire notre entre­tien avec Frédéric Lordon : « Rouler sur le capi­tal », novembre 2018
☰ Lire notre article : « Le salaire à vie : qu’est-ce donc ? », par Léonard Perrin, mars 2018
☰ Lire notre entre­tien avec IWW Belgique : « Renoncer à l’objectif du plein emploi », jan­vier 2017
☰ Lire notre entre­tien avec Alternative liber­taire : « La sor­tie du capi­ta­lisme est indis­so­ciable de l’abolition du sala­riat », décembre 2017
☰ Voir notre débat fil­mé : « Salaire à vie et reve­nu de base en débat », Bernard Friot et Baptiste Mylondo, juillet 2016

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